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Roland HUREAUX

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21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 18:52

 

Deux soucis me paraissent caractériser tant les engagements que la pratique journalistique de notre regretté ami Philippe Cohen : la vérité, le peuple.

Le souci le plus scrupuleux de la  vérité pourrait aller de soi chez un homme de presse. Hélas, le  souci politique est dans les métiers de communication, une permanente tentation aujourd’hui.  Nous ne pensons pas tant à de vulgaires soucis de carrière dont Philippe était sans doute  très éloigné,  mais à  celui de se sentir investi d’autres responsabilités que celle de rendre compte des faits, d’avoir sans cesse le  souci de ce qu’il faut dire ou ne pas dire pour ne pas encourager telle ou telle tendance prêtée aux lecteurs, de  ne pas « faire le jeu »   de X ou de Y   , de ne pas être pris pour ceci ou pour cela  etc. toutes préoccupations qui peuvent légitimement inspirer les discours des vrais politiques mais qui devaient se réduire à minima chez un journaliste, comme d’ailleurs chez tout intellectuel.

Paradoxalement, Philippe Cohen qui fut à la fois journaliste et, au travers de la Fondation du 2 mars, militant, eut plus que quiconque le souci de séparer les deux.

Le souci de la vérité, ce n’est pas forcément celui de la Vérité prise comme un absolu. Philipe Cohen, s’il croyait sans doute à l’objectivité des choses, savait qu’elle ne peut être atteinte directement et  que la pluralité des points de vue est généralement le meilleur moyen de la cerner au plus près, au plus près seulement.

D’où la manière dont il gérait par exemple le blog de Marianne : un impitoyable souci de l’exactitude des faits et  de la cohérence  des raisonnements, mais aussi la plus grande ouverture à des points de vue différents  et même opposés au sien,  y compris et surtout les plus décentrés.

Parmi ceux-ci, le point de vue du peuple. Le peuple en général est certes un grand mot. Mais il nous a semblé que Philippe Cohen, au rebours de la quasi-totalité de la nomenklatura, s’est toujours attaché à l’idée  que le point de vue majoritaire  ou largement répandu dans le peuple au sens large, notamment chez les petits et  les sans grade, ne saurait  être récusé a priori.  Au contraire, il  soupçonnait que ce point de vue reposait sur de bonnes raisons, même si elles n’étaient pas toujours celles qui étaient formulées par les intéressés. Peut-être même tendait–il  à parier avantage sur  la  lucidité populaire que sur celle des élites.

On sait les risques que cette double attitude l’a conduit à prendre. On ne dira jamais assez à quel point elle est contraire l’esprit d’une époque  qui, peut-être plus que  d’autres,  tend à considérer  a priori la vox populi comme une vox diabolica  ,  de suspecter dans toute voix venue d’en bas , le corporatisme,  le machisme, le racisme, la xénophobie , bref  le « populisme » et en tous les cas l’ignorance. L’ignorance,  donc la nécessité d’une rééducation, d’une  pédagogie, d’une « meilleure explication »,  comme  celle que les meilleurs esprits appelèrent de   leurs vœux au lendemain du référendum « manqué » du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne.  A tout le moins Philippe Cohen pensait-il que tout écho venu des profondeurs supposées non éclairées de la population exigeait, en lieu et place des récusations a priori, un complément d’enquête.

La vérité, le peuple : ceux qui se souviennent de la rhétorique marxiste, reconnaitront peut-être là  un reste de trotskisme.

L’idée que  le peuple est plus lucide sur  sa condition propre, sur  les rapports de classes auxquels il est soumis,  et donc sur  la  réalité sociale dans son ensemble,   se trouve, en tous les cas,  au cœur de la doctrine de Karl Marx.  A l’inverse, les classes dirigeantes, de ce point de vue,  produisent une idéologie qui est auto-justificatrice  pour eux, mystificatrice  pour les autres et en définitive auto-mystificatrice ; elles ne peuvent donc prétendre à   la pleine lucidité.

Les tenant les plus raides de cette position, tel Althusser sont allés  jusqu’à prétendre que le prolétariat (nom plus « technique » que le peuple)  avait naturellement une vue « scientifique » des choses, alors que toute autre classe   était prisonnière de l’idéologie.

Nous ne pensons pas une seconde que Philippe Cohen ait été un adepte d’une doctrine aussi systématique,  d’autant que l’histoire a montré que ceux qui s’en sont prévalu, par une singulière  ironie, sont tombés eux-mêmes au temps du soviétisme dans la plus totale inversion qui se puisse imaginer : l’identification fantasmagorique du prolétariat à un parti plus idéologique encore que  ne l’avait jamais été la bourgeoisie.

Mais cette inversion qui voit des élites, se croyant à l’abri de  toute  idéologie, faire la leçon au peuple,  aux peuples ,  au nom d’une pensée de l’émancipation qui n’est elle-même qu’idéologie,  et des plus mystificatrices,    qui ne  voit qu’elle se  produit plus que jamais aujourd’hui,  au temps du libéralisme mondialiste trompant ?  

Faut-il donc que nous  redevenions marxistes ?  Peut-être pas.  Mais que l’opinion populaire, sans être considérée comme infaillible,     doive être constamment tenue, non pour  un tissu d’erreurs à redresser, voire l’expression de mauvais instincts, mais pour  un instrument  critique de l’idéologie, de toutes les idéologies, voilà sans doute une idée  que n’aurait pas récusée notre ami.

 

 

Roland HUREAUX 

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21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 09:23

 

On savait que la prétendue réforme bancaire promise par François Hollande s’est traduite par ce que l’on nomme vulgairement un « pet  dans l’eau », le gouvernement n’ayant pas résisté à la puissance du lobby bancaire français dirigé par plusieurs anciens collaborateurs de Strauss-Kahn et qui voulait  que rien ne change dans les abus du système bancaire.

Mais les faveurs du gouvernement envers les banques ne s’arrêtent   pas là. L’article 60 du projet de loi des finances en cours de discussion, présenté   par Ayrault et Moscovici prévoit le désarmement juridique unilatéral des collectivités locales face aux  banques leur ayant consenti des prêts   toxiques !   1500 collectivités locales (villes, communes, hôpitaux, HLM, syndicats intercommunaux, etc.) sont concernées. A l’heure actuelle, 300 d’entre elles contestent devant les tribunaux les conditions des prêts que leur ont accordé  des établissements comme Dexia, le Crédit agricole, la Société générale, Royal Bank of Scotland ou encore la Deutsche Bank.

Le  projet de loi de finances prévoit la création d’un fonds, alimenté pour moitié par l’Etat, pour l’autre moitié par les banques, doté de 100 millions d’euros pour « aider » les victimes à rembourser leurs prêts par anticipation. Mais pour y avoir droit, elles devront renoncer à l’avance à leurs contentieux, avant même de savoir si elles recevront l’aide ! Une collectivité qui s’avise d’attaquer en justice une banque : danger !

Comme si cela ne suffisait pas, le  projet de loi de finances rectificative de fin d'année prévoit une « reprise de dette »  de 4,5 milliards d'euros par l’Etat destinée  à éponger  l’immense passif laissé   il y a vingt ans par la faillite du Crédit lyonnais,  au temps du gouvernement socialiste, ce que le député Charles de Courson (UDI) qualifie de « toue  de passe-passe ».

 

Qui croit encore  que les socialistes sont fâchés avec la finance ?

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

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21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 07:58

Publié dans Le Figaro du 2/09/2013

Les  intérêts qui entraînèrent  la  première guerre mondiale étaient à peu près clairs : la volonté d’hégémonie européenne et maritime pour l’Allemagne, le souci d’y faire barrage  pour l’Angleterre, la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine pour la France, la fuite en avant d’empires en crise, pour l’Autriche et la Russie

Ceux qui ont déclenché la seconde guerre mondiale sont encore plus clairs : l’ambition d’un empire mondial pour  l’Allemagne et le  Japon,  le souci légitime de se défendre une fois attaqués pour la Pologne, la France, le Royaume-Uni, l’URSS et enfin les Etats-Unis.  Seule l’Italie de Mussolini, pas vraiment guerrière, mais aveuglée par un  mimétisme stupide, fut irrationnelle.

Si la crise internationale relative à la Syrie devait gravement dégénérer à la suite des interventions projetées actuellement par les  puissances occidentales,  on chercherait en vain quels intérêts majeurs  auront motivé leur  terrible prise de risque, spécialement celle de la France,   dans cette affaire.

Le  pétrole ? Il n’y en a guère en Syrie.

Nos intérêts historiques ?  Il s’agissait surtout de protéger les chrétiens : ils conduiraient  donc à soutenir le régime d’Assad qui le fait  mieux que quiconque. 

Défendre Israël  ?  Mais il est de notoriété publique que ses dirigeants sont divisés sur la question syrienne : une partie d’entre eux  ne souhaite pas voir, si Assad était renversé, les islamistes, voire les Turcs,  à 100 km de Jérusalem. On les comprend. La Syrie a-t-elle  d’ailleurs jamais menacé Israël depuis   40 ans qu’elle est dirigée par la famille Assad ?

Détruire le Hezbollah, allié de l’Iran et menace pour Israël ? Mais l’extension de  la guerre à toute la Syrie, et sans doute au-delà, n’est-elle pas un détour totalement disproportionné à  un tel objectif ?

Briser  l’arc chiite qui enveloppe aujourd’hui le Proche-Orient, du Liban  à l’Iran ? Mais cet arc n’existerait pas si la  guerre d’Irak n’y avait établi un pouvoir chiite : il n’ y avait pas assez de think tanks  outre-Atlantique pour prévoir que la règle majoritaire appliquée à ce pays conduirait à ce résultat  ?  Avons-nous d’ailleurs  à épouser les intérêts sunnites ?

Contenir la Russie ? Mais elle aussi se trouve sur la défensive. Après la chute de l’URSS, elle a dû  renoncer  à la plupart de  ses positions en Europe et  dans le monde : Angola, Mozambique, Somalie, Yémen  etc.     Géographiquement proche, elle  redoute légitimement l‘extension de l’  islamisme ( et,  pour cela,  soutient l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan), et  a marqué clairement une ligne rouge en Syrie : elle ne tolèrera pas sans réagir  le renversement du régime d’Assad .  Un avertissement clair qu’il est très inquiétant qu’on ne l’entende pas.

 

Les dangers de la diplomatie des droits de l’homme

 

Faute d’intérêt clair et proportionné au risque,  il ne reste aucun autre motif pour expliquer l’escalade à laquelle se livrent aujourd’hui  les Occidentaux que le souci  des droits d’homme : la rhétorique médiatique ( relayée en France par le parti socialiste)  assimile   jour après jour Assad à Hitler. Mais le rapprochement  est absurde. Hitler voulait conquérir le monde. Assad ne veut conquérir rien du tout, seulement qu’on le laisse en paix: il a eu autrefois la velléité d’absorber le Liban, contre nos intérêts pour le coup, mais c’est fini et    nous ne lui en avons pas trop voulu ; il fut l’hôte d’honneur du défilé du 14 juillet 2008.     Hitler avait entrepris  d’éliminer physiquement  les  minorités, principalement  juive,  en   Europe mais  en Syrie, c’est au contraire le régime  Assad qui, depuis quarante ans,  protège, mieux que tout autre,  ses minorités et ce sont ses opposants, au moins les plus radicaux , qui veulent les éliminer.

Le régime d’Assad est loin d’être   idéal ; confronté à  une guerre civile appuyée de l‘extérieur, il a  recours à des moyens atroces  pour se défendre ( sans que l’on soit sûr que la responsabilité de l’utilisation de gaz toxiques lui incombe). Ses adversaires aussi.  Mais il n’était à la base  qu’une dictature  militaire classique , comme l’Occident en a toléré   pendant des années un peu partout dans le monde et en a même  mis en place en Amérique latine  il n’y  a pas si longtemps.  C’est le même type de régime que  beaucoup sont soulagés, depuis quelques   jours,     les illusions du « printemps arabe »  retombées,  de voir revenir  en Egypte !  

Il est  sans doute intrinsèque à   la diplomatie des droits de l’homme, parce qu’elle  est hystérique et immature,  de se fonder sur une analyse  biaisée  des réalités qu’elle se propose de corriger. Mais même si  cette  analyse  n‘était pas biaisée, cette  diplomatie demeure   erronée dans son principe. Une diplomatie mûre doit être une diplomatie guidée par nos seuls intérêts. La récente intervention au Mali entrait dans ce cadre. Cette diplomatie qui a l’air égoïste est en fait la seule  morale. D’abord parce que c’est pour qu’ils  défendent  nos intérêts que   nous avons élu nos dirigeants. Ensuite parce qu’  elle est le meilleur moyen de limiter les risques : on trouve toujours des compromis à partir de intérêts bien compris, jamais à partir des principes et des idéologies.  

Sous les apparences de la supériorité morale, la  diplomatie des principes conduit tout droit à la perdition. « Qui veut faire l’ange fait la bête ».

S’engager dans une  affaire aussi grave que la guerre, spécialement dans  un terrain aussi miné que le Proche-Orient  sans  pouvoir se prévaloir d’un  intérêt clair est le signe d’un grave dérèglement des esprits. Jupiter dementat quos vult perdere.

Roland HUREAUX

 

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21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 07:49

Compte-rendu de lecture

  

Honte à moi qui n’avais  jamais lu Le siècle de Louis XIV. Cette lacune est comblée.  Quelle  admirable leçon d’histoire de France, doublement classique, par le sujet et par la façon !  

Chateaubriand dit que Voltaire donna le meilleur quand il était soumis à la censure.  Quand il écrit cet ouvrage, Voltaire  a encore sa carrière à faire, il courtise Louis XV : quel meilleur moyen que de faire l’éloge de son arrière-grand-père ?  Il est  prudent sur le sujet religieux, beaucoup plus que dans l’Essai sur les mœurs, publié un peu plus tard,   où il s’attelle à l’histoire du monde  avec une érudition considérable, mais  sans  déguiser cette fois    son hostilité à l’héritage juif et chrétien, juif encore plus que chrétien.   

Il ne suffisait pas que Louis XIV ait eu un règne brillant sur le plan militaire et ait été contemporain d’un merveilleux épanouissement de la littérature et des arts, d’un raffinement sans égal des mœurs pour apparaître comme un roi hors-série. Il fallait que quelqu’un le dit et le dit magnifiquement. Ce fut Voltaire.

Rien qui ne soit connu aujourd’hui dans le portrait qu’il en dresse : non seulement homme d’autorité mais homme de goût et d’une politesse exquise en toutes circonstances, le contraire de l’image qu’on se fait aujourd’hui du tyran  grossier et brutal.

Apte très jeune à s’entourer des meilleurs  talents, il s’y fia peut-être trop. Il lui manqua,  nous semble-t-il,  cet art, difficile entre tous pour  les gouvernants, de doubler les réseaux d’‘information officiels pour savoir  ce que l’administration lui cache. C’est ainsi qu’il fut gravement désinformé sur la résistance du  protestantisme avant la Révocation de l’Edit de Nantes. L’autre grande faute que Voltaire, pourtant admirateur, rappelle,   est naturellement le ravage du Palatinat, qu’une confiance aveugle en Louvois explique en partie.

J’avais  étudié pour l’agrégation les guerres de Louis XIV sans à vrai dire y comprendre grand-chose. Chez  Voltaire, grand pédagogue s’il en est,  leur enchaînement est parfaitement lumineux.  

La guerre, pour le grand roi, ne se sépare pas de l’amour : n’y partait-il  pas au printemps comme en automne,  on part à la chasse, tenant à ce que l’y accompagnassent les plus belles femmes de la cour ?  

Ce grand amoureux, qui après avoir épuisé de grossesses sa faible femme espagnole, double cousine germaine (un mariage que l’Eglise eut interdit en d’autres temps !) et trouvé, parmi  d’innombrables   maitresses, sa vraie partenaire dans la torride marquise de Montespan (héritière par sa naissance, on le suppose, de l’esprit Mortemart, cher à Proust), il épousa  Mme de Maintenon  à  45 ans, comme on entre en religion, bien jeune.

Même rupture dans  l’histoire militaire. Jusque vers 1690,  Louis XIV fait la guerre  avec autant d’ardeur qu’il fait l’amour, victorieusement, à toute l’Europe qui n’en demande pas tant. A partir de là, toute l’Europe la lui fait, alors qu’il n’a  plus envie de la faire.  Juste  revanche mais  triste vieillesse.

Ce grand chasseur de talents faillit  perdre sa dernière guerre  faute d’avoir   repéré  le futur  prince Eugène, qui, éconduit dans son pays, servit avec génie l’empereur d’Autriche. Louis XIV ne fut sauvé du désastre final  que par le vieux Villars, autre soldat de génie,  qui faute d’être bon  courtisan dut attendre le soir de sa vie (et la mort de tous ses rivaux) pour  accéder au   premier  rang.

Sur la même étagère  des classiques oubliés,  un ouvrage qui fit fureur au XVIIIe siècle : le Télémaque de Fénelon   plus guère lu aujourd’hui. Une prose aussi admirable que celle de Voltaire, mais avec l’ennui en plus. Les bergeries à la Poussin, l’atticisme doucereux   et les bons sentiments qui  l’  inspirent font de la mauvaise  littérature. En tous les cas, de la mauvaise politique : contre Louis XIV,  Fénelon pensa qu’un politique vertueux devait être doux. A trop le lire, Louis XVI   en perdit la tête.  

 

Roland HUREAUX

 

 

*Ces deux ouvrages ont été lus dans l’édition de la Pléiade. 

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21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 07:45

Publié dans Le Figaro du 14/11/2013

 

Les  manifestations du 11 novembre hostiles au chef de l ’Etat  aux Champs Elysées et à Oyonnax n’expriment  pas seulement, parmi d’autres frondes, l’usure d’un homme, mais aussi celle d’une idéologie, la   social-démocratie libérale libertaire,   dont la « chute finale »  pourrait s’apparenter à celle du communisme en  1990.  

Tout ce que la République, même anticléricale, avait  autrefois  préservé : la famille, la nation, la morale, la  justice, l’histoire, la différence sexuelle, l’instruction publique est aujourd’hui remis en cause avec rage. Même  la laïcité   est  atteinte :   la présence ostensible des plus hautes autorités de la  République aux cérémonies de la fin du Ramadan, au mépris   total de la loi de 1905,  contraste avec le dédain officiel de l ’Eglise catholique, exacerbé par la loi Taubira,  comme si  l’épicentre  du nouveau socialisme n’était plus la laïcité mais la haine  de l’Eglise catholique.

L’attrition  des grands symboles nationaux sous l’égide de François Hollande: le drapeau tricolore escamoté, la repentance tout azimut, la servilité de notre  diplomatie, la réduction continue des crédits    militaires, les sarcasmes d’une Aurélie Filippetti à l’égard des Français d’origine, tout cela blesse   chaque fois une partie de la nation.  

L’illusion  du rapprochement  gauche-droite

La  Fondation Saint-Simon avait prévu  dans les années quatre-vingt une convergence économique et sociale de la droite modérée et de la  gauche raisonnable   vers   une sorte de  fin de l’histoire à la  française. Cette convergence a eu lieu. Mais, contrairement aux prévisions, les haines se sont exacerbées. Encore imprégnés de marxisme, ses promoteurs n’ont pas vu qu’une  révolution culturelle  et anthropologique  telle que la  mène   le gouvernement actuel  va bien plus loin  que  la  nationalisation des grandes entreprises. Ils ont  aussi   sous-estimé le degré de radicalisation du nouveau parti socialiste, qui l’amène à une révolution encore plus totale que celle que l’on craignait,  à tort,  au temps du programme  commun.

Une révolution à  contretemps ;  comme les nationalisations de 1981 venaient au début du grand retour du libéralisme, les réformes promues par la gauche libertaire  de  2012,  heurtent de front le   reflux de    la vague libertaire issue de 1968.

 Les deux volets de l’idéologie dominante, le libéral et le libertaire  ne sont pas indépendants : les Etats-Unis d’Obama  poussent  autant au mariage homosexuel qu’à un traité de libre-échange généralisé. Bruxelles est aussi ardente à effacer les traces des racines chrétiennes de  l’Europe qu’à réduire les quotas des pécheurs français.  

Pourtant  la sociologie disparate des différentes protestations a pu un moment rassurer le pouvoir. L’épicentre de la  Manif pour tous n’était –il pas la bourgeoisie pro-européenne de l ’Ouest parisien, une France qui  a plutôt profité de la   mondialisation ?  Les couches les  plus touchées par celle-ci,  au contraire, reléguées dans le petites  villes et les villages,  dont Jean Lassalle  dans sa marche, a pu constater l’hostilité  violente  à l’Europe,  sont  restées  indifférentes  aux enjeux sociétaux.   

 Longtemps résignées, elles viennent de se réveiller, à partir de la Bretagne,   sous la forme d’un collectif associant paysans, pécheurs, petits patrons et  ouvriers,  régionalistes.

 Plus souterrain, mais non moins puissant,  le réveil identitaire  tend à exacerber  l’hostilité à l’immigration et surtout  à l’islam.  Il justifie la dénonciation de l’extrême droite par le pouvoir, désormais aussi rituelle que celle  de l’impérialisme par l’Union soviétique.

 

Vers une convergence des protestations ?

Voilà pourtant que  s’esquisse une convergence entre les différents mécontentements. Significativement, le mouvement social est parti  d’une gauche  postchrétienne  typique de l’Ouest aux attentes d’autant plus naïves par rapport  au  pouvoir socialiste qu’elle s’y est ralliée tard.  Convergence aussi des   méthodes : les comités d’accueil  des bonnets rouges ressemblent à ceux  du Printemps français. Pour blâmables qu’elles soient, les manifestions d’hostilité au président du 11 novembre ont rapproché, sinon mêlé les extrémistes deux camps.  

Si elle se confirmait, cette convergence verrait le   gouvernement entrer dans une zone de turbulences majeure. Il fallait l’impopularité extrême de Nicolas  Sarkozy  pour ramener   au pouvoir  un parti socialiste  déjà en décalage profond par rapport aux  attentes des Français.  Hollande n’a pas vu ce décalage.  Il  y a de fortes chances que le prochain  président  ne soit pas socialiste ;  il est même envisageable qu’il n’y ait plus de président socialiste après Hollande.  

 

Roland HUREAUX

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 22:42

      Publié dans Liberté politique 

 

Entre le  prétendu « mariage  pour tous » et le projet d’intervention des forces françaises en Syrie, deux sujets qui  auront dominé l’actualité depuis le début de l’année, quoi de commun ?

Apparemment rien : une réforme du droit civil interne d’un côté, un problème  diplomatique et militaire à l’autre bout de la Méditerranée, de l’autre.  Si les partisans de l’un et de l’autre, on le verra, sont à  peu près les mêmes, leurs opposants les plus virulents ne se recouvrent pas.

Pourtant, beaucoup de choses relient ces deux évènements. Nous voudrions montrer le parallélisme des logiques à l’œuvre dans l’un et l’autre cas.

 

De nombreuses convergences

 

D’abord, n’hésitons pas à la dire : dans les deux,   la politique du gouvernement français conduit à piétiner l’héritage  chrétien. Même si le mariage homme-femme est de droit naturel et transcende donc croyances et cultures, il a été porté en Europe et dans une partie du monde, sous sa forme monogame,  par le christianisme. En  promouvant l’homosexualité, en organisant des cérémonies que certains peuvent juger parodiques, c’est,  de fait, l’héritage chrétien qui est visé. Le mariage, même civil,  appartient dans notre culture à la sphère du sacré ; organiser des mariages pour personnes du même sexe est tenu par beaucoup, croyants ou non, pour  une transgression.

La présence française au Proche-Orient est inséparable d’une mission historique, celle  de la « fille ainée de l’Eglise » qui était de protéger les minorités chrétiennes   de Terre sainte et des pays environnants. Mission reconnue par l’Empire ottoman  sous Louis XIV, assumée ensuite par le Second Empire et la IIIe République, même dans ses phases anticléricales. Les chrétiens d’Orient furent de ce fait, pendant longtemps, les efficaces  vecteurs de la francophonie et de la culture française. 

La guerre que se propose de mener le gouvernement français dans cette région du monde consiste au contraire  à  combattre un régime, sans doute odieux bien des égards, mais qui protège les chrétiens de Syrie et à soutenir par la force armée des opposants qui, de leur propre aveu, se proposent de les exterminer. Que le pape et  les autorités de toutes les confessions chrétiennes de la région se soient élevées de manière unanime contre le projet d’intervention est impressionnant. Le gouvernement français ne pouvait prendre plus directement à contrepied la ligne politique  traditionnelle  de la France.

Dans les deux cas, François Hollande exprime son profond mépris pour l’héritage chrétien.

Mais sa politique menace aussi l‘homme et l’humanité. La Loi Taubira, par-delà la question du mariage, remet en cause une certaine idée de l’homme.  Une intervention militaire en Syrie, compte tenu du caractère troublé de la région et du soutien que la Russie  apporte  au régime de Damas, emporte un risque de guerre mondiale : il  met en péril, non  seulement l’homme mais l’humanité.

Pour qui douterait de la pertinence du  parallélisme, il suffit, pour s’en convaincre,  de voir une Caroline Fourest éructer sa haine  contre le régime Assad et appeler à la guerre avec autant d’ardeur qu’elle avait combattu La Manif pour tous.

Les politiques en cause  bafouent également  le bon sens.

Instaurer un mariage entre personnes du même sexe  constitue une offense au bon sens et à la raison  dès lors que l’on admet que le but  du mariage est de donner un cadre social  à l’union de l’homme et  de la femme et que ce cadre n’a d’utilité que parce que l’union de l’homme et de la femme est susceptible de générer des enfants auxquels il faut donner des repères.

La raison n’est pas moins offensée par la politique française (et occidentale) au Proche-Orient. Elle  ne le serait pas si elle servait des  intérêts clairs de notre pays, ou à la rigueur de nos amis (Liban, Israël) : or tel n’est nullement le cas. La Syrie a certes,  dans le passé, menacé  nos positions au Liban, mais  elle ne le fait plus. Le régime actuel ne menace plus  aucun de ses voisins depuis longtemps, en partliculier Israël. La Syrie n’a pas de pétrole. Les autres  objectifs que l’on pourrait assigner à la politique d’intervention : déloger la Russie du  Proche-Orient, démonter l’ « arc chiite »  qui va du Liban à l’Iran, détruire la base arrière du Hezbollah  s’avèrent contestables : au nom de quoi prendrions nous parti pour les sunnites contre les chiites ? , ou bien  comportent des risques disproportionnés  à l’enjeu.

Et si cette intervention n’est  justifiée que par la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, il est patent que les opposants au régime Assad sont au moins aussi dangereux que ce régime lui-même ; il est patent également  que le régime appartient   à la catégorie des dictatures militaires classiques, très éloignées du totalitarisme, comme il y en a encore beaucoup dans le monde et comme  il nous est même arrivé encore d’en soutenir ici ou là. Rien qui justifie la diabolisation absolue que nous servent les médias.

Dans les deux cas, mariage homosexuel et, encore plus  guerre en Syrie,  les gens raisonnables ne manquent pas d’éprouver ce sentiment  d’absurdité, d’irrationalité  folle  que les  opposants aux régimes totalitaires, communiste et nazi,  nous disaient avoir ressenti. Au dire de ceux qui les ont décrits, par exemple Soljenitsyne, ce sentiment  d’être dans un mode de fous était  même ce qu’il y avait  de plus pénible à supporter.

 

Le mécanisme de la déraison

 

Dans les deux cas, l’absurdité est l’aboutissement de raisonnements sophistiques, viciés à la base, dont le point de départ affiché est la  morale et les droits de l’homme, mais dont l’effet est la déraison  et parfois le crime.  

La théorie du genre, qui sous-tend le « mariage pour tous »,  part du  principe  d’égalité et de non-discrimination.  Mais elle  ne se  contente pas, comme il serait normal,  de promouvoir  des  droits  égaux entre l’homme et la femme, tout en admettant  leur évidente différence. Par une logique devenue folle, toute différence pouvant être discriminante, elle  proclame l’identité absolue, la fongibilité, l’interchangeabilité de l’homme et de la femme et par là des couples composés d’un homme  et d’une femme, d’un homme d’un homme, d’une femme et d’une femme. Elle  tend même à effacer la notion d’homme et de femme, celle de père et de mère, d’oncle et tante etc. des Codes français. Au mépris de la nature, la logique de la loi Taubira conduit à organiser des simulacres d’engagement  par des duos  d’hommes ou des duos de femmes , à faire  , au nom du principe d’égalité, et au moyen d’artifices techniques et légaux, comme s’il pouvait y avoir engendrement par des personnes du même sexe ; cela seul montre le caractère absurde et même mensonger de la démarche.

La légitimation de l’intervention en Syrie repose sur la diplomatie dite humanitaire, ou des droits de l’homme. L’Occident aurait la mission de faire respecter les droits de  l’homme  et d’imposer la démocratie partout dans le monde, et par tous les moyens y compris en lâchant des bombes  sur des populations civiles (c’est ce que l’on qualifie de « dommages collatéraux »). Double aberration :   la diplomatie, dans son sens classique, vise d’abord à défendre des  intérêts, et pas des  principes. Et si l’on veut à toute force défendre des principes, on ne le fera pas  en lâchant des bombes. D’autant que les partisans de l’intervention,   pour   justifier celle-ci,   usent systématiquement de  deux poids et deux mesures, admettant  par exemple une alliance avec  les  monarchies encore plus oppressives  du Golfe. Mais ce  biais systématique dans l’analyse des réalités que l’on veut réformer est sans doute intrinsèque à une démarche diplomatique  qui  s’apparente cliniquement à l’hystérie !

Dans les deux  cas, également, les promoteurs des prétendus droits  veulent  instaurer une rupture radicale avec le passé. Marx considérait que,  avec le socialisme, l ‘humanité sortait de la préhistoire. Le mariage homosexuel et  la théorie de genre, au dire de leurs  promoteurs,  constituent une révolution par rapport à des siècles d’oppression des femmes et des homosexuels. La diplomatie des droits de l’homme nous introduit, par rapport au jeu classique des puissances, à  ce que Fukuyama avait appelé  « la fin de l’histoire ».

Dans les deux cas, des démarches animées du souci du bien aboutissent à des monstruosités. La théorie  du genre conduit à considérer l’enfant ( au moins certains   enfants ,  donc l’enfant dans son principe) comme un objet ,  objet de satisfaction des  désirs des adultes, au mépris de l’héritage kantien selon  lequel  l’homme doit être tenu pour une fin et jamais pour  un moyen.

La diplomatie prétendue des droits de l’homme conduit à   violer le  droit international, à  prolonger et   aggraver une guerre civile déjà extrêmement cruelle, et à mettre en danger  la paix mondiale au point  de faire courir un risque d’anéantissement à  l’humanité.

Idéalisme des ambitions, sophisme du raisonnement, prétention de fonder une ère nouvelle, effets pratiques désastreux ;   nous trouvons là, sous une forme nouvelle, les principaux traits de l’idéologie, au sens où  le communisme était une idéologie et telle que nous l’a décrite Hannah Arendt.   Une idéologie qui conduit à l’intolérance, ses partisans étant toujours chauffés à blanc contre leurs opposants.

 

Le rôle des Etats-Unis d’Amérique

 

Dernière convergence, moins visible : le rôle que joue dans la promotion de ces idéologies des droits, la puissance dominante dans le monde -  les Etats-Unis d’Amérique.

Ce rôle  est évident dans le cas du Proche-Orient puisque la politique française n’y est rien d’autre que l’alignement pur et simple sur la politique américaine, quand elle ne tente pas,  généralement de manière pathétiquement impuissante,  à faire de la surenchère, comme le roquet  tente d’aboyer plus fort que le molosse.

Ce rôle est aussi réel dans le cas du mariage qu’on appelle gay et qui porte un nom anglais précisément  parce qu’il vient   d’Amérique. Non seulement la théorie du genre est partie d’outre-Atlantique mais la diplomatie américaine,  au moins sous présidence démocrate, s’efforce de  la promouvoir à travers le monde, soit directement, soit par le biais des institutions internationales, dument noyautées. En même temps que se discutait en France  la loi Taubira, le mariage homosexuel  était en débat à la Cour suprême. Plus de deux cent grandes  sociétés américaines  se sont portées,  comme la loi américaine le permet, amici curiae  auprès de la Cour,  pour apporter leur appui à la légalisation généralisée du mariage homosexuel sur le territoire américain. Parmi ces sociétés, des banques comme   Goldman Sachs  ou Citygroup, qui se trouvent au centre de la sphère financière  mondiale. Parallèlement,  les ambassades américaines ont été  investies de la mission de surveiller dans leur pays de résidence  les progrès de l’égalité et donc de la théorie du genre ou des droits des homosexuels.

Il convient évidemment d’approfondir les raisons pour lesquelles les  Etats-Unis et spécialement  leurs principales forces économiques  appuient le mouvement en faveur des  homosexuels   (et évidemment aussi  les « guerres humanitaires »). Contentons-nous de  dire   pour le moment que le libéral est inséparable du libertaire. Et aussi que la théorie du chaos, selon laquelle une  grande puissance, quelle qu’elle soit,  assoit mieux sa domination dans un environnement chaotique, dans  une société nationale ou internationale atomisée, s’applique aussi bien au chaos politique et militaire qu’au  chaos moral  et familial.

 

La diabolisation de la Russie

 

Dans les deux cas, la Russie apparait  comme une mole de résistance à l’entreprise idéologique soutenue  par les Etats-Unis   (ou de certaines forces au sein des Etats-Unis). Vaccinée par 73  ans d’athéisme officiel, la Russie de Poutine se veut aujourd’hui une nation chrétienne. Elle résiste autant qu’elle peut aux prétentions des lobbies homosexuels et  à la subversion religieuse. En matière diplomatique, elle soutient   la conception classique fondée sur la souveraineté nationale, le principe de non-ingérence et la diplomatie d’intérêts et, pour ces raisons,  défend contre les ingérences étrangères le gouvernement en place en   Syrie. Elle prétend aussi prendre le relais de la France si honteusement défaillante dans la défense des chrétiens d’Orient.

Du fait de cette  posture, la Russie se trouve prise  à partie de manière violente par une propagande mondiale qui tend  à l’identifier à une dictature effroyable et à un régime conquérant. Il suffit qu’elle  interdise la propagande homosexuelle auprès des mineurs pour qu’on   dénonce des lois homophobes. Une vision largement biaisée, et même mensongère.  Si la démocratie est loin d’y  être parfaite, la situation  des droits de l’homme n’en est pas moins incomparablement   meilleure  qu’au temps du communisme, meilleure aussi que dans des pays comme la  Chine ou l’  Arabie saoudite  qui ne font pas l’objet de la même propagande hostile. Les plus hystériques des adversaires de la Russie, parmi lesquels se côtoient  les promoteurs du mariage homosexuel ou de l’intervention en Syrie et l’Arabie saoudite où les femmes adultères sont lapidées, parlent de boycotter les Jeux Olympiques d’hiver qui doivent se tenir en 2014 à Sotchi dans le Caucase.

Il n’est  pas étonnant que ce régime soit pris pour cible  non seulement par la propagande américaine et les médias occidentaux, spécialement français, mais aussi par des groupes subversifs comme les Pussy riots, qui ont entrepris de profaner  les symboles nationaux et religieux de l’orthodoxie et ou les Femens. Les Femens sont parties d’Ukraine et sont financées par les mêmes groupes financiers  nord-américains ou allemands qui  ont appuyé, dans ce pays,  la  « révolution orange », en particulier  la Fondation Soros « pour une société ouverte ». Il est significatif que les Femens , importées  en France pour contrer  La Manif pour tous, se peignent la  poitrine avec des slogans exclusivement en anglais, marque suprême de mépris pour le pays qu’elles ont décidé d’investir dont la langue nationale doit s’effacer devant l’universalisme libertaire anglo-saxon.

 

Vers une seule résistance  à la déraison ? 

 

Fort de tant de parallélismes, peut-on dès lors  rapprocher le combat pour le mariage homme-femme et le combat pour la paix et  contre l’intervention de l’OTAN en Syrie ?  

L’identité des promoteurs de ces deux politiques est certes patent : en premier lieu le milieu médiatique-mimétique français et occidental qui, jour après jour, a multiplié les anathèmes  les plus haineux, hier contre les opposants au mariage homosexuel, aujourd’hui contre le régime que la Superpuissance a placé dans son collimateur.

Si les promoteurs sont identiques, les opposants ne le sont cependant pas complétement. Aujourd’hui, l’opinion hésite face  la perspective d’intervention en  Syrie, comme  elle avait hésité sur la loi  Taubira au début de débats. Au départ, cette opinion,   matraquée sans merci,  tend à épouser le point de vue médiatique dominant ; toutefois, au bout de quelques  semaines  de réflexion, elle  s’éloigne peu à peu de ce point de vue. C’est ce qui s’était  passé en début d’année sur le mariage unisexe, c’est ce qui se passe aujourd’hui sur le problème syrien.

Mais dans l’opposition, certain  groupes sont en pointe. Le noyau dur de La Manif pour Tous se trouve dans la bourgeoisie catholique de l’Ouest parisien, un milieu social  où les Etats-Unis ont longtemps été regardés avec les yeux de Chimène: souvenir des « boys » de 1944, du Plan Marshall  et du « camp de la liberté » au temps de la guerre froide, mais  aussi révérence envers un  pays  modèle de libéralisme et protection ultime du droit de propriété menacé par les mouvements sociaux européens. On a perdu de vue les pressions  de Washington pour désarmer  la France  dans l’entre-deux guerre ou son soutien  au FLN qui  obligea  le général de Gaulle à précipiter la fin de la guerre d’Algérie.   Il s’en faut de beaucoup, encore aujourd’hui,  que ces milieux aient pleinement pris conscience   de la profonde mutation de la politique américaine sur le plan des droits de l’homme (Guantanamo, Patriot Act etc.)  et de la politique étrangère depuis la fin de la guerre froide, et surtout de son rôle dans la promotion des idées  libertaires.

La guerre en Syrie est particulièrement impopulaire dans les milieux pacifistes d’extrême-gauche, « antifa »,   qui ne portaient pas la Manif pour tous dans leur cœur et sont encore intellectuellement trop débiles pour percevoir  l’articulation   entre l’impérialisme et la  philosophe libertaire. Dans cette mouvance, on est souvent antiaméricain primaire alors qu’il ne s’agit que de défendre l’Amérique contre certains de ses abus.

Mais des convergences entre les différentes formes de résistance apparaissent néanmoins, dans les milieux catholiques attachés à l’héritage patriotique, pour qui catholique rime avec français,   dans les milieux gaullistes attachés à la diplomatie à la fois indépendante et  éminemment classique du général de Gaulle, voire chez les républicains authentiques pour qui la souveraineté populaire est inséparable de la souveraineté nationale et les institutions républicaines du bon sens.

Dans l‘état de décomposition où se trouve la France d’aujourd’hui, il  est impératif que ces convergences s’approfondissent. Quelle que soit la motivation des «  veilleurs » pour la défense de la famille  ou de  l’enfant et donc d’une certaine idée de l'homme, la défense de la paix mondiale représente un enjeu encore plus grave.

Dans l’un et l’autre cas,  disons-nous bien que le même type de démence   est à l’œuvre, mais,  en matière diplomatique et militaire,   elle pourrait avoir des conséquences bien plus dramatiques.

En face, les  mêmes idéologues, la même déraison, la même haine et la même intolérance, le même mépris de l’héritage chrétien,  la même irresponsabilité: les motifs pour lesquels la Manif  pour  tous devrait   s’engager aussi  dans la défense  non  seulement de chrétiens d’Orient promis au massacre mais  de la paix du monde ne manquent pas.  Ce mouvement a révélé des forces neuves et saines dans la société française ; il se peut qu’elles aient à se mobiliser aussi pour la paix du monde, menacée par le même dérèglement des esprits.

 

Roland HUREAUX

 

  

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 22:40

Publié  dans Liberté politique 

 

Comment certains Européens ont-ils  pu s’étonner de la révélation du programme démentiel d’écoute généralisée des organisations et des personnes d’Europe occidentale, commission européenne comprise,   révélée par le jeune Edward Snowden ? Ce programme n’a d’égal que l’écoute de citoyens américains eux-mêmes.

Déchanteront sans doute ceux qui gardent le souvenir sympathique des « boys » venus libérer l’Europe en 1944, des largesses du plan Marshall et de la grande démocratie sur laquelle s’appuyèrent durant  45 ans tous ceux qui, en Europe,  craignaient à  juste titre de tomber sous l’emprise  du communisme totalitaire.

Mais depuis 23 ans que le rideau de fer est tombé, beaucoup se demandent ce qu’est devenue la démocratie américaine, où, au nom du Patriot Act de 2001, il est possible de détenir indéfiniment  sans mandat de justice un citoyen américain, de fouiller son domicile et où  le président peut même ordonner une exécution sans jugement pour des raisons de sécurité nationale.

Surtout, comment ne pas ressentir la mutation qui a eu lieu  dans le rapport des Etats-Unis et  leurs allées depuis les années soixante-dix ?  La rivalité mimétique avec la défunte Union soviétique, qui  entraina l’imitation de ses méthodes d’espionnage et de manipulation, l’esprit de système des think tanks imposant une rationalité aussi implacable que folle à la politique étrangère américaine, ont entrainé une défiance des Etats-Unis vis-à-vis du reste du monde et singulièrement de leurs alliés qui a progressivement donné une tournure nouvelle aux  relations avec eux.

Ajoutons à cela la méfiance et l’irascibilité que donne aux vieux satrapes le sentiment de la toute-puissance.

 

La folle théorie de Brzezinski

Il suffit de lire l’ouvrage capital de Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier (1997) véritable bible de la pensée géostratégique américaine,  pour voir les racines de la méfiance des Etats-Unis vis à vis de l’Europe ; la puissance américaine est, dit-il,   menacée de se trouver isolée face à un bloc eurasiatique  cohérent comprenant, non seulement la Russie et la Chine (c’est aujourd’hui fait avec le   Groupe  de Shanghai) mais aussi  l’Inde et l’Europe occidentale. Tout l’avenir de la puissance américaine repose, selon cette théorie,  sur le choix que fera l’Europe de l’Ouest : ou elle reste arrimée à l'Amérique  et celle-ci continue d’être la superpuissance, ou elle bascule vers l’Eurasie et alors l’Amérique perd  son hégémonie. Comme le menace communiste n’est plus là pour   contraindre les Européens à suivre l’Amérique, la diplomatie américaine doit s’efforcer d’  isoler  l’Europe de l’Ouest  du reste de l'Eurasie, à commencer par  la Russie.  Elle doit le faire avec d'autant plus de vigilance que la tendance naturelle de l’Europe de l'Ouest est désormais de se rapprocher de celle-ci, dont aucun intérêt majeur ne la sépare plus.

Pour cela, les États-Unis ont sans doute utilisé  tous les moyens d’exciter  le  sentiment antirusse en Europe occidentale par des agents d’influence nombreux et puissants, notamment dans les médias ; ils ont obtenu le resserrement des liens au sein de l’OTAN et surveillent étroitement le personnel politique ouest-européen pour favoriser les carrières des pro-américains et barrer les autres. L’Initiative de défense stratégique  doit constituer un bloc compact Amérique du Nord–Europe de l’Ouest,   isolant celle-ci de la Russie. Dans le même état d’esprit, la rhétorique des think tanks nord-américains tend à laisser penser que la Russie n’a pas fondamentalement changé depuis la chute du communisme, qu’elle est toujours aussi menaçante et à entretenir la méfiance à son égard : sa volonté de contrôler la Géorgie est assimilée à un plan de conquête du monde !  

Les géopoliticiens nord-américains ne cachent guère que le but de l’OTAN n’est plus la protection de ses membres mais leur surveillance afin de les maintenir dans le giron nord-américain.

Il se peut que l’exacerbation d’un confît comme celui de la Syrie,  où les pays européens alignés sur Washington, à commencer par la France,  creusent  le  fossé qui les sépare  de Moscou, ait,  entre autres,  ce but.

Est-il utile de dire combien est folle cette théorie selon laquelle l’Eurasie aurait vocation à former un bloc concurrent de  l’Amérique ou  qu’  un tropisme irrépressible attirerait l’Europe dans le giron asiatique si l’Amérique ne la soumettait à une surveillance étroite ? Comment imaginer, au vu de leur histoire millénaire,  que l’Europe, la Russie, la Chine et l’Inde aient vocation à s‘unir en l’absence de de danger commun ?  N’est-ce pas, au contraire, l’attitude obsidionale  et agressive  des Etats-Unis qui rapproche Moscou et Pékin que tout devrait séparer ?

Mais pour folle qu’elle soit, la théorie de Breszinsky n’en inspire pas moins la politique américaine actuelle, que soient au pouvoir les républicains ou les démocrates.  

C’est cette perspective qui explique que les Européens qui se croient les partenaires et les  amis  des Américains soient livrés  à une surveillance étroite de la part de ceux-ci. Une surveillance dont Edward Snowden n’a sans doute révélé que la partie émergée.

La Commission européenne qui avait été conçue par Jean Monnet comme un auxiliaire du contrôle américain est soumise à un contrôle particulièrement étroit, sans doute au cas où elle voudrait d’émanciper, jouant vraiment le jeu de l’Europe-puissance à laquelle croyaient les pères fondateurs. Elle est également surveillée  et dans la mesure où ses décisions économiques sont  susceptibles d’interférer avec les intérêts américains (par exemple dans les négociations agricoles).

Outre la dimension proprement économique, le projet d’accord transatlantique de libre-échange a sans doute, lui aussi,  le  but de renforcer l’inféodation  ouest-européenne.  

Autre motif de cette surveillance, plus ancien : la conviction développée outre-Atlantique – et largement  relayée par les cercles européens sous influence,  que, livrée à elle-même,  l’Europe reviendra à ses démons nationalistes.  Casser la colonne vertébrale des nations européennes, les transformer en larves  doit ainsi servir en même temps la cause de l'Amérique et celle de la paix. Un raisonnement un peu court qui perd de vue que parmi les pays européens, un seul  depuis 1870 a pris à plusieurs reprises l’initiative d’envahir ses voisins !

Enfermés dans ce carcan, rendu d’autant plus étroit depuis la réduction de  la semi-dissidence française qui  s’était exprimée, au nom de la souveraineté nationale,  au temps du général de Gaulle, les Européens n’ont plus guère de   marge de manœuvre. 

 

Pas de riposte

 

Personne ne saurait être dupe par conséquent  des mouvements d'indignation des  gouvernements  et de la Commission européenne.  Le Européens  ont, disent-ils, demandé des « explications » à Washington. L’expression, très bénigne,  a été  employée par François Hollande ; les Américains n’ont même pas pris la peine d’en donner. Et de toutes les façons, ce que les Européens, s’ils avaient encore un peu de dignité, aurait dû demander, c’était  une vraie réforme de ces pratiques destructrices pour la démocratie. Rien ne la  laisse espérer.   

Les négociations en faveur du traité de libre-échange n’ont même pas été remises en cause, sous la pression de l’Allemagne qui, même si elle semble être la cible principale de la surveillance américaine, tient fort à  ce traité dont elle seule sans doute en Europe  tirera avantage.

Si les Européens étaient sérieux dans leur indignation, ils ne manqueraient pourtant pas de moyens d’agir.
Le premier serait de donner  l’asile politique à l’auteur de ces révélations, Snowden dont les révélations nous sont profitables. Loin de cela, la France,  l’Espagne,  le Portugal et  l’Italie ont scandaleusement bloqué l’avion du président de la Bolivie, de retour d’un voyage officiel à Moscou, de peur qu’il  ne serve à exfiltrer le jeune homme.

Les Européens  pourraient se réserver le droit d’arrêter et de juger  selon les lois  qui  chez eux protègent  la vie privée,  tout responsable du   programme Prism  (et aussi  du réseau Echelon) en transit sur le sol européen. Il est clair qu’ils n’oseront pas.

Riposte plus efficace, les ressources  de l’Europe pourraient être  mobilisés pour  mette peu à peu en place des concurrents européens aux  plateformes internet nord-américaines si prodigues de leurs données à l’égard des services d’espionnage de Washington. Un tel projet poserait  sans doute des  problèmes techniques,    mais en prenant cette direction,  notre pays adresserait au moins un avertissement    aux Américains. Une telle entreprise serait-elle compatible avec les règles européennes de la concurrence ?  On peut craindre que la  réponse soit  non : le commissaire qui s’aviserait de dire oui serait vite dénoncé par les « grandes oreilles » ! 

Est-ce à dire que les révélations de Snowden n’auront  été qu’un coup d’épée  dans l’eau ? Dans  l’  immédiat, on peut le craindre. A terme cependant, les opinions  occidentales auront été sorties de leur naïveté. C’est particulièrement   vrai de l’opinion allemande.  Il est vain de compter sur la réaction de gouvernements tous plus ou moins sous influence,   celui de François   Hollande sans doute plus que d’autres, mais à terme, les opinions publiques  pourraient remette en cause un partenariat transatlantique devenu  par trop unilatéral et qui, de toutes les façons,  a largement  perdu sa raison d’être depuis la fin du bloc communiste. 

Curieusement, l’opinion anglaise  que l’on croyait définitivement acquise au « partenariat transatlantique »  n’est pas la dernière à se réveiller. Le vote historique du Parlement britannique du 29 août 2013 refusant que l’Angleterre s’associe à une attaque de la Syrie est un signe que quelque chose est en train de bouger de l’autre côté de la Manche.

Pour exonérer le grand frère américain,  certains  ont  découvert  que nos propres services étaient aussi indiscrets  que les siens. Mais ont-ils les  moyens pour exploiter des informations aussi volumineuses que celles qui transitent par internet ?  Sûrement pas.  Et espionnent-ils les Américains, eux ? On en doute. La situation n’est donc pas comparable.  De toutes, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique,   les menaces sur les libertés demeurent.

 

 

Roland HUREAUX 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 22:38

 

L’esprit  faucon règne au Capitole ; il n’est donc pas exclu que le Congrès  donne son aval à une intervention des Etats-Unis en Syrie.

Seule parmi les  192 autres Etats, la  France a annoncé qu’elle suivrait.

François Hollande a-t-il compris qu’en s’engageant dans pareille aventure, il surexpose dangereusement notre pays ?

« La guerre tend naturellement à monter aux extrêmes » dit  Clausewitz. Qui dit action dit réaction et, en l’espèce, représailles. Qui sait jusqu’où elles iront, de la part de la Syrie mais surtout de la Russie ? 

On ne sait pas aujourd’hui de quelles représailles il peut s’agir : action de groupes terroristes, représailles armées, contre quels  objectifs,  militaires ou civils ?

Il peut y avoir aussi des représailles commerciales ; officielles de la part des pays engagés  mais aussi officieuses, du fait de la mauvais réputation que se sera acquise la France, ou qu’elle aura aggravée dans une grande partie du  monde.  Car ne nous leurrons pas : la plus grande partie du monde, notamment toutes les puissances émergentes, est, dans cette affaire, contre nous.

Des preuves éventuelles de l’usage des gaz toxiques par le régime de Damas, même assurées, n’ont guère de chances de   convaincre tous ceux qui se souviennent de la falsification  des  preuves dans l’affaire des armes de destruction massive en Irak.

Sur qui tomberont les représailles ? Sur la France évidemment. Les Etats-Unis sont trop loin, trop puissants, personne n’osera les frapper et ce sera de tous les  façons difficile.

Les autres pays se sont mis hors de cause.

Reste la France et la France seule.

Si le Royaume Uni s’était engagé dans cette aventure, les Etats-Unis auraient peut-être pris sa défense. Heureusement  la vieille fibre démocratique britannique s’est réveillée avec le vote historique du  Parlement du  29 août refusant l’intervention armée. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : les Etats-Unis ne viendront pas au secours de la  France. La France a  beau se trémousser pour apparaitre désormais comme le meilleur allié des Etats-Unis, le mépris de la France  demeure un sentiment puissant outre-Atlantique. Il  ne s’est nullement atténué au fur  et à mesure que notre pays a aligné sa diplomatie sur celle de Washington : on respecte un allié difficile, on méprise  un  allié soumis.  Si des représailles russes ou arabes viennent à nous toucher, les Etats-Unis ne  viendront à   notre aide que s’ils ne courent aucun risque. Il y a fort à parier que nous soyons alors dramatiquement  seuls.

François Hollande aurait dû prendre en compte cette donnée. Il a été élu pour être le chef suprême des Français. Sa première mission est d’assurer leur sécurité, comme celle d’un père est d’assurer celle  de sa famille. Le dangereux aventurisme avec lequel il se déclare prêt à engager son pays témoigne d’une rare et inquiétante inconscience.

 

Roland HUREAUX

 

 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 22:34

Article paru dans Le Figaro du 2/9/2013

Les intérêts qui entraînèrent la première guerre mondiale étaient à peu près clairs : la volonté d’hégémonie européenne et maritime pour l’Allemagne, le souci d’y faire barrage pour l’Angleterre, la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine pour la France, la fuite en avant d’empires en crise, pour l’Autriche et la Russie.

Ceux qui ont déclenché la seconde guerre mondiale sont encore plus clairs : l’ambition d’un empire mondial pour l’Allemagne et le Japon, le souci légitime de se défendre une fois attaqués pour la Pologne, la France, le Royaume-Uni, l’URSS et enfin les Etats-Unis. Seule l’Italie de Mussolini, pas vraiment guerrière, mais aveuglée par un mimétisme stupide, fut irrationnelle.

Si la crise internationale relative à la Syrie devait gravement dégénérer à la suite des interventions projetées actuellement par les puissances occidentales, on chercherait en vain quels intérêts majeurs auront motivé leur terrible prise de risque, spécialement celle de la France, dans cette affaire.

Le pétrole ? Il n’y en a guère en Syrie.

Nos intérêts historiques ? Il s’agissait surtout de protéger les chrétiens : ils conduiraient donc à soutenir le régime d’Assad qui le fait mieux que quiconque.

Défendre Israël ? Mais il est de notoriété publique que ses dirigeants sont divisés sur la question syrienne : une partie d’entre eux ne souhaite pas voir, si Assad était renversé, les islamistes, voire les Turcs, à 100 km de Jérusalem. On les comprend. La Syrie a-t-elle d’ailleurs jamais menacé Israël depuis 40 ans qu’elle est dirigée par la famille Assad ?

Détruire le Hezbollah, allié de l’Iran et menace pour Israël ? Mais l’extension de la guerre à toute la Syrie, et sans doute au-delà, n’est-elle pas un détour totalement disproportionné à un tel objectif ?

Briser l’arc chiite qui enveloppe aujourd’hui le Proche-Orient, du Liban à l’Iran ? Mais cet arc n’existerait pas si la guerre d’Irak n’y avait établi un pouvoir chiite : il n’ y avait pas assez de think tanks outre-Atlantique pour prévoir que la règle majoritaire appliquée à ce pays conduirait à ce résultat ? Avons-nous d’ailleurs à épouser les intérêts sunnites ?

Contenir la Russie ? Mais elle aussi se trouve sur la défensive. Après la chute de l’URSS, elle a dû renoncer à la plupart de ses positions en Europe et dans le monde : Angola, Mozambique, Somalie, Yémen etc. Géographiquement proche, elle redoute légitimement l‘extension de l’ islamisme ( et, pour cela, soutient l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan), et a marqué clairement une ligne rouge en Syrie : elle ne tolèrera pas sans réagir le renversement du régime d’Assad . Un avertissement clair qu’il est très inquiétant qu’on ne l’entende pas.

Les dangers de la diplomatie des droits de l’homme

Faute d’intérêt clair et proportionné au risque, il ne reste aucun autre motif pour expliquer l’escalade à laquelle se livrent aujourd’hui les Occidentaux que le souci des droits d’homme : la rhétorique médiatique ( relayée en France par le parti socialiste) assimile jour après jour Assad à Hitler. Mais le rapprochement est absurde. Hitler voulait conquérir le monde. Assad ne veut conquérir rien du tout, seulement qu’on le laisse en paix: il a eu autrefois la velléité d’absorber le Liban, contre nos intérêts pour le coup, mais c’est fini et nous ne lui en avons pas trop voulu ; il fut l’hôte d’honneur du défilé du 14 juillet 2008. Hitler avait entrepris d’éliminer physiquement les minorités, principalement juive, en

Europe mais en Syrie, c’est au contraire le régime Assad qui, depuis quarante ans, protège, mieux que tout autre, ses minorités et ce sont ses opposants, au moins les plus radicaux , qui veulent les éliminer.

Le régime d’Assad est loin d’être idéal ; confronté à une guerre civile appuyée de l‘extérieur, il a recours à des moyens atroces pour se défendre ( sans que l’on soit sûr que la responsabilité de l’utilisation de gaz toxiques lui incombe). Ses adversaires aussi. Mais il n’était à la base qu’une dictature militaire classique , comme l’Occident en a toléré pendant des années un peu partout dans le monde et en a même mis en place en Amérique latine il n’y a pas si longtemps. C’est le même type de régime que beaucoup sont soulagés, depuis quelques jours, les illusions du « printemps arabe » retombées, de voir revenir en Egypte !

Il est sans doute intrinsèque à la diplomatie des droits de l’homme, parce qu’elle est hystérique et immature, de se fonder sur une analyse biaisée des réalités qu’elle se propose de corriger. Mais même si cette analyse n‘était pas biaisée, cette diplomatie demeure erronée dans son principe. Une diplomatie mûre doit être une diplomatie guidée par nos seuls intérêts. La récente intervention au Mali entrait dans ce cadre. Cette diplomatie qui a l’air égoïste est en fait la seule morale. D’abord parce que c’est pour qu’ils défendent nos intérêts que nous avons élu nos dirigeants. Ensuite parce qu’ elle est le meilleur moyen de limiter les risques : on trouve toujours des compromis à partir de intérêts bien compris, jamais à partir des principes et des idéologies.

Sous les apparences de la supériorité morale, la diplomatie des principes conduit tout droit à la perdition. « Qui veut faire l’ange fait la bête ».

S’engager dans une affaire aussi grave que la guerre, spécialement dans un terrain aussi miné que le Proche-Orient sans pouvoir se prévaloir d’un intérêt clair est le signe d’un grave dérèglement des esprits. Jupiter dementat quos vult perdere.

Roland HUREAUX

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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 14:37

 

(Article paru dans Le Figaro du 19/08/2013)


En supprimant la DATAR, le gouvernement conclut un long travail de sape

 

En supprimant la DATAR pour l’intégrer à un hasardeux « Commissariat à l’égalité des territoires », le pouvoir   socialiste clôture une histoire  d’un demi-siècle qui pourrait se résumer à deux chapitres : comment l’aménagement du territoire de la France a été instauré et  développé à partir des années soixante et soixante-dix sous l’impulsion du pouvoir gaulliste, comment il a été peu  à peu dénaturé et finalement liquidé à partir des années quatre-vingt-dix,  à l’instigation de certains idéologues socialistes.

Sous la IVe  République et surtout sous la Ve,   l’Etat avait entrepris  avec vigueur de  corriger les déséquilibres historiques de la géographie française : non seulement entre « Paris et le désert français »  mais aussi entre le Nord-Est  industriel et le Sud-Ouest agricole,  et entre  villes et campagnes. Il put s’appuyer  pour ce faire   sur des entreprises publiques fortes et sur la croissance   des « trente glorieuses » : si l’aéronautique préserve aujourd’hui  le tissu économique du Sud-Ouest, elle le doit à ce volontarisme.  La PAC première version, la politique de la montagne, la politique des métropoles d’équilibre,   puis des villes moyennes et des petites villes jouèrent chacune leur rôle. La province décolla, les zones rurales résistèrent : grâce à un commissariat dynamique, pionnier de l’aide à  la création d’entreprise en France,  le solde de créations d’emploi fut positif dans le Massif central  au cours des années 1970, ce qui ne devait plus se revoir.

Les années 1980  virent une première rupture : l’urgence  de reconvertir  les vieilles régions industrielles frappées par la crise    relégua au second plan le souci de corriger  les déséquilibres : la DATAR se faisait « pompier ».    Par  une confusion conceptuelle fâcheuse, on crut aussi  que la décentralisation suffirait à promouvoir le développement  régional, alors que le risque était au contraire que les régions les moins riches accentuent  leur retard.

 

L’aménagement du territoire livré aux idéologues

 

Mais le pire vint au tournant des années 1990 : au motif de faire de la prospective, la DATAR devint  le relais d’idéologies faussement  modernistes  ne tendant  plus à corriger les évolutions, cause de   déséquilibres, mais sous prétexte d’ anticiper, à   aggraver ceux-ci.  L’Europe fut l’alibi d’une vision à l’américaine du territoire  où  n’auraient plus leur place que les grandes unités : mégapoles, méga-régions. Au départ de Paris seuls quelques axes  seraient privilégiées : c’est ainsi qu’on décida de laisser péricliter l’axe central Paris-Toulouse (par Brétigny-sur-Orge !). Le  même courant idéologique   tint  absurdement le souci des zones rurales  pour « pétainiste » !   La ville (entendons les banlieues) était au contraire vue comme   le lieu  de la modernité par excellence, à   privilégier.

Il fallait à tout prix que le génie de l’Europe qui était précisément de ne pas être l’Amérique, celui d’un espace  cultivé, organisé, humanisé en finesse, soit sacrifié à une Europe institutionnelle simplificatrice. La même année que le traité de Maastricht (1992), étaient adoptées,  la loi Joxe , point de départ d’une intercommunalité en forme d’usine  à gaz et    la réforme de la PAC ,  qui  devaient porter un coup fatal à la civilisation rurale : l’une en en cassant la  structure millénaire la commune ( « la fin du village » que décrit Jean-Pierre Le Goff ), l’autre en substituant de manière coûteuse et dégradante, très inégalitaire au demeurant, la rémunération par les primes à des prix de vente rémunérateurs. De cette préférence pour les grandes  unités découlent aujourd’hui les « métropoles », dont on ne sait si elles vont se rajouter à des structures locales déjà compliquées  ou, au mépris des solidarités historiques  - et par là de la démocratie – , s’y substituer, ou la volonté de casser cet  échelon de proximité qu’est  le département (une idée que la gauche a mise en veilleuse pour des motifs électoraux bien qu’ elle en soit à l’origine).  L’absurde projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes est sous-tendu  par  le concept d’une métropole Rennes-Nantes, deux  villes  tenues pour trop petites et  que l’on fusionne sur le papier en mettant un aéroport entre elles. La politique des  petites villes et des villes moyennes a été abandonnée. Les déséquilibres  fondamentaux,   un moment contenus, se sont aggravés : nouvel  essor de la région parisienne, dopé par une immigration non maîtrisée et qui, à peu près seule, profite de la mondialisation,  avec pour effet  la crise du logement que l’on sait ;   effondrement dramatique  du  territoire   rural « profond » ( ni  périurbain ni côtier),  soit 40 % de l’espace français ;  quasi-disparition    de la population agricole mais aussi des industries rurales, les plus vulnérables aux délocalisations : un vrai   « ruralicide » !  La droite, trop souvent passive   devant ces  orientations idéologiques  se rebiffa, sous l’impulsion de Charles Pasqua qui fit voter en 1995  une loi d’orientation sur l’aménagement du territoire   malheureusement vidée de sa substance par la technocratie de gauche. En 2004, ont été lancés les pôles de compétitivité, principale innovation de cette période.

 

Quelle égalité des territoires ?

 

Le concept d’  égalité  des  territoires que l’on voudrait à présent promouvoir est des plus obscurs. 

S’agit-il de l’égalité de revenus ?  Mais les administrations et la Sécurité sociale  font déjà beaucoup pour faire circuler la richesse ; Laurent   Davezies  a  montré   l’importance de cette redistribution, environ 10 % du PIB, base de ce qu’il appelle  l’ « économie résidentielle ». La disparition du département la menacerait.

Mais peut-être veut-on, par idéologie et démagogie, donner la priorité à la politique des « quartiers » ? Au mépris des analyses de Christophe Guilluy  qui a montré que les vrais pauvres d’aujourd’hui   sont dans les territoires délaissés  des petites villes et des villages.

S’agit-il de l’égalité devant les  services publics ?  Un grand effort a déjà été accompli, en matière routière notamment. La  libéralisation des    services publics, promue par la gauche autant que par la droite,  le remet en cause.

Mais l’inégalité essentielle demeure celle des  dynamiques  de  développement, économique et démographique : elle s’aggrave chaque jour sous l’effet des idéologies que l’on vient d’évoquer. A cela pas d’autre remède que le maintien  de la  DATAR  dans la plénitude de ses  attributions historiques.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

Jean-Pierre Le Goff, La  fin du village, Gallimard 2012

Laurent Davezies, La République et ses territoires, 2008

Christophe Guilly, Fractures françaises, François Bourrin, 2010

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