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Roland HUREAUX

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:15

Le  vote  maladroit de la loi du 23 janvier 2012 tendant à  pénaliser la négation du  génocide arménien (il faudrait dire chrétien, car un tiers des victimes furent des  chrétiens non arméniens !) a eu au moins le mérite de montrer que la Turquie n’était  toujours pas  européenne.

Pas seulement par la géographie.

Seuls les naïfs se sont étonnés que, dans cette affaire, elle ne réagisse pas comme un pays européen « normal » : par la reconnaissance de sa culpabilité, la repentance, même hypocrite,  la  mauvaise conscience, mais qu’elle multiplie au contraire des manifestations d’orgueil outragé,  des  condamnations sans réplique de la France et des autres pays d’Europe qui voudraient se mêler de son histoire. Ce n’est pas, selon ses gouvernants, la Turquie qui est coupable mais nous qui faisons preuve, en rappelant ce qui  s’est passé en 1915-1916,  d’islamophobie et de racisme !

Aussi décalées sont les expressions de cette colère : manifestations monstres  couvertes de nuées de drapeaux turcs rouges  à Paris et dans plusieurs grandes villes.  Qui imaginerait  une manifestation d’une telle ampleur  d’Anglais contre la France en France, de Français contre l’Allemagne en Allemagne etc. ? Entre Européens, cela ne se fait pas.

Mais ce ne sont pas les bonnes manières qui font l’Europe, c’est la culpabilité. Culpabilité allemande en raison des crimes nazis,  au départ,  bien légitime,  mais qui, au fil des ans,  est devenue une culpabilité de toute l’Europe pour sa participation ou à tout le moins  sa passivité devant la Shoah, voire pour une culture qui y aurait tout entière conduit.  N’est-il pas significatif que la première manifestation d’européanité, si l’on ose dire,  qu’on a réclamé des pays des Balkans pour leur ouvrir la porte de l’Union, c’est la livraison de leurs présumés génocidaires au Tribunal pénal international de La Haye. Ce faisant, c’est  tout le peuple en cause qui  se reconnait coupable.

Inutile de dire que hors d’Europe, une telle mauvaise conscience n’a pas cours : on n’a jamais vu la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Algérie, pour ne retenir que des pays où ont été commis d’immenses massacres, se repentir de quoi que ce soit. Même si, à l’occasion, ils s’en préoccupent, les Etats-Unis et le Brésil ne semblent pas obsédés par le traitement infligé aux Indiens. 

Beaucoup voudraient que la Russie de Poutine batte sa coulpe pour les crimes de Staline comme les Allemands le font  sur ceux de  Hitler ; c’est oublier que les   victimes les plus nombreuses de Hitler n’étaient  pas allemandes, alors que la plupart de celles de Staline étaient soviétiques. En tous les cas, les dirigeants actuels de la Russie n’entendent pas, eux non plus, faire repentance de  quoi que ce soit.

La Turquie n’aurait guère de raisons de se plaindre de l’esprit de repentance européen, au contraire, aussi longtemps qu’on ne veut pas le lui faire  partager. Désireuse d’expier un passé supposé d’intolérance et de racisme, l’Europe  a pris parti dans les Balkans  pour les musulmans, alliés des Turcs,  contre les chrétiens orthodoxes. Elle fait les yeux doux à la Turquie, forte de son dynamisme économique et  méprise  la Grèce, pourtant matrice de la civilisation occidentale.  La  mauvaise conscience conduit à choisir presque toujours le   différent contre le semblable : la Turquie en  profite  aujourd’hui  largement.

Non seulement la Turquie a un comportement qui l’apparente à l’ensemble des puissances  non-européennes, mais elle se trouve à un tournant de son histoire. Pesant de plus en plus sur le plan tant  démographique qu’économique, elle ambitionne de  prendre sa revanche sur son passé d’ « homme malade de l’Europe » comme on la qualifiait  au  XIXe siècle; elle aspire à recouvrer le double héritage dont elle se sent dépositaire : celui du Khalifat, soit le commandement de tous les Musulmans, celui de l’Empire romain dont la dernière capitale fut Constantinople, d’où dérive Istanbul.  La révolte contre le président Assad  devrait lui  permettre de prendre pied en Syrie et donc de se rapprocher les Lieux saints qu’elle a dû abandonner en 1918.  Et cela avec l’aide des   Occidentaux ! Qui lui parle de repentance ?

L’Europe a  des racines chrétiennes, dira-t-on, c’est pourquoi elle se repent.  Mais la repentance moderne n’a pas grand-chose à voir avec le repentir chrétien. Le repentir chrétien, analogue au repentir juif tel qu’il est évoqué par exemple dans le psaume 103 : «  Comme est loin l’Orient de  l’Occident, Dieu éloigne de nous nos péchés  »  ne s’exprime qu’une fois ; la faute avouée  est pardonnée et on n’en parle plus.  Là où le  repentir met fin à la culpabilité, la repentance consiste au contraire  à l’entretenir.

Elle est une partie du mal européen contemporain, comme la récession démographique,   l’atrophie progressive du sentiment  national  et religieux, la réduction a minima des dépenses militaires et  une  désindustrialisation plus ou moins voulue.

La Turquie, elle, n’est évidemment  pas une civilisation aussi avancée. Elle ne se repent de rien, elle n’est  pas  encore européenne.

 

Roland  HUREAUX*

 

Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

La décision  du  Conseil constitutionnel du  27 février 2012 a  annulé cette loi sur des considérations qui touchent toutes les lois mémorielles , sans  rapport direct avec la réaction turque.

Les estimations les plus courantes du nombre des victimes sont de 1 à 1,5 millions d’Arméniens, 0,5 million de Grecs pontiques (orthodoxes) et 0,5 million de chrétiens assyriens. Furent épargnés les habitants d’Istambul et de Smyrne où les exactions eussent été top voyantes, les catholiques et les protestants, peu nombreux et protégés de fait par la France et l’Allemagne.

Les Etats-Unis se préoccupent   en revanche de  la mémoire de l’esclavage noir.

Les fameux « bains turcs » ne sont que les thermes romains.

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:15

Le plus extraordinaire dans le « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance  dans l’Union économique et monétaire » préparé par ce que les Allemands appellent la « Merkozie »,  ce n’est pas d’abord qu’on ne le trouve qu’en version anglaise.

Le plus extraordinaire n’est pas non plus qu’après sa ratification, les Etats d’Europe auront moins de marge de manœuvre que les Etats fédérés des Etats-Unis d’Amérique pour établir  leur budget, ou qu’ils pourront être mis à l’amende  en cas d’infraction comme jamais l’Etat français dit jacobin n’osa  mettre à l’amende ses collectivités locales. Excessivement lourdes, ces amendes ressembleront,  en bien pire,  aux agios que les des banquiers imposent  aux entreprises ou aux particuliers déjà en difficulté, comme pour les enfoncer davantage. Qui peut croire que ce dispositif  marchera jamais ?

Non, le plus extraordinaire dans ce nouveau traité, que le MES (mécanisme européen de solidarité, déjà voté par le Parlement français) vient compléter,  est qu’il ne sert à rien. Il ne  sert à rien en tous les cas par rapport à la finalité que les politiques et les médias lui assignent :   sauver  l’euro.

D’abord parce que les problèmes de la zone euro sont immédiats et qu’ils se posent en premier lieu à des pays en déséquilibre budgétaire grave comme la Grèce et le  Portugal : la perspective que ces pays retrouvent  l’équilibre dans deux ou  trois ans, au demeurant douteuse,   ne saurait constituer une solution.

Ensuite parce que ce traité ne règle nullement la question centrale de la plupart des pays de la zone euro : la perte de compétitivité due à une hausse des prix intérieurs sur dix ans supérieure à celle de l’Allemagne. Elle entraîne, pour les pays où la hausse des prix a été la plus forte, un déficit de la balance de paiements  qui ne cesse de  s’aggraver.

Rétablir l’équilibre budgétaire,  à supposer qu’on y arrive,   ne résoudrait  donc nullement  pour eux  la question de la compétitivité  ; il faudrait pour cela opérer une gigantesque déflation , diminuer brutalement et concomitamment  non seulement les dépenses publiques et les salaires,  mais aussi  les  prix, une opération qui n’a jamais marché comme l’a montré la France des années trente.

Avec ou sans déflation, des économies budgétaires féroces plongent les pays les plus touchés dans une spirale récessive  sans issue : baisse des dépenses publiques, basse de la demande intérieure baisse de la production intérieure (déjà affaiblie par la perte de compétitivité),  baisse des rentrées fiscales, nouveau déséquilibre etc. Une spirale qui pourrait être demain celle de toute l’Europe.

Que le  nouveau traité   ne règle nullement le problème de l’euro comme on le laisse accroire, les principaux responsables européens le savent sans doute. A quel jeu jouent-ils donc ? A cela plusieurs réponses possibles dont aucune  ne se suffit.

 

A quoi jouent les dirigeants européens ?

 

La première est idéologique : les classes dirigeantes des pays de la zone euro ont, depuis vingt ans engagé toute leur crédibilité dans la réussite de  la monnaie unique. Reconnaître l’échec de celle-ci la ruinerait. Il leur faut donc  gagner du temps et, pour cela, avoir l’air  d’agir   pour  la prolonger, y compris en prenant des mesures  inopérantes. Ajoutons que , intellectuellement, ils se sont si  longtemps habitués à penser dans l’horizon de l’euro que toute autre perspective les trouverait largement désorientés, un peu comme les apparatchiks communistes à la fin de l’ère soviétique, habitués à ne penser qu’à l’intérieur de la dialectique marxiste et qui, jusqu’à la chute finale,  ne pouvaient que colmater les brèches.

Mais les plus enragés de ces idéologues vont plus loin. Ils se fondent sur   la théorie du rebond : l’intégration européenne, disent-ils,  a toujours progressé en rebondissant sur les difficultés, en   transformant les obstacles en leviers. De manière cynique, l’oligarchie européenne profite donc de la crise de l’euro  pour centraliser encore plus l’édifice, dépouiller un peu plus les souverainetés nationales. Il est pourtant   clair que, dès lors  que le problème de l’euro ne  sera pas résolu par le nouveau traité, cet édifice renforcé sera encore plus  en porte à faux.  Si la fuite en avant consiste à élever encore le château de cartes, on devine la fin de l’histoire.

Mais on peut aussi bien se contenter de faire de cette fuite en avant un analyse politique : ce plan de rigueur général n’est qu’un signal de plus que Mme Merkel est obligée d’envoyer  à l’opinion allemande pour obtenir son consentement au sauvetage de l’euro. L’Allemagne veut qu’on  saigne un peu plus les cochons ( PIIGS) !   En échange de quoi ? D’un  transfert budgétaire,  comme le voudrait la théorie fédérale   selon laquelle il n’est pas de communauté politique sans solidarité interrégionale ?  Il n’en est nullement question.  En échange d’un   étalement de la dette grecque et surtout d’un consentement à ce que  la BCE ait  recours, au rebours  de l’orthodoxie financière si prisée outre-Rhin,  à la planche à billets ?  C’est ce que la BCE vient de faire  en débloquant 500 milliards d’euros. Mais au bénéfice de qui ?  Des Etats en    difficulté ?  Non, au bénéfice des banques, lesquelles  prêtent aux Etats, entre 3 % et 25 %,  des fonds que la BCE leur avance à 1 % !   

 

A qui profite le statu quo ?

 

C’est pourquoi, il ne faut pas négliger un troisième ordre de raisons. A qui le « crime »  profite ? Même si certaines  banques privées ont dû abandonner la moitié de leurs créances vis-à-vis de l’Etat grec, la situation actuelle profite globalement au système bancaire. La fin de l’euro pourrait en même temps  sonner le glas d’un système où  les banques empruntent à 1 % à la banque centrale et reprêtent à des taux sensiblement   plus élevés aux Etats, profitant au passage d’une rente qui s’apparente à un enrichissement sans cause.  Pour pouvoir exiger  d’eux des intérêts élevés, il ne suffit pas  que ces Etats  soient  en difficulté, il faut aussi qu’ils ne meurent pas  et entretiennent l’illusion  qu’ils rétabliront leurs comptes.  La monétisation directe des dettes publiques qui suivrait l’éclatement de l’euro  tuerait sans doute la poule aux œufs d’or.

D’autres grands intérêts sont en jeu : ainsi celui des multinationales qui achètent à moindre prix  des actifs dans des pays tiers en s’appuyant sur un euro fort , quitte à laisser se dégrader jour après jour le tissu industriel du continent.

Le traité de stabilité ne résout  pas, quant au fond,  le problème de l’euro mais il permet de   prolonger l’illusion. Une illusion qui rapporte beaucoup à certains.

 

Roland HUREAUX*

 

Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes,

Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

Et d’ailleurs des traités européens

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:13

Rien n’illustre mieux les impasses de la réforme de l’Etat telle  qu’elle est conduite en France depuis une quinzaine d’années  (disons depuis le rapport Picq) que les mésaventures du Pôle emploi, issu de la fusion  de  l’ANPE et des ASSEDIC. Additionnés, ces deux services comprenaient  39 000 emplois ; fusionnés dans le Pôle emploi, ils en comptent 10 000  de plus. Le  personnel bénéficie à la fois de la stabilité de celui de l’ANPE et des meilleures rémunérations de celui des ASSEDIC qui avait un statut privé.  Pour une  efficacité accrue ? Que non. La plus grande confusion  y  règne .

La fusion de directions ou d’organismes aux missions apparemment voisines (mais en réalité très différentes) est une des lignes directrices majeures de la réforme de l’Etat.  Sans le dire, elle  s’inspire du secteur privé : on fait des « fusions-acquisitions » avec l’arrière-pensée qu’on fera des  économies d’échelle. 

Or il est une grande loi, trop souvent méconnue,  de l’économie publique : la dimension n’y entraîne pas   des gains de productivité, au contraire.

Augmentation du coût global, désordre et souvent démotivation des agents : tel est, la plupart du temps, le résultat de la politique de fusion

Ainsi la fusion des  services des impôts et ceux du trésor : déjà très favorisés par rapport aux autres fonctionnaires, leurs agents le seront encore davantage. La vérité est que, ne voulant pas se déjuger face aux résistances, l’Etat a « acheté » le consentement des services en les arrosant de primes. La Cour des comptes a relevé que ces augmentations  dépassaient les économies escomptées de l’opération.

Police et gendarmerie, si elles n’ont pas  encore fusionné, ont été  rapprochées. Il faut s’attendre à ce que leurs avantages, qui sont différents d’un corps à l’autre, soient alignés sur le « mieux-disant ». C’est déjà commencé avec la multiplication des emplois supérieurs dans la police en tenue et la réduction des horaires dans la gendarmerie.  

A plus petite échelle, au 1er janvier 2010, la Cité des Sciences et le Palais de la découverte, qui ont des missions analogues,  ont fusionné. Les avantages du personnel de la Cité    étant sensiblement supérieurs à celui du Palais, le statut du personnel du second a été aligné sur celui  de la première : le coût de cet alignement dépasse très largement celui  des deux ou trois emplois de direction qu’on aura ainsi  économisés.

Non seulement ces fusions coûtent cher mais elles démobilisent les personnels.  Voyant leur spécificité et leur culture propre déniées, ils perdent en motivation, d’autant que, la logique de l’opération conduit à substituer  à la fierté  de corps, jugée à tort archaïque, selon la méthode anglo-saxonne, l’attrait de la prime, à partir de résultats chiffrés aussi manipulables que  fallacieux.

Dans certains cas on ajoute un échelon fédératif coûteux aux administrations existantes : ainsi les agences régionales de santé.

Et ne parlons pas de la volonté sournoise de fusionner nos 36 671   communes qui anime la plupart des lois votées depuis vingt ans  et qui est supposée, dans son principe, faire des économies: elle a abouti, tout au contraire, au   recrutement de plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires supplémentaires !

Il  se peut que les dégâts les plus importants aient été commis  dans les préfectures et autres services locaux de l’Etat.   Au nom de l’idée fausse qu’un  préfet devait, comme un chef d’entreprise , se reposer sur une équipe de 5 ou 6 grands directeurs (au lieu de la vingtaine existant jusque-là) , les services les plus hétérogènes ont été amalgamés pour le meilleur et la plupart du temps pour le pire : ainsi   un inspecteur de la  jeunesse et des sports se trouve sous  les ordres  d’un directeur des affaires sanitaires et sociales ( pôle social), un inspecteur du travail sous ceux  d’un conseiller du commerce extérieur (pole économie) etc. Le découragement devant ces réformes, généralement  confiées à de jeunes consultants sans expérience,  est profond.

Chacun de ces services a une réglementation très spécifique à  appliquer  et il n’a pas à recevoir des ordres du préfet tous les matins pour le faire.  Le rôle du préfet n’a rien à voir avec celui d’un chef d’entreprise.

Réglementation : voilà le maître mot.  Une réforme intelligente ne saurait être que patiente et analytique. Ce jeu  sur les organigrammes est  superficiel et  presque toujours contre-productif.  Regarder une à une les réglementations et les procédures que les fonctionnaires appliquent pour savoir qui fait quoi et essayer de les simplifier pour permettre ultérieurement une réduction des effectifs : voilà ce qu’il fallait faire. Si, au terme de cet examen, un service se trouve vidé de contenu : c’est alors qu’on  le supprime, pas avant.

En singeant les méthodes du secteur privé,  la réforme de l’Etat a abouti presque toujours à l’effet inverse de celui qui était recherché. Non point des économies mais des coûts supplémentaires. Il se peut qu’elle ait été,  paradoxalement, un des principaux facteurs de l’augmentation des charges publiques au cours des dernières années.    

 

Roland HUREAUX *

 

Auteur de La grande démolition, La France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012, 355 pages, 21 €.

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:12

François Bayrou comptait sur  la grande réunion électorale qu’il a tenue à Toulouse le 10 mars pour lancer sa campagne, avec l’espoir de figurer au second tour de la présidentielle.

A-t-il réussi ? Il est  encore difficile de le dire.

A la Halle aux Grains,  2500 participants enthousiastes,  venus de tout le Midi. Un discours plein de tonus, déjà rodé car il ne diffère guère de celui de la veille sur France 2.  Très bon sur l’éducation nationale et la laïcité (avec une référence attendue à Henri IV),   sur la politique industrielle, la moralisation de la vie politique (même si personne ne croit qu’il suffira de rétablir  la proportionnelle et   de supprimer le cumul des mandats  pour l’opérer !).

 

Qui convaincre ?

  

Un premier motif de perplexité cependant: qui Bayrou veut-il convaincre,  et avec quels arguments ? A ce qu’il semble : les électeurs de droite avec des arguments de gauche et les électeurs  de gauche avec des arguments de droite !  

Du côté de la gauche, il oppose la rigueur gestionnaire et le réalisme de ses chiffres aux propos aventurés (mesuré dès  qu’il s’agit de critiquer Hollande, il ne dit pas démagogique) du candidat socialiste – les 60 000 postes d’enseignants, par exemple. Mais y aurait-il jamais eu une  gauche si la politique ne devait pas aussi faire  rêver  (et d’ailleurs Hollande le fait si peu !). 

Du côté de  la droite, il oppose sa  volonté de rassemblement  au propos agressifs et  clivants de Sarkozy. Mais est-ce en reprochant à ce dernier d’être à droite qu’il  lui enlèvera ses électeurs de droite ?

Il est beaucoup plus convaincant quand il lui reproche  de ne pas l’être, en tous les cas quand il dénonce les promesses non tenues et le  manque de crédibilité du président sortant. L’incompétence et la jactance.   C’est là ce qu’il devrait marteler. En prenant au sérieux  ce que dit Sarkozy  - surtout pour s’en indigner-,   ses adversaires  le crédibilisent : ce  fut la grande erreur de Ségolène Royal.

Cet angle d’attaque est d’autant plus important que le bloc que Bayrou doit entamer  n’est pas symétrique. C’est d’abord l’électorat UMP qui est sa cible ;   c’est de passer devant  Sarkozy et non  Hollande qu’il s’agit pour lui, d’autant que     le président sortant est   le plus vulnérable.

Dénoncer « la division et l’illusion »  est une  bonne formule. Mais   la posture  morale, budgétaire  ou  politique, dans une campagne déjà assez terne, ne suffit pas.  D’autant  qu’on  sait déjà  que  Bayrou est un honnête homme !  

 

Entre Peyrelevade et  Lassalle

 

Deuxième motif de perplexité : l’emprise technocratique sur le  candidat centriste.

Outre de venir, comme lui, des Pyrénées-Atlantiques,  Michel Camdessus et Jean Lassalle ont en commun de  soutenir  François  Bayrou.

Et en dehors de cela ?  A peu près rien. Et même,  ils  se situent, autant qu’on peut, aux antipodes de la société française.  Camdessus, tout    comme Peyrelevade,  experts ( ou du  moins réputés tels) de Bayrou, sont  des technocrates pétris de sérieux ,  uniquement soucieux  d’orthodoxie budgétaire, la même que le FMI , sous l’égide  du premier,  tenta d’imposer en son temps , pour son malheur,  à l’Argentine. Pour  ces gens- là,  déficit, dette, protectionnisme sont des gros mots.

Jean Lassalle est le député qui se signala en faisant une grève de la faim contre le déménagement d’une  usine  hors  de sa circonscription pyrénéenne. Agriculteur, profondément attaché à son terroir natal, il défend le monde rural menacé par le mondialisme  et par    les inventions technocratiques de ces dernières années, telles la fusion  des communes ou le retrait des services publics. A la différence des premiers, Lassalle, même s’il ne le dit pas trop, est,  comme l’immense majorité de ses électeurs,   discrètement eurocritique. Aux côtés de Lassalle, Philippe Folliot, député de la montagne tarnaise,    autre populiste rural  (ce qui pour nous n’a rien de péjoratif) : jeune député, dans  sa   première intervention à l’Assemblée nationale, il demanda  le rétablissement  du privilège  des bouilleurs de cru.

Un candidat aux appuis aussi contrastés dispose  de singuliers atouts à condition d’en faire la synthèse. Sarkozy, comme Hollande cherchent désespérément une vraie caution populaire.  Mais  tenir ensemble Peyrelevade  et Lassalle, est bien  difficile,  car c’est entre eux que se situe le vrai clivage de la société française.  Beaucoup plus qu’entre la droite et la gauche,  dont Bayrou se targue tant de dépasser l’opposition  et que, de fait, si peu sépare. Si cette campagne ennuie tellement les Français, c’est qu’ils l’ont compris.

 Mais la synthèse entre le pole technocratique et le pole populaire, pour le moment, on la cherche : l’influence prédominante, c’est   Peyrelevade   et Camdessus : la priorité à l’équilibre budgétaire  et au remboursement de la dette (avec au passage la promesse peu engageante  d’un alourdissement de la fiscalité), la sagesse gestionnaire de M. Prudhomme.  Il ne suffit pas de prononcer quelques phrases en gascon  pour faire droit  à la composante authentiquement populaire de son camp.  En rester là  serait, comme disait Vincent de Paul,   n’être  du peuple « qu’en peinture ». Le peuple,  que représentent Lassalle et Folliot,  mérite  bien  davantage.

On ne demandera certes pas à Bayrou de remettre en cause l’euro ou les abus  du système bancaire. Mais qu’attend-t-il pour bousculer tant de logiques réformatrices absurdes, qui depuis plus ou moins longtemps provoquent  l’exaspération des Français ;  politique agricole conduisant à la désertification,  réforme de l’Etat mal menée,  évaluation généralisée ( qui est en fait le mensonge généralisé, démotivant pour les fonctionnaires ! ), démantèlement  des  services publics, escalade normative folle,  fusions à tout va, y compris des communes , destruction des corps qui faisaient la force de l’Etat ( gendarmerie par exemple), déstabilisation systématique des repères de la société française.

Si Bayrou ne remet pas en cause  ces  logiques réformatrices  folles, il a peut-être ses raisons.  Leur exécuteur  le plus diligent en fut certes Nicolas Sarkozy, mais leur  origine  intellectuelle se trouve dans cette technocratie de  gauche supposée raisonnable à laquelle, vieille chanson centriste, il fait des appels du pied :     Rocard, Delors ou leurs disciples.     

Or, disons-le,  quoi qu’on en pense quai de Bercy ou rue de la Loi, sur  la plupart des  sujets que nous venons d’évoquer, c’est le peuple qui a raison et la technocratie qui a tort. Le peuple de France, le vrai,  attend qu’on le lui dise.

Trouver l’étincelle est pour François Bayrou  une nécessité, c’est même un devoir vis-à-vis  des  millions de Français qui ne veulent ni de  Sarkozy, ni de Hollande. 

Roland HUREAUX *

 

 

  * Auteur de La grande démolition  La France cassée par les réformes – Buchet-Chastel – janvier 2012

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 08:08


Il est étonnant que, après l’âpre débat suscité par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 et les difficultés d’application qui en avaient résulté, la question du devenir de la commune, comme d’ailleurs beaucoup d’autres questions essentielles, se trouve absente de la campagne présidentielle.

Des trois candidats tenus aujourd’hui pour gagnants possibles, l’un, le candidat socialiste ne remet en cause que le volet région-département de la loi, le seul qui intéresse les grands élus, mais non le volet communal, l’autre, au centre, annonce sans autre précision une remise à plat de la décentralisation, et on ne saurait évidemment attendre du président sortant qu’il se déjuge au point de promettre d’abroger la loi qu’il a fait lui-même voter.

Il est vrai que le gouvernement a demandé, à l’approche de l’élection présidentielle, de relâcher la pression en vue du regroupement des communautés de communes sur lequel certains préfets avaient fait du zèle. Il est vrai aussi que le président de l’Assemblée des maires de France a fait in extrémis une proposition de loi destinée à atténuer à la marge certains effets de la loi.

Mais personne ne remet en cause dans ses fondements la mécanique implacable qui vise, de loi en loi, que le gouvernement soit de gauche ou de droite, la réduction progressive de l’autonomie et de la légitimité de l’échelon communal, avec, en perspective sa disparition pure et simple.

Le prix à payer, c’est l’affaiblissement progressif de la démocratie locale, la bureaucratisation croissante et l’éloignement du citoyen.

Personne ne parle non plus de remettre en cause la complication croissante des règles d’urbanisme et les obstacles croissants sur le doit à construire.

Rien de tout cela n’est pourtant une fatalité : en Allemagne, en Suisse, le vent de la résistance à l’intercommunalité contrainte se lève. La commune survivra car elle demeure une structure profondément enracinée. Mais au prix de quelles péripéties ?

Il est  urgent  de placer le devenir de la commune au cœur de la campagne présidentielle. Les maires qui disposent ( pour combien de temps encore ? ) du droit de parrainer les candidats à l’élection présidentielle, devront d’en souvenir.


Roland HUREAUX

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:13

 

Il n’était pas surprenant que le débat présidentiel ait porté sur la difficulté de se loger à Paris et dans les grandes métropoles pour les revenus modestes et même moyens.

La  mondialisation entraîne partout une stagnation  des revenus ordinaires, mais aussi des prix des produits de large consommation, largement  importés des pays émergents, l’un compensant en partie l’autre.  Au contraire se trouvent en hausse les très hauts revenus et toutes les valeurs d’actifs : actions (avec des fluctuations, bien sûr) ,   or,  mais aussi immobilier. Spécialement  l’immobilier des quartiers les plus recherchés des métropoles  internationales comme Paris. Dans une économie de plus en plus coupée en deux, entre une économie des riches où prix et revenus se sont envolés et une économie des pauvres où ils stagnent, l’immobilier constitue la zone d’interférence : bien de placement  pour les plus aisés mais aussi nécessité pour tous. C’est pourquoi la hausse de l’immobilier est si vivement ressentie par les classes populaires et même les classes moyennes des grandes agglomérations.

Cette difficulté à se loger entraîne une demande croissante de logements du secteur protégé, principalement HLM. Demande accrue par plusieurs facteurs :  la fragilité des couples qui fait que bien souvent, au lieu d’un logement, il en faut deux,  une immigration pas vraiment contrôlée depuis le traité d’Amsterdam (1997) et qui touche d’abord les grande villes ; cette demande se conjugue avec une offre insuffisante , du fait des restrictions de certaines municipalités conservatrices mais aussi de l’absence d’un volontarisme suffisant de la part des gouvernements qui se sont succédés (et que les candidats se proposent tous de rattraper !).

Mais la question ne se serait pas posée avec autant d’acuité si elle n’avait été compliquée par l’abandon de la politique d’aménagement du territoire au cours des dernières décennies . Quand exactement ? Il est  difficile de le  dire avec précision.

A la fin des années quatre-vingt-dix, nous dispositions d’un politique équilibrée. Le livre de Jean-François Gravier,  Paris et le désert français  (1947) faisait encore autorité  et la nécessité de desserrer la métropole parisienne au bénéfice de la province n’était pas discutée.  Elle avait favorisée l’ essor de plusieurs grandes villes de province.  A cela s’était ajoutée une politique des villes moyennes, des petites villes et aussi du monde rural destinées à étaler la population sur tout le territoire. A partir de la venue de  la gauche au pouvoir, la plupart de ces dispositifs, décentralisation oblige, ont été transférés aux régions qui ont eu,  chacune, des politiques différentes. Etroitement surveillée par Bruxelles,  au motif d’assurer la libre concurrence, l’action des régions  ne l’était guère par l’Etat central.

Mais à partir de 1990, la mode est  revenue aux grandes métropoles. Défendre le monde rural ou  les petites villes est devenu ringard, passéiste, voire, aux yeux de certains idéologues de gauche « pétainiste » ( on ne s’en était pas avisé entre 1945 et 1990 !). Il a été convenu, gauche et droite confondues que l’aménagement du territoire de papa était dépassé, qu « ’à l’heure de l’Europe » et de la mondialisation, la  France devait jouer moderne et tout miser sur la promotion de quelques grandes métropoles,  à  commencer par la principale, la  parisienne.

La stratégie du Grand Paris, lancée par l’actuel président, s’inscrit dans la même perspective[1].

Qu’il faille distinguer entre le rayonnement qualitatif de  Paris , sans doute nécessaire,  et son poids démographique, l’un n’allant pas nécessairement avec l’autre, était une théorie trop subtile pour une haute administration habituée  à agir  à partir de schémas simples.

On ajoutera les vieux dogmes de l’urbanisme à la française : refus du mitage et souci d’économiser  les  terres agricoles (et donc restriction du périmètre d’urbanisation),  nécessité de rapprocher autant que possible les lieux d’habitation des lieux de travail (dogme que le RER et le TGV auraient pu relativiser)  et toutes les conditions d’une pénurie de logement avaient été accumulées au fil des ans.

Comme il est à peu près impossible de faire baisser le prix de l’ immobilier parisien – même s’il connaît aujourd’hui un palier,  et bien difficile d’augmenter   les revenus , la solution à ce problème passe provisoirement par un volontarisme accru en matière de logement social.

Mais la solution à long terme ne saurait être, outre un contrôle sérieux de l’immigration, qu’une reprise hardie de la politique d’aménagement du territoire , scandaleusement remisée aux oubliettes. Après l’avoir perdu de vue pendant vingt ans, il est temps que nos gouvernements s’avisent que la France ne se réduit pas à ses quatre ou cinq plus grandes villes.

 

Roland HUREAUX*

 

·        Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

 

 



[1] Mettre tous les moyens sur 7 campus d’excellence à l’exclusion des autres procède de la même logique « concentrationnaire ».

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:10

 

 

Un récent sondage[1] a montré que si votaient seuls  les fonctionnaires, tous corps confondus, civils et militaires, d’Etat, locaux et hospitaliers, le deuxième tour de la présidentielle se passerait entre Hollande et Le Pen.

C’est dire le degré de discrédit atteint par l’actuel  président au sein de la fonction publique.

Normal, diront les esprits paresseux: c’est un président libéral, hostile à l’Etat ; il a mené une politique libérale,  il en paye le prix.

Si encore les choses étaient aussi simples !  Si Sarkozy avait été un vrai libéral, nous aurions vu les dépenses publiques baisser, les effectifs publics se réduire,  la fiscalité s ’ alléger.

Mais il s’en faut de beaucoup. C’est sous son quinquennat que les dépenses publiques ont atteint leur maximum historique : 56 % en 2011 ; trente et un impôts nouveaux ont été créés, sans compter ceux que l’on a  alourdis, tel  l’impôt sur les plus-values. Le nombre de fonctionnaires d’Etat a un peu reculé, en fin de période,  par l’application de la règle déjà  ancienne de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ( la fameuse RGPP !) , mais surtout au détriment de l’armée, et sans qu’on empêche la fonction publique locale de croître parallèlement.

 

Le prix de l’incompétence

 

Bien que l’actuel président n’ait jamais aimé les fonctionnaires,  il aura  été celui qui a augmenté le plus les rémunérations des fonctionnaires d’autorité et de certains  corps  déjà bien rémunérés comme la police ou  les finances ; cela sous prétexte  d’encourager une productivité  bien difficile à mesurer.

Bien plus qu’une politique faussement libérale, Sarkozy a payé le prix de son incompétence. Il s’est trouvé propulsé à la tête de l’immense machine  étatique sans vraiment  la connaître, comme le capitaine d’un navire qui  ne serait jamais de sa vie descendu dans les soutes.

C’est ainsi que, dans son prurit de réforme, il  a donné un coup d’accélérateur à toute  une série de réformes qui se trouvaient, soit déjà votées et non appliquées, soit en gestation.

Parmi les lois déjà votées, la plus importante est  la loi du 1er août 2000, dite Loi organique des lois des finances (LOLF pour les initiés) approuvée à l’unanimité au temps de Jospin. Les enseignants, remplis de ressentiment  contre le président actuel, et qui manifestent avec raison contre l’évaluation systématique de leur travail,  savent-ils que cette évaluation n’est que l’application d’une loi votée du temps de la gauche ?  Elle ne devait s’appliquer qu’en 2005 et le  temps de rodage passé, elle n’a  fonctionné  à plein qu’à partir de 2007.

Cette loi repose sur des principes hautement contestables : les fonctionnaires  sont corporatistes,  ne travaillent pas ; il faut donc affaiblir  ou supprimer les corps ( agrégés,  gendarmerie, professeurs de médecine, DDE, DDA , corps des mines etc. ) et leur inculquer  la « culture du résultat », c’est-à-dire  le « pilotage » à  partir de statistiques d’ « efficience » toutes plus contestables les unes que les autres, toutes propices à la tricherie et  qui font ressembler  de plus en plus  l’administration française  à  l’économie soviétique.

Ces reformes par lesquelles on prétend  pompeusement  introduire  «  les   méthodes managériales  dans l’administration » reposent sur des principes faux. Le premier est  qu’une administration  se gère comme une entreprise ( Ludwig von Mises,  libéral de l’Ecole de vienne , a démontré le contraire ! ), le second  que les fonctionnaires ne travaillaient pas et qu’il fallait les « secouer » :  qui s’est jamais plaint du manque de zèle de l’administration fiscale ? Il y a, comme partout, 20 % de tire-au-flanc mais les fonctionnaires ne sont pas responsables des procédures compliquées et souvent  inutiles qu’on leur impose d’appliquer. Les corps ont été tenus pour archaïques :   on oubliait tout ce qu’ils  avaient   accompli  au cours  des cinquante dernières années : les instituteurs d’avant la « rénovation pédagogique »   pour  diffuser l’instruction dans le peuple,  les ponts et chaussées  pour équiper la France, le génie rural  pour moderniser l’agriculture, le corps des mines pour développer l’industrie .  L’honneur professionnel dont ils étaient  porteurs  était une motivation bien plus noble que le réflexe pavlovien de la  prime par lequel on voudrait le remplacer. L’honneur professionnel : un gros mot  dans le climat de « modernisation de l’Etat » !

Autre  présupposé faux : l’idée qu’ on accroît  l’efficacité en fusionnant les structures : communes,  police et gendarmerie, antennes locales de l’Etat, Impôts et Trésor, ANPE et ASSEDIC etc.  Non seulement ces fusions se sont  traduites parfois par une immense pagaille ( pôle Emploi),  mais les résistances légitimes n’ont été surmontées que par une large  distribution de primes qui a  annulé et au-delà les bénéfices attendus.

Que le gouvernement  ait tenté de réduire les effectifs de la fonction publique, passe encore , mais fallait–il , pour tout compliquer, que cette réduction , déjà difficile en elle-même   coïncidât avec le  double traumatisme d’une refonte générale des organigrammes et  de l’introduction du contrôle chiffré  systématique ? Pour couronner le tout,    les procédures ont continué à se compliquer comme jamais :   le Grenelle de l’environnement a produit     plus de 100 pages de textes  !

L’immense découragement qui règne de haut en  bas de la fonction publique et qui s’exprime dans beaucoup de départs  à la  retraite anticipés, est sans doute l’   héritage  le  plus désastreux du quinquennat.

Mais ne chargeons pas Sarkozy puis qu’il ne le mérite : la plupart du temps, il n’a fait que donner un coup d’accélérateur à des réformes qu’une certaine technocratie tenait  en réserve depuis de nombreuses années. C’est moins son activisme qui est en cause que sa passivité face à des logiques technocratiques absurdes que   de vrais politiques auraient dû  corriger.

Même s’ils n’en ont pas  tous conscience, ce  n’est pas  pour son libéralisme supposé que Sarkozy est  rejeté par une large majorité de  fonctionnaires, c’est pour son incompétence.

 

Roland HUREAUX*



[1] Sondage CEPIVOF rendu public le 31 janvier 2012

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:08

 

Le plus extraordinaire avec la Grèce est que  rien de ce qui lui arrive aujourd’hui ne  se   dit   mieux  qu’avec    des expressions  que son génie nous a léguées.

Il est clair que réussissant à faire voter par le Parlement grec un plan d’austérité  rigoureusement  inapplicable, le premier ministre Papadémos  -  et l’Europe avec lui -,  n’a remporté qu’une victoire à la Pyrrhus.

Le pauvre peuple grec se révolte à juste titre contre le supplice de Tantale qu’on  lui applique.  

Vouloir imposer des normes  budgétaires allemandes à ce peuple indocile, n’est-ce pas le placer  dans  un lit de Procuste ?

Les commissaires européens qui leur sont envoyés veulent lui infliger  un régime  draconien.

Il est vrai que l’acceptation du plan de   rigueur est la condition mise par Angela Merkel à l’octroi  de nouveaux prêts. Mais à quoi serviront ces  prêts ?  Le budget grec n’est-il pas  le tonneau de Danaïdes ?

Pourquoi donc un petit pays qui ne représente que 2 % de la population de l’Europe et 1 % de son PIB, suffit–il à mettre en péril tout l’édifice européen ?  La  Grèce est  le talon d’Achille de l’Europe !  

Car si la Grèce tombe, l’Italie chutera à son tour.   Comme me le dit un ami facétieux : la roche tarpéienne est près de l’Acropole.

La Grèce, l’Italie !

11-11-11  n’est pas le nouveau  chiffre de la Bête de l’Apocalypse qui demeure 666.  Mais le 11 novembre 2011 restera comme  une date clef dans l’histoire : la démocratie s’est éteinte en Europe là où elle était née. Ce jour-là,  deux chefs de gouvernement  émanant du suffrage universel,    Papandréou  et, quoi qu’on en pense,   Berlusconi,   ont été remplacés,  à la demande du G 7,  par deux  proches de Goldman Sachs.  La fin de la démocratie.   Où ?  Par une singulière ironie de l’histoire à Athènes et à Rome, les deux villes qui en furent, chacune à sa manière,  la matrice. 

Ces Grecs, aujourd’hui si vilipendés, ont pratiquement  tout  inventé : la philosophie, l’histoire, la tragédie, la comédie , le roman,  les mathématiques ,  la physique,  la théologie chrétienne,  la gnose, la politique et en particulier la démocratie,  peut-être la musique notée, qu’ils  ont apporté des perfectionnements décisifs à  la poésie épique,  l’architecture, la peinture, la sculpture, la stratégie.  Ils auraient même, si l’on en croit la légende de Crésus,  inventé…la monnaie.   

Mais venus de l’Olympe, les voilà précipités dans l ‘Hadès !  

 

Roland HUREAUX*

 

 

  * Auteur de La grande démolition –  La France cassée par les réformes – Buchet-Chastel – janvier 2012

·                                                                                                                                  

 

 

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:06

 

S’il fallait un signe du déphasage extraordinaire qui existe entre la classe politique et le reste de la population, déphasage qui donne un aspect tellement irréel à l’actuelle campagne présidentielle, il suffit de constater que les trois candidats  tenus aujourd’hui pour vainqueurs possibles promettent tous  une hausse des impôts.

C’est vrai du candidat socialiste qui compte  trouver 50 milliards, principalement en annulant toute une série de niches  fiscales  (heures supplémentaires, placements  l'immobilier, TVA réduite dans la restauration, emploi d’aides à domicile,  défiscalisation des investissements outre-mer  etc.) mais aussi en  rognant le quotient familial, un pont-aux-ânes des programmes de la gauche « bobo » depuis trente ans (il est loin le temps où ce quotient était voté à l’unanimité par l’assemblée, majoritairement socialiste et communiste,  issue de la Résistance ! ) .  

Ces cinquante milliards seraient consacrés  pour moitié au financement de mesures nouvelles (300 000 emplois-jeunes, 60 000 recrutements à l’Education nationale, service public de la petite enfance) et pour moitié à la réduction du déficits, avec un objectif au demeurant modeste : passer au-dessous de 3%  du PIB en 5 ans (ce qui signifie tout de même une augmentation d’encore 20 % du PIB de l’endettement pendant le même période) avec une hypothèse de croissance bien optimiste de 2,5 % par an.   Ne sont  pris en compte dans ces calculs ni l’abrogation partielle  de la réforme des retraites, ni l’arrêt de la « RGPP »,  non remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

La perspective d’alourdissement des impôts s’applique  également au  candidat centriste, plus ambitieux sur le papier puisque il propose de supprimer le déficit en 4 ans, ce qui exige 100 milliards d’euros, dont la moitié en impôts nouveaux, la moitié en économies budgétaires.

Quant  au président sortant,  il n’a pas attendu l’élection pour augmenter la TVA de  1,6  points, jouer sur les tranches de revenu pour alourdir l’IRPP  ou   aggraver certains impôts comme les droits sur les plus-values immobilières. En dépit de mesures  spectaculaires comme le bouclier fiscal réservé aux très riches, tellement  désastreux  pour son image qu’il lui a fallu l’abroger , l’actuel président a créé au cours du quinquennat pas moins de 31 impôts nouveaux  ( par exemple   la cotisation spéciale sur les retraites, la taxe sur les mutuelles et assurances,  les cotisations sur  l’intéressement des salariés, sur les stock-options, sur le téléphone et internet, sur les chaînes privées, sur le malus auto,  sur les compagnies pétrolières, sur les ordinateurs et clefs USB, sur les poissons vendus en grande surface, sur la distribution de matériel publicitaire etc.). Même s’il ne l’annonce pas, tout laisse supposer que, réélu, il alourdirait encore  la pression fiscale.

Toutes ces promesses d’impôts nouveaux se font dans un concours de rigueur à la Churchill, passablement ridicule : « Je suis un véritable homme d’Etat puisque  je n’hésite pas à promettre du sang et des larmes », comme si la France était sous les  bombardements des stukas. Une grande partie de l’opinion a été convaincue que de toutes les façons on allait en baver et   qu’il fallait en passer par là. A tort.

Cette rhétorique part du principe que plus  le gouvernement chargera le pays d’impôts,  plus il sera vertueux.

C’est oublier que le poids des prélèvements obligatoires n’est pas un signe de développement.

Un alourdissement excessif de la pression fiscale peut se traduire par une spirale récessive, telle que la Grèce est en train de la connaître et qui, de plan de rigueur en plan de rigueur,  menace toute l’Europe.

A  l’encontre de  cette rhétorique, les observateurs   soulignent le fait que la France est  le pays au monde ( si l’on met  de côtés quelques petits pays nordiques),  où les prélèvements obligatoires sont les plus lourds   et en augmentation : 43,2 % en 2010, 43,7 % en 2011, 44,5 % % prévus en 2012, sans perler du niveau des   des dépenses publiques  et des transferts sociaux  qui s’établit à 54,9 %[1].  

Ce taux élevé de prélèvements  fiscaux et sociaux, tout le monde est d’accord pour dire quel est un des symptômes du « mal français ».

Cela est   le sentiment des experts français ou internationaux  pour qui  ce niveau élevé décourage les talents et la créativité, encourage l’exode des cerveaux (plus grave que celui, purement fiscal, des footballers ou des chanteurs).

Mais c’est aussi le sentiment populaire : le ras-le bol fiscal    est considérable, pas seulement  dans  la classe moyenne ou les professions indépendantes.  Certes,  l’alourdissement promis pèsera d’abord sur celles-ci : les très grandes fortunes,  grâce aux facilités de la mondialisation, échappent  largement à l’impôt et continueront d’y échapper, comme l’a montré l’affaire Bettencourt, les 4 millions de chômeurs ou assimilés ne pourront contribuer que faiblement ou pas du tout. La conclusion est claire : cette surcharge fiscale retombera sur les mêmes.

Mais  toutes les classes de la  population sont   concernées : à côté d'un impôt progressif, l’impôt sur le revenu, très altéré d’ailleurs par les exemptions de toutes sortes qui se sont multipliées, la TVA, les charges sociales, la taxe d’habitation sont  des impôts en réalité dégressifs. La taxe foncière pèse lourd sur les petits  propriétaires qui souvent ont épargné toute leur vie pour s’offrir un modeste pavillon et, la retraite venue, doivent le quitter faute de pouvoir en assumer les charges.

Quel aveuglement faut-il aux  trois candidats dont nous parlons pour ne promettre  autre chose qu’un nouvel alourdissement des impôts ?

Même si des transferts d’impôt à impôt  sont nécessaires pour tenter de rendre un peu moins injuste notre système fiscal, la charge totale ne doit plus s’alourdir !  

On dira naturellement : et que faites-vous du déficit, que faites-vous de l’endettement ?

Nous ne voulons pas ouvrir le débat, de nature différente, sur l’avenir l’euro. Il va de soi que ces mesures de rigueur   ont  du  sens si l’on veut sauver coûte que coûte l’euro. Et comme l’euro fut dès le départ  un habit taillé à la mesure de l’Allemagne, c’est une austérité à l’allemande que son sauvetage impose à tous les pays d’Europe, à commencer par les plus étrangers à cette culture comme la Grèce.  Jusqu’à quand forcera-on ainsi le tempérament et les habitudes des peuples ? Plus très longtemps sans doute.

La rupture de l’euro  n’empêchera sans doute pas qu’une politique de rigueur soit nécessaire   mais dans des conditions de compétitivité différentes  et avec, s’agissant de la France,  une perspective de croissance plus forte.

Elle amènera  en revanche à se poser la question de l’origine du déficit et de la dette accumulée par tous les pays d’Europe ( sachant, que, en valeur absolue, le pays le plus endetté, c’est l’Allemagne). Jusqu’en 1973, l’Etat empruntait, quand il en avait besoin, à la Banque de France à 0%. Ce qui veut dire qu’en  sus des ressources fiscales il avait celles de la puissance régalienne de battre monnaie, dont il ne devait bien sûr pas abuser sous peine de créer de l’inflation. Depuis 1973, l’Etat est obligé de s’adresser aux banques à   3  ou  4 % (lesquelles peuvent se refinancer à taux inférieur à la Banque centrale !), ce qui veut dire  que cette ressource  régalienne  a été transféré au système bancaire selon le modèle alors en vigueur aux Etats-Unis – mais sur lequel ces derniers sont  revenus. Sait-on que, si  on totalise les intérêts ainsi versé par l’Etat français depuis 28 ans et les intérêts de ces intérêts, on arrive à 1400 milliards d’euros (pour une dette publique de 1700 milliards d’euros) ?  A quoi rime donc le discours moral si répandu  sur les déficits ?

Bien entendu une monétisation de la dette en cours, la Banque centrale, libérée des contraintes de l’euro, reprenant les créances publiques à son compte,  ressemblerait à  une pratique inflationniste. Mais  en réalité, elle ne  ferait qu’officialiser une pratique déjà existante   depuis plusieurs années : croit-on que la génération montante  va accepter de suer sang et eau  pour payer les dettes de  l’antérieure ? Aprés 7 ans de vaches grasses, 7 ans de vaches maigres ?  Cela ne s’est jamais vu.  Or c’est sur cette perspective pénitentielle  totalement irréaliste que se  fonde    la gouvernance économique européenne. Un schéma qu’aucun des « grands candidats » n’ose remettre en cause, ce qui les amène à proposer,  de manière  absurde,  dans un pays qui a déjà les impôts et les charges les plus élevés du monde,  de les alourdir encore

De la même manière,  leurs  programmes ne remettent nullement en question les logiques dépensières qui ont, de pair avec la politique bancaire, abouti à la  situation actuelle. Nous connaissons les jérémiades des ultra-libéraux qui pensent qu’il  n’  y a de solution à ces dépenses excessives que dans une remise en cause du supposé « modèle social français » :   il faudrait, à les entendre,  mettre à bas  l’assurance maladie, les retraites par répartition, le statut de la fonction publique,  le système public d’éducation ou d’hospitalisation etc.  Mais tout cela existe depuis soixante ans. Le « modèle social français » tant décrié fonctionnait au sortir de la guerre avec 30 % de prélèvements  obligatoires. Il a fonctionné sans déficit dans les années soixante. En 1981, la France avait en proportion le même nombre de fonctionnaires que l’ Allemagne ; depuis,  elle en a embauché un million de plus ;   l’Union de la  gauche n’est pas seule en cause, mais  un peu tout le monde. Pour se tenir  à une seule source d’augmentation : la volonté de fusionner  les communes  (jugées trop nombres et dispendieuses) qui s’exprime depuis la Loi Joxe en 1972  dont la logique a  été poursuivie par la droite, s’est traduite par le recrutement de  400 000 agents publics supplémentaires.

Nous retenons cet exemple pour montrer à quoi aboutissement les mauvaises réformes qui pullulent depuis trente ans.

Pour s’en tenir à la période la plus récente, celle de la  présidence  Sarkozy, fallait–il  rapprocher ou   fusionner tout une série de services (Impôts-Trésor, Police-Gendarmerie, Pole emploi)  sans diminuer les effectifs et en  versant des  primes supplémentaires pour  convaincre  des services réticents? Fallait-il passer du RMI au RSA, sans véritable utilité sociale comme  la suite l’a montré, au prix de quelques  milliards supplémentaires, départementaliser Mayotte, créer les postes de députés pour les Français de l’étranger – après leur avoir assuré la gratuité scolaire), multiplier les offices, agences , hautes-autorités de toutes sortes ?  Fallait-il refaire la carte   judicaire pour abandonner de petits tribunaux invendables et entreprendre à grands frais l’agrandissement  de ceux que l’on maintient ?  Faut-il relâcher toujours un peu plus les disciplines scolaires,   la baisse d’efficacité rendant nécessaire des recrutements supplémentaires ?  Fallait-il pour un fallacieuse politique du chiffre multiplier les travaux statistiques le plus vains de haut en bas de l’échelle,  ou sous prétexte de  rationaliser la gestion du personnel, généraliser de stériles   entretiens de carrière ?  Fallait-il que Sarkozy, pour faire avaliser aux hauts fonctionnaires une politique qu'eux-mêmes trouvaient le plus souvent absurde, les gratifie des  plus larges  augmentations de traitement qui aient été jamais accordées ? On pourrait multiplier ainsi la liste affligeante des décisions  dépensières prises à la petite semaine depuis des années.

L’accroissement  des dépenses publiques, n’est plus  depuis belle lurette, une option idéologique, ni même l’effet de la démagogie, mais,  comme dans une entreprise, la sanction de l’incompétence.

 Au contraire des officines libérales qui déplorent sans cesse le  manque de courage de nos gouvernants devant un modèle social trop généraux ou  les excès d’ un système « centralisé et jacobin » , c’est l’incompétence de ceux qui gouvernent qu’il faut mettre en cause. Et peut-être plus : la copie servile de modèles étrangers, souvent tenus, paradoxe suprême, pour « libéraux », voire une simplification abusive des approches qui est en réalité de  l’idéologie.

N’hésiterons pas à le dire : si aucune réforme n’avait été entreprise depuis trente ans dans certains secteurs clef  : collectivités locales, réforme de l’Etat, enseignement primaire et secondaire, si l’on  avait trouvé un système plus économique et plus juste que la CMU et l’AME pour soigner toute la population, des dizaines de milliards auraient été économisés, sans remise en cause d’aucune sorte du « modèle social français ».

Que tous les candidats en vue proposent une augmentation des impôts après l’échéance  présidentielle n’est que le revers de leur radicale inaptitude  à remettre en cause le modèle réformateur dépensier et brouillon qui  règne depuis   au moins vingt ans.

Et la  réforma fiscale, dira-t-on ? A vrai dire, on  n’en  parle aujourd’hui  que parce qu’il faut trouver d’urgence des ressources supplémentaires, qu’il faut   « presser un peu plus le citron ». 

Revenons aux fondamentaux : tout système fiscal est peu ou prou  injuste et  il le sera d’autant plus qu’il sera lourd. En même temps, la fiscalité se trouve au cœur d’un équilibre  social  subtil  et fragile : on ne joue pas avec elle sans précautions. Remettre à plat le système fiscal, cela s’appelle la Révolution française !  Elle n’est pas, que nous sachions, à l’ordre du jour.  Non que, des mesures radicales ne soient pas nécessaires,  mais peut-être pas dans ce domaine.

Répétons que la plus urgente de réformes, c’est de ne pas augmenter, voire d’alléger la charge fiscale. Qu’à partir de là des ajustements puissent être utiles, qui en disconviendra ? Mais dans un contexte si possible baissier : remplacer telle ou telle niche fiscale abusive par une réduction des  taux moyens  de l’impôt sur le revenu, contrôler assez les dépenses des collectivités locales pour que  la taxe foncière ne soit pas confiscatoire pour les petits propriétaires, alléger les charges des artisans et commerçants, voire de certains salariés et des  professions libérales, rapprocher la fiscalité de l’épargne de celle du travail, voilà des ajustements utiles. La TVA sociale, dont on parle depuis vingt ans et que le président vient de découvrir  peut être la meilleure ou  la pire de choses ;  la pire : un transfert du prélèvement du capital  vers le travail, vers les salariés consommateurs ;  la meilleure : un protectionnisme déguisé, destiné à sauver des emplois. Mais l’éclatement de l’euro le rendrait moins nécessaire dans la mesure où un changement de parité monétaire aboutirait au même résultat.

De toutes ces considérations doit ressortir ceci : dans un pays qui est déjà un des  plus imposés du monde (et le plus imposé des grands pays), ne plus augmenter la charge fiscale doit être  un  impératif catégorique.  Comment faire ? Posons  d’abord  le principe,  les gouvernements trouveront  bien les moyens. 

 

Roland HUREAUX*

 

  * Auteur de La grande démolition –  La France cassée par les réformes – Buchet-Chastel – janvier 2012

·                                                                                                                                  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] La différence tient aux ressources non fiscales de l’Etat ( vente du patrimoine , exploitations commerciales, bénéfices d’entreprises publiques ) et au déficit.

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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 22:11

 

Article paru dans Marianne2 

 

Il nous a été rapporté que l’actuel président de la République, interrogé à Mont-de-Marsan sur la TVA sociale lors de la campagne électorale de 2007, ne semblait pas savoir exactement  de quoi il s’agissait. On en  parle pourtant depuis vingt ans.

Aussi est-ce dans la précipitation, en fin de quinquennat,  qu’est mise en place cette réforme qui  aurait pu être fondamentale.

Son principe en est simple : si  l’on considère que dans la masse des « prélèvements obligatoires », les cotisations sociales sont en définitive un impôt comme les autres, c’est se tirer une balle dans le pied que d’en charger les produits français (y compris ceux que nous exportons) et d’en exonérer les produits que nous importons.  L’effet est une grave perte de compétitivité, spécialement par rapport aux pays où le système social est peu développé ou inexistant, comme la Chine.  L’effet de cette distorsion, c’est  la perte de milliers d’emplois industriels.  La désespérante litanie des plans sociaux: Molex, Continental, Plastic-Omnium, Amora, Kronenbourg, Texas Instruments, Renault, NXPFrance, Jean Caby, Latécoère, Ducros, Thalès , Peugeot ou des délocalisations industrielles : Damart, Knorr, Cébé, Kenzo, Givenchy,  de ces dernières années  nous rappelle l’urgence du problème  

C’est pourquoi la TVA sociale ne saurait  être qu’un moyen  d’améliorer notre productivité et rien d’  autre.   Elle fait reposer une partie du coût de la solidarité sur les importations et en  décharge les exportations. Ce qui est visé, ce n’est pas le consommateur, c’est l’importateur. Pourquoi  ne pas le dire ?  c’ est une sorte de protectionnisme déguisé.  

Malheureusement les propos oiseux des uns et des autres  ont multiplié les malentendus : pour certains, elle serait une manière de financer le « trou » de la Sécurité sociale ;  il ne saurait en être question ;  la TVA sociale n’a de sens qu’à charge égale : en profiter pour combler les déficits sociaux  serait la dénaturer. C’est ce genre de suggestions, venues de la majorité,  qui avait fait  retirer le projet en 2008.  D’autres, en particulier au sein du patronat, y voient un moyen de diminuer les salaires réels  et d’accroître ainsi   les profits ;   il n’en est pas question non plus : le projet n’a de chances d’aboutir que s’il  est organisé de telle manière qu’il ne réduit pas le niveau de vie des salariés.  

Les puristes diront que la protection sociale doit  garder un financement propre, de type « coopératif » et donc demeurer  assise  sur le travail, sous peine de dériver dans l’assistanat.  Mais  comment éviter l’assistanat si la politique macro-économique  induit un volant de près de 4 millions de chômeurs  et précipite notre désindustrialisation ?   

La meilleure objection qu’on puisse faire à la TVA sociale est en définitive de dire qu’on peut obtenir un résultat analogue en dévaluant la monnaie. Comme la TVA sociale, une dévaluation renchérit les produits importés et  abaisse le prix des produits français. L’euro, qui  nous empêchait de le faire,  étant moribond, c’est  ce que  certains espèrent. Mais si l’éclatement de l’euro permet à la France de retrouver un peu de compétitivité face à l’Allemagne, il  n’est pas certain  qu’elle en retrouve beaucoup vis-à-vis du reste du monde.

La TVA, si mal nommé sociale, est à géométrie variable : on peut ne transférer sur la TVA qu’une petite  partie des cotisations sociales : c’est de cela qu’ il est question aujourd’hui.  Pourquoi  donc  ne pas faire l’essai ?

 

Roland HUREAUX *

 

 

·        Auteur de La grande démolitionLa France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012

 

 

 

 

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