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Roland HUREAUX

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 17:18

 

 

Libéralisme ! Il est convenu que le monde vit depuis trente ans – disons depuis le tournant des années quatre-vingt – sous le règne du libéralisme (néo ou ultra, qu’importe) sans que l’on se soucie vraiment de  le définir.

Pour s’en tenir à l’économie, le libéralisme recouvre au moins le libre-échange, qui n’a cessé de progresser  depuis que la  Conférence de la Havane (1947-1948), une des grandes conférences de l’après-guerre l’a  posé comme  l’  idéal à atteindre dans le monde entier. II a fait de considérables progrès sous l’impulsion du GATT, créé à cette occasion, devenu OMC  qui, de cycle en cycle,  s’est efforcé avec un succès croissant d’effacer un peu partout les protections douanières.

La liberté de circulation des capitaux, tout aussi importante, a connu un développement plus  tardif, à partir de 1985. Elle est aussi devenue un dogme de l’économie mondialisée.

Le contrôle des prix a à peu près partout disparu.

D’autres dimensions du libéralisme comme la liberté du marché du travail rencontrent plus d’obstacles, notamment en Europe.

La privatisation des services publics,  et a fortiori du reste de l’économie, a aussi beaucoup progressé.

 

Augmentation générale des prélèvements publics

 

Mais si un peu partout le patrimoine public s’est rétréci, les flux économiques, transitant par les entités publique (Etat, collectivités locales, Sécurité sociale), qu’on les mesure en termes de prélèvements obligatoires ou de dépenses publiques rapportés au PIB, n’ont cessé de croître dans la plupart des pays industriels. Jamais ils n’ont, en France,  été aussi élevés qu’en 2011 : dépenses publiques et transferts représentent aujourd’hui, après trente ans de politique supposée libérale,  plus de 56 % du PIB. Compte tenu des déficits et des recettes non fiscales de l’Etat,  les prélèvements publics sont à un niveau inférieur mais tout de même très élevé  46 % du PIB.  

Même si d’autres pays  ont connu une certaine orientation à la baisse depuis 1995, ils sont très au-dessus du point  où ils étaient au milieu du XXe siècle.  Si les prélèvements publics n’augmentent plus depuis environ quinze ans dans la plupart des pays industriels, ils n’ont cependant diminué que  peu, en dépit des gesticulations néo-libérales des Reagan, Thatcher et autres.

Pensons qu’en 1960, ils se situaient en moyenne à environ 15 points de PIB plus bas qu’aujourd’hui : en France, 30 % en 1960,  45 % en 2010.

Or quoi de plus significatif en regard de la vie quotidienne des citoyens que le curseur qui sépare l’économie publique de l’économie privée, soit  le taux de dépenses publiques et des transferts ?  Comment ne pas voir dans le fait que celles-ci représentent plus  de la moitié de la production  nationale le signe d’une ingérence toujours plus grande de la puissance publique dans la sphère privée ? Un indice autrement significatif dans la vie  quotidienne des citoyens que le niveau des droits de douanes ou des contingents !

Quel singulier paradoxe donc que les trente dernières années que l’on place sous le signe du libéralisme économique aient vu, en termes de flux, l’économie publique prendre une part  sans précédent dans la vie de la plupart des Etats !

Certains se féliciteront de cette socialisation croissante de l’économie. Pourtant, au-delà d’un certain seuil, les effets pervers se multiplient ; fraudes de toutes sortes (évasion fiscale, travail au noir), pouvoirs disproportionnés entre les mains de la puissance publique – dans certaines villes moyennes, les citoyens n’osent pas s’opposer à la mairie qui est la fois le premier employeur et le premier client de la ville-, et donc menace sur la démocratie, découragement des initiatives, mauvaise régulation et gaspillages. Trop lourds, les prélèvements perdent leur légitimité et minent la démocratie.

 

Un lien de cause à effet avec le libre-échange ?

 

Paradoxe ou évolution concomitante ? Notre soupçon est que, au rebours de toutes les théories néo-libérales en vogue, il  a un lien de cause à effet entre le développement  du libre-échange et l’inflation de la sphère publique au sein des Etats.

Pourquoi ? Parce que le libéralisme absolu n’est pas dans la nature de l'homme lequel a besoin d’une certaine stabilité, d’une certaine visibilité de l’avenir. La sécurité que les hommes ne trouvent   plus dans une sphère privée tributaire du marché mondial, ils la cherchent  dans la sphère publique : l’emploi public apparait ainsi comme une variable d’ajustement à la montée du chômage frictionnel – ou meme structurel. On en voit en France l’enchaînement dans la multiplication,  en cas de crise,  d’emplois aidés  sur financement public. Ces emplois sont financés par les collectivités locales mais généralement aboutissent à  une titularisation. D’autres pays ont des mécanismes analogues. Le chômage développe l’obligation d’assistance. Sa montée entraîne une inflation des budgets sociaux. En matière de marchés publics, malgré les directives qui ordonnent d’ouvrir les appels d’offres à toute l’Europe, règne notoirement un protectionnisme régional voire départemental bien ancré. Bref dans ce monde que le libre-échange rend imprévisible, la tendance naturelle des populations, dont  le pouvoir politique se fait l’écho conscient ou inconscient, est de préserver voire  de développer une sphère publique échappant aux lois du marché.

Le lien entre mondialisation et développement de la sphère publique est particulièrement patent dès que l’on considère les politiques de relance. Dans l’économie cloisonnée d’autrefois, celles des années cinquante par exemple, une politique keynésienne  pouvait  prendre la forme d’une hausse générale des salaires : cette hausse suscitait une demande portant d’abord sur la production domestique. La spirale vertueuse était particulièrement patente s’agissant de l’automobile : une augmentation de 10 % des salaires chez Renault, entreprise nationale de référence, était suivie très vite par une augmentation équivalente dans toute l’industrie française. La vente d’automobiles Renault s’en trouvait stimulée bien au-delà de ces 10 % et c’était  bénéfice pour tout  le monde.

Aujourd’hui une hausse de salaires a de fortes chances de gonfler  les seules importations de biens manufacturés et de se traduire donc par un déséquilibre accru de la balance de paiements, sans contribuer d’aucune manière à relancer la production nationale.

La seule relance keynésienne qui tienne encore, dans un contexte mondialisé,  est celle des dépenses publiques, en particulier celles qui, comme les travaux publics ou l’embauche de fonctionnaires, échappent à la concurrence internationale. C’est ainsi que procédèrent Reagan et ses successeurs  au travers du gonflement des budgets de défense.  C’est également ce qu'a fait  le gouvernement Sarkozy avec le  grand emprunt. Ainsi l’économie mondialisée, privant les gouvernements du levier du pouvoir d’achat, les pousse, de différentes manières,  à enfler toujours un peu plus la sphère publique.

La vérité est que, contrairement à ce que croient ses idéologues,  le libéralisme n’est pas un bloc. Il peut progresser sur certains plans et régresser sur d’autres et cela de manière corrélative.  Les libéraux de toutes obédiences qui chantent les louanges du libre-échange généralisé feraient bien   de prendre garde à ces mécanismes paradoxaux qui font que le libéralisme joue contre le libéralisme dès lors que, poussé à l’extrême, il tend  à ignorer  un des fondamentaux  de la nature humaine qui est la recherche de la  sécurité.

Autant qu’il est tenu pour un instrument de politique économique parmi d’autres, et non comme un absolu, le libre-échange a assurément un rôle à jouer. Tenu unilatéralement pour un absolu, on  découvrira un  jour qu’il aura fait reculer la vraie liberté.   

 

Roland HUREAUX

General agreement on tariffs and trade

Organisation mondiale du commerce

Cycles (en anglais round) appelés  successivement du nom de leur initiateur ou de la conférence de lancement : Dillon, Kennedy, Nixon, Tokyo, Uruguay, Doha.

Les dépenses publiques représentaient, dans   la zone euro 50,4 % du PIB en 1990 à 46,1 % en 2008. La Suède qui avait atteint 72 % a particulièrement baissé.

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 17:15

 

Il est plus facile de s’opposer que de gouverner, dit-on.

On pouvait donc penser que la droite, principalement l’UMP, après  avoir gouverné médiocrement, ferait une bonne opposante.

On peut en douter en la voyant demander  aujourd’hui bruyamment , l’abrogation des 35 heures.

Non pas que l’idée soit mauvaise en soi. Une semaine de travail aussi  courte constitue une exception en Europe et, assurément,   un handicap pour notre compétitivité.

Les salariés français ont  payé très cher cette mesure improvisée par une gauche en mal d’idées et  qui les avait promises d’autant plus facilement qu’elle ne s’attendait pas à gagner l’élection législative de 1997 : la hausse des salaires fut interrompue plusieurs années, ce qui s’est traduit par une perte nette d’au moins 10 %, jamais rattrapée, le patronat a obtenu, en contrepartie, une plus grande flexibilité des horaires. Moins de présence, plus de flexibilité : les salariés  se croisent et  s’ignorent, la communauté de travail se délite, le stress augmente.  Voir France-Télécom.

Elle a coûté aussi beaucoup à l’Etat qui a  aidé à grands frais les entreprises à passer le cap.

Il reste que la droite qui, depuis 1997,   a  critiqué les 35 heures à chaque  campagne électorale  a été, entre temps, au pouvoir dix ans : de 2002 à 2012. Durant tout ce temps, elle n’a pas osé revenir dessus. Même le Figaro dit que la droite « tire à retardement » sur les  35 heures.

Elle s’est contentée de coups d’épingle : lundi de Pentecôte non chômé (une idée lumineuse de Raffarin qui  a fait long feu), aménagement puis défiscalisation des heures supplémentaires.

On peut certes comprendre la logique financière de la demande de l’UMP, sans doute inspirée par le patronat :  les heures supplémentaires n’étaient pas seulement défiscalisées mais exonérées de charges ; la rétablissement de ces charges par le gouvernement actuel    alourdit   le coût du travail. 

Mais il n’est pas question pour la droite, à juste titre,  de repasser de 35 à 37 ou 38 heures de manière « sèche » : les salaires seraient augmentés  à due concurrence, ce que les salariés verraient d’un bon jour. Or  dans la situation où se trouve l’euro , plombé par les différentiels de compétitivité , dont celui de la France par rapport  à l’Allemagne, est-ce bien le moment d’effectuer cette opération ?

Et sur le plan politique, lancer un tel débat paraît bien peu opportun ! Une des mesures qui ont fait chuter le plus la popularité de François Hollande est la refiscalisation des heures supplémentaires (preuve, soit dit en passant, que la défiscalisation n’était pas une si mauvaise idée). Jouant pour une fois le beau rôle, la droite ne trouve rien d’autre à faire que de se précipiter sur le mauvais. Au lieu de de capitaliser sur les erreurs du PS, elle  enfourche une cause  sinon douteuse, du moins peu sympathique.

Cette charge vient après d’autres maladresses, comme l’acharnement  à défendre les privilèges accordés par Sarkozy aux plus grosses  successions, comme si l’UMP  craignait de perdre les voix des héritiers concernés.   

Certes Estrosi, porteur de la proposition de loi,  ne passe  pour un aigle, mais il est probable que d’autres lui ont soufflé cette offensive contre les 35 heures..

Elle augure mal de la manière dont l’UMP va jouer son rôle d’opposant, un rôle pourtant  bien nécessaire.

 

Roland HUREAUX

 

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 17:12

 

 

Toujours la suprématie américaine : les Etats-Unis sont, aux Jeux de Londres, comme d’habitude premiers au classement des médailles, devant la Chine.

Portant, si l’URSS existait encore, elle serait passée devant : en additionnant les résultats de tous les pays  qui la constituaient, on se trouve à égalité avec les Etats Unis pour les médailles d’or : 46,   et nettement en tête pour les médailles tout court : 164 contre 104.

Peu apparente en début de jeux, la  force de frappe russe  a fait reculer la France, bien partie avec ses beaux résultats de natation, à la 7e place du classement. L’Allemagne, qui n’est pourtant plus  que l’ombre de ce qu’elle était du temps des succès frelatés de la RDA, nous a aussi dépassés, de peu, mais nous  sommes   à égalité pour les   médailles d’or : 11. 

Des nations petites et moyennes ont confirmé leur vocation sportive, plus ou moins ancienne : Corée du Sud (entraînée dans une course de prestige avec la Corée du Nord), Australie, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Hongrie, Cuba.

Grâce au Brésil, l’Amérique latine figure honorablement (mais rien pour le Chili et le Pérou).

Même si les noirs sont très présents sur les podiums, en particulier dans les sprints, épreuves reines de l’athlétisme, illustrées par l’étonnante Jamaïque, l’Afrique elle-même serait demeurée en retrait, n’était  la suprématie spectaculaire de l’Afrique de l ‘Est dans les courses de fond : Ethiopie, Kenya et même Ouganda d’où vient le brillant vainqueur du marathon.  

Le monde arabe est encore moins présent malgré un succès ponctuel comme la  médaille d'or de l’Algérie au 1500 m. L’Iran seul fait bien mieux : 12 médailles, dont 4 d’or.

 

Grands absents

 

Les grands absents, au regard de leur population, demeurent, aujourd’hui comme hier,  l’Inde (2 médailles d’argent 3 de bronze pour plus d’un  milliard d’habitants), l’Indonésie (2 médailles de bronze),  le Pakistan,  le Bengladesh,  le Vietnam (0).

Autre anomalie qui demanderait un approfondissement : Israël  revient bredouille alors que ses moyens humains et techniques sont largement comparables à ceux des Pays-Bas ou de la Corée du Sud. Les problèmes de sécurité de ses athlètes n’expliquent pas tout.   Apparemment,  ce pays a d’autres priorités que le sport.

Reste le cas particulier du Royaume-Uni, bon  troisième  avec 65 médailles dont 29 d’or. Ce palmarès  témoigne de l’effort considérable accompli par ce pays, non seulement pour organiser, sans faute, les jeux,  mais pour y figurer au plus haut niveau, grâce notamment  au cyclisme (ignoré outre-manche il y a une génération). Pour atteindre ce prestigieux résultat, on soupçonne chez  cette nation libérale un fort investissement de l’Etat.

Par une organisation impeccable et des résultats exceptionnels, la Grande-Bretagne a ainsi eu son heure de gloire : Londres, où, en temps ordinaire,  les poubelles ne sont pas ramassées tous les jours,  pour l’occasion  s’est faite belle.

Les Anglais, tenus pour froids, sont aussi très bon public. Cela est d’ailleurs vrai dans tous les domaines : Pierre Boulez à ses débuts avait quitté Paris pour Londres. Au lieu d’un public français difficile et snob, toujours prêt à siffler, le maître avait trouvé un public britannique   ne marchandant  jamais ses applaudissements.

Visiblement ce pays a voulu rappeler que, malgré ses difficultés économiques lourdes  (pour mémoire, PIB par habitant de la France en 1992 : 44 401 $,  du Royaume-Uni : 36 119 $),  il restait une grande nation.

 

La fête des nations

 

Car cette fête universelle est aussi un festival des nations, avec leurs couleurs, leurs hymnes. Presque trop, en tous les cas chez nous. Adieu Europe, adieu, mondialisation : la presse ne s’intéresse, sauf exceptions,  qu’aux disciplines  où une médaille française est en jeu. Etonnant rétrécissement !

Il s’en faut en effet de beaucoup que les rivalités nationales soient dépassées : qui se rappelle  que, lors du choix de la ville, Londres,  avait à Singapour en 2005   volé in extrémis le succès à Paris, favori au départ ; il s’était dit que les Anglais avaient été moins regardants sur les moyens de convaincre  certains membres du comité olympique. En tous cas, certaines élites françaises ne s’étaient pas beaucoup mobilisées. Quatre jours avant le choix, Ernest Seillière, président du MEDEF, sur une page pleine du Figaro,  disait tout le bien qu’il pensait de l’Angleterre  de Tony Blair  et tout le mal qu’il voyait dans  la France de  Jacques Chirac. Nul doute que cet article fut diligemment distribué par nos concurrents aux membres du comité !

A quand la revanche ? Le pays de Pierre de Coubertin n’a pas organisé de jeux depuis 1924.  C’est un peu long !


Roland HUREAUX

 

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 07:15

 

« Criminelle », rien de moins : c’est ainsi que Joseph Stiglitz[1], prix Nobel d’économie, qualifie la politique actuelle de l’Europe visant à  sauver l’euro et basée sur toujours plus de rigueur : politique d’Angela Merkel  comme de François Hollande, malgré les  velléités de politique de  croissance  de ce dernier,  politique de   Draghi, de  van Rompouy et de  Barroso.

Le raisonnement est clair : les politiques menées par  l’Europe et particulièrement celles qui sont imposées aux pays fables ne peuvent qu’entraîner l’Europe dans la récession :   « Les conséquences de cette précipitation de l’Europe vers l'austérité seront durables et probablement sévères. Si l'euro survit, ce sera au prix d'un chômage élevé et d’une énorme souffrance, notamment dans les pays en crise. »

Il ajoute que « la souffrance que l’Europe, notamment celle des jeunes et des pauvres, est en train de subir, n'est pas nécessaire ».  « C'est ainsi que le plus grand atout d'une société, son capital humain, est en train d'être gaspillé voire anéanti. ». « Il n'est aucun exemple d'une grande économie – et celle d’Europe est la plus grande au monde – qui se redresse grâce à l'austérité. »

C’est ainsi que l’illustre économiste va jusqu’à  dire que « l'obstination de ses dirigeants dans l'ignorance des leçons du passé est criminelle. »’

De quelles leçons du passé parle-t-il ? Celle  des années trente  évidemment : voulant à tout prix sauver le mark, l’Allemagne  s’engagea  à partir de 1930 dans une politique de déflation qui aggrava le chômage et conduisit où on sait. Contrairement à ce qu’on croit, l’euro  n’est  pas  aujourd’hui  ce  qui sauve la  paix en Europe ; bien  au contraire,  la volonté de le sauver à tout prix   la met en péril.

Paul Krugman[2], autre Prix Nobel , est à peine plus modéré. Pour lui, la relance de la croissance en Europe est urgente. Elle passe par un minimum d’inflation, surtout en Allemagne et non une austérité renforcée. A la question « Que pensez-vous des programmes de croissance qui sont actuellement débattus au sein de la zone euro ? », il répond : « c’est  un pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge. Ce sont des choses ridicules et insignifiantes ». François Hollande appréciera.

 

L’Europe, trou noir du monde

 

Ce n’est pas seulement Stiglitz et Krugman qui  regardent avec un œil  sévère et angoissé  les politiques européennes. C’est le monde entier.

Le cycle fou dans lequel   l’Europe s’engage : déficit, rigueur, récession, encore plus de déficits, préoccupe le reste de la planète.

Le continent européen  représente le premier marché mondial. La récession dans le vieux continent signifierait la baisse des ventes pour  le reste du monde : déjà l’économie chinoise est au point mort ;  Obama,  inquiet pour  sa réélection,  voit avec  appréhension la récession européenne annihiler ses efforts de relance.

L’Europe est analogue au trou noir de la cosmologie : s’effondrant  sur lui-même, l’astre vieillissant,  dans son cataclysme, aspire tout ce qui se trouve à proximité.

Y a-t-il d’autre solution à ce cycle infernal que la fin de l’expérience de l’euro ? Paul Krugman, qui ne veut sans doute pas désespérer ses interlocuteurs en propose une :    que l’Allemagne relance l’inflation chez elle. Le comportement de Mme Merkel montre qu’on en est loin.  Toute l’histoire de l’Allemagne contemporaine montre qu’attendre une politique inflationniste  de ce pays  est totalement irréaliste.

On ne change pas en un tournemain la psychologie des peuples. Si l’euro est en train d’échouer sous nos  yeux, c’est précisément parce que le facteur  psychologique a été mis entre parenthèses. Avec une incroyable légèreté, on a cru que la mise en commun de la monnaie allait effacer en cinq ou dix ans  les  particularités nationales.  C’est même le contraire qui s’est passé : comme l’application d’un exposant en arithmétique, l’euro a  aggravé les divergences !  Un projet fondé sur l’ignorance des réalités, cela  s’appelle une utopie. La plupart se sont avérées, d’une manière ou d’une autre,  criminelles. C’est précisément ce que  Joseph Stiglitz dit de l’euro. C’est pourquoi il est   urgent de mettre un terme à l’expérience.

Roland HUREAUX

 

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 07:10

Article paru dans Marianne2 

 

 

Même s’il n’a fait que reprendre la thèse de Jacques Chirac, le discours de François Hollande du 22 juillet 2012 commémorant la rafle du Vel’ d’Hiv’ n’ a pas fini de faire des vagues .

A  la critique de de plusieurs personnalités gaullistes et de Jean-Pierre Chevènement, on peut ajouter celle d’un historien franco-israélien, Alain Michel , auteur de Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français , préfacé par Richard Prasquier (ed. CLD), qui pointe dans ce discours les « sept erreurs de François Hollande ».

A la différence des gaullistes, l’auteur  ne cherche pas à  savoir où se trouvait alors  le gouvernement légitime de la France, à Londres ou à Vichy.  Rappelant le fait que les autorités de Londres, pas plus que la plupart de mouvements résistants, n’ont pas protesté contre  ces rafles (on pourrait en dire autant de Roosevelt et Churchill), il  nuance dans un sens moins accablant le rôle de Vichy. 

S’il est vrai que Pétain s’efforça d’épargner les Juifs français, on peut cependant rappeler que si Vichy n’avait pas, hors de toute contrainte  de l’occupant, instauré dès 1940 un statut des Juifs,   les rafles auraient été bien plus difficiles.    

Cependant Alain Michel rappelle opportunément que la Convention de Genève sur le droit de la guerre ( toujours en vigueur) place ipso facto les forces de polices des  pays occupé sous les ordres de l’autorité occupante.

Voici les sept  erreurs de François Hollande au gré de l’historien :  

  1 - François Hollande : Une directive claire avait été donnée par l'administration de Vichy : «Les enfants ne doivent pas partir dans les mêmes convois que les parents».

AM : La manière dont François Hollande présente les faits (la séparation des enfants de leurs parents dans les camps du Loiret avant la déportation) est doublement erronée.

Tout d’abord il ne s’agit pas d’une directive du gouvernement collaborationniste de Vichy. L’organisation de la déportation se déroule dans un dialogue et une coopération entre l’administration policière de la «zone occupée» et les autorités allemandes, plus précisément les représentants d’Eichmann à Paris. Il n’y a aucune intervention de Vichy sur cette question.

De plus la décision de déporter les enfants vient des Allemands et la séparation des parents et des enfants découle de leur besoin de faire partir les convois alors qu’ils n’ont pas encore l’autorisation de Berlin d’envoyer les enfants. Pour résumer, la police de la «zone occupée» applique des directives allemandes.


2 - François Hollande :Je tiens à rappeler les mots que le Grand rabbin de France Jacob Kaplan adressa au maréchal Pétain en octobre 1940, après la promulgation de l'odieux statut des Juifs : « Victimes, écrivait-il, de mesures qui nous atteignent dans notre dignité d'hommes et dans notre honneur de Français, nous exprimons notre foi profonde en l'esprit de justice de la France éternelle… »

AM : Première précision, Jacob Kaplan n’est pas Grand rabbin de France, il ne le deviendra qu’en 1954.

Mais surtout, la déclaration d’attachement patriotique de Jacob Kaplan n’a rien à voir avec la rafle de 1942. D’une part du fait que la Solution finale n’existe pas encore en 1940 et ce qui préoccupe alors Jacob Kaplan est l’antisémitisme français ; d’autre part, parce que, sous la pression du gouvernement de Vichy, aucun adulte français (ou d’origine algérienne) n’a été arrêté lors de la rafle de juillet 1942, alors que Jacob Kaplan, dans sa déclaration d’amour à la France, s’exprime au nom des Juifs français et d’eux seuls.


3 - François Hollande : La vérité, c'est que la police française, sur la base des listes qu'elle avait elle-même établies, s'est chargée d'arrêter les milliers d'innocents pris au piège le 16 juillet 1942. C'est que la gendarmerie française les a escortés jusqu'aux camps d'internement. La vérité, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de l'opération. La vérité, c'est que ce crime fut commis en France, par la France.

AM : Il y a une confusion dans le fait que la police française de la «zone occupée»a établi des listes en octobre 1940 sur demande allemande et non de sa propre initiative comme la phrase semble le suggérer.

Effectivement, les soldats allemands ne seront jamais mobilisés en France pour arrêter des Juifs. La Gestapo sait bien avant la rafle qu’elle peut compter sur la police de la zone nord, qui lui obéit du fait de l’application de la convention de la Haye et de la convention d’armistice. Plus de 8.000 Juifs ont déjà été arrêtés en 1941 dans la région parisienne et les Allemands se sont toujours servis de la police française pour ces rafles.

Pour résumer, François Hollande aurait pu dire : «La vérité, c’est que ce crime fut commis en France par les nazis avec la complicité de la police et de l’administration française».


4- François Hollande : L'honneur fut sauvé par les Justes, et au-delà par tous ceux qui surent s'élever contre la barbarie, par ces héros anonymes qui, ici, cachèrent un voisin ; qui, là, en aidèrent un autre ; qui risquèrent leurs vies pour que soient épargnées celles des innocents. Par tous ces Français qui ont permis que survivent les trois quarts des Juifs de France.

AM : Cette affirmation est incomplète dans la mesure où ce ne sont pas seulement les Justes et les héros anonymes qui ont sauvé les trois quarts des Juifs de France, mais aussi l’action et les choix politiques du gouvernement de Vichy qui, en tentant de protéger les Juifs français (et en abandonnant à leur sort les Juifs d’origine étrangère), a considérablement ralenti la machine de destruction allemande (voir les historiens Léon Poliakov et Raul Hilberg).


5- François Hollande : L'honneur de la France était incarné par le général de Gaulle qui s'était dressé le 18 juin 1940 pour continuer le combat.

AM : Il ne convient pas, dans une cérémonie consacrée à la persécution des Juifs, de citer le général de Gaulle qui n’a rien dit et rien fait pendant la Seconde Guerre mondiale pour encourager les Français à sauver les Juifs.


6 - François Hollande : L'honneur de la France était défendu par la Résistance, cette armée des ombres qui ne se résigna pas à la honte et à la défaite.

AM : De même, la Résistance en tant qu’organisme n’a rien fait et rien dit pour sauver les Juifs ou encourager à les sauver, à l’exception de Témoignage chrétien et des Mouvements de résistance juifs (communistes et communautaires). Certes des résistants, en tant qu’individus, ont sauvé des Juifs, mais jamais sur instruction de leurs mouvements.


7- François Hollande : L'enjeu est de lutter sans relâche contre toutes les formes de falsification de l'Histoire. Non seulement contre l'outrage du négationnisme, mais aussi contre la tentation du relativisme.

AM : Le président de la République met sur le même plan le «négationnisme», qui consiste à nier l’évidence (la réalité de la Shoah) et se présente comme une anti-histoire, et les approches d’historiens qui remettent en cause certaines interprétations idéologiques, en relativisant ce qui s’est passé en France par rapport à ce qui s’est passé ailleurs en Europe.

Cette confusion entre «négationnisme» et «relativisme» est de nature à indigner les citoyens épris de vérité. Elle illustre une tentative d’imposer une histoire officielle et d’empêcher la libre recherche historique.

 

Roland HUREAUX

 

 

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:40

Au moment où de nouvelles équipes se mettent en place, un livre indispensable pour comprendre les erreurs de l’ancien gouvernement et celles que le nouveau devra éviter :


Description: Roland Hureaux

La lecture de Roland Hureaux est salutaire…L’une des forces de l’ouvrage consiste dans son absence de focalisation partisane. – Frédéric de Monicault - Le Figaro (Bibliothèque des essais)


Un live brillant, passionnant et très bien informé. - Bertrand Rothé Marianne


Roland Hureaux dresse dans son dernier et passionnant essai le diagnostic d’une France cassée par les réformes. - Christian Authier - L’Opinion indépendante


Pour Roland Hureaux, la véritable réforme serait d’abolir la plupart de celles qui ont été faires au cours des dernières années - Patrick Fluckiger, L’Alsace

 

A demander à votre libraire ou à commander à :

http://www.amazon.fr/La-grande-démolition-France-réformes/dp/2283025435


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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:26

 

Si le nouveau premier ministre, Jean-Marc Ayrault,  avait voulu conforter les pires caricatures que la droite fait, depuis quarante ans,  de la  gauche,  il ne s’y serait pas pris autrement que dans son discours de politique générale du 3 juillet.

L’émergence d’une  nouvelle génération de technocrates socialistes, issus de Terra Nova,  familiers du Siècle  et même, pour certains, du Cercle de Bilderberg  n’a laissé aucune trace  dans la feuille de route  du nouveau gouvernement. Le parti socialiste retourne aux grands classiques. Les Français n’en ont déjà retenu  que  plus de fonctionnaires et  plus d’impôts.

Les créations de postes sont égrenées de manière aussi monotone qu’inquiétante, d’abord  dans un certain nombre de secteurs clef : l’éducation nationale, bien sûr mais aussi  la police, la gendarmerie,  la justice, auxquels s’ajoutent 150 000 emplois dits d’ «avenir » pour les jeunes (que les collectivités locales finissent généralement  par titulariser). L’application assouplie  de la règle de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ne   reposera que sur des ministères non prioritaires comme  la défense,  et pour cause : presque rien dans le discours d’Ayrault  sur  la politique étrangère et les menaces qui planent  aujourd’hui  sur le monde.

En regard de ces recrutements,  une solide couche d’  impôts nouveaux   : 7 milliards tout de suite, bien plus à la rentrée. Contrairement à ce qui est annoncé, ils n’épargneront pas les classes moyennes (instauration d’une tranche à 45 %), ni même populaires (les heures supplémentaires redeviennent  imposables).  

Tout cela se comprendrait si, comme il arrivait au temps béni  des trente glorieuses, un nouveau gouvernement de gauche, disposant d’une vraie marge de manœuvre,  avait trouvé une France sous-imposée et sous-équipée en services sociaux ou  insuffisamment solidaire. Mais nous n’en sommes plus là !  La contrainte européenne que le Parti socialiste ne remet pas vraiment en cause, se fait de plus en plus rigoureuse. Il était déjà très difficile de rester au-dessous d’un déficit de 4,5 %  en 2013  ou de rétablir l’  équilibre d’ici 2007 : ce  sera plus difficile si on charge encore la barque.  Même si certains aménagement fiscaux corrigent de réelles  injustices, ce n’est pas au profit de contribuables qui payent trop : ces corrections   aboutissent seulement à alourdir la charge globale ;  la France est    déjà, avec  des dépenses publiques à hauteur de  56 % du PIB, en dehors sans doute de la Corée du Nord,   le pays le plus socialisé du monde.   C’est  un bien mauvais service que le gouvernement  rend  à notre pays  en aggravant encore ce poids. D’autant que l’expérience montre que  ces hausses sont généralement irréversibles ,  une marche avant sans  marche arrière.

Même contradiction en matière industrielle. On peut facilement se gausser du titre ronflant  d’Arnaud Montebourg,  ministre  du redressement productif : après tout,  l’ambition est louable – et même nécessaire. Mais elle est contredite par toutes les mesures qui  vont au contraire rendre ce  redressement plus difficile : hausse de la fiscalité des entreprises (spécialement celle des PME qui produisent en France, les multinationales qui financent les clubs socialistes y échappant), maintien dans l’euro, suppression de la TVA sociale (seul succédané possible, si on veut maintenir la compétitivité, à une sortie de l’euro).    La banque publique d’investissements est bienvenue mais n’existe-t-elle pas déjà ? Les efforts promis de recherche aussi, mais ils n’auront pas d’effet immédiat.   Au moment où les annonces de plans sociaux et  de fermetures d’usines  se multiplient,       la nomination de Louis Gallois, homme symbole et très estimable,   comme commissaire aux  investissements, ne rappelle-t-elle pas, toutes proportions gardées,  le  recours illusoire à un maréchal de France dans le désastre de 1940 ? Le contraste entre le volontarisme affiché et l’aggravation de tous les handicaps  macro-économiques du pays a quelque chose de pathétique. Montebourg va souffrir, lui qui avait eu le courage de poser le problème de la  compatibilité entre le socialisme et le mondialisme.

Le volontarisme est plus à sa place en matière de logement social, où la contrainte de la compétitivité n’existe pas mais survivra-t-il  à la  contrainte financière ?

On ne pleurera pas sur la surimposition des banques ou des sociétés pétrolières, pas davantage sur  la suppression d’avantages indus accordés aux Français de l’étranger en matière scolaire.

L’annonce de la réduction de la part du nucléaire dans la consommation d’électricité est un pur symbole : ou le nucléaire est dangereux et il faut le supprimer tout de suite, ou il ne l ‘est pas et il faut le maintenir. Mais, même non suivie d’effet, cette annonce nuira gravement à la  crédibilité d’Areva.

Même marche à rebours  en matière d’administration territoriale : certes, personne ne regrettera  le conseiller territorial, inutile hybride d’une inutile réforme Sarkozy, en partie abrogée,  mais au moment où l’opinion  supporte de moins en moins l’inflation d’une  administration locale dispendieuse, faut-il en remettre une couche avec un nouveau train de décentralisation ?  Et laisser  proliférer  la jungle  de l’intercommunalité ?

 

 

 

Une reprise de 1981, l’espérance en moins

 

En définitive, tout cela ressemble dramatiquement à une reprise de 1981 : on annonçait alors, complètement à contre-courant, la relance de la filière charbonnière, pour mieux la démanteler plus tard.  Et avec son allure  faussement rassurante de prof de gym,   Jean-Marc Ayrault,  au milieu d’un gouvernement d’énarques branchés, n’évoque-il pas  une époque désormais révolue de l’histoire du socialisme ?  

Le premier ministre a donné beaucoup de chiffres. Du « qualitatif » des politiques, on ne saurait attendre grand-chose. Comme il arrive depuis   trente ans,  la hausse des emplois  publics  et des impôts , vrai   tonneau des Danaïdes,   est  l’inutile remède à des politiques vicieuses :  créer des emplois  d’avenir et recruter  au Pôle emploi ( comme  la droite l’avait d’ailleurs déjà  fait) est une mauvaise réponse à la montée du chômage qui découle d’abord de la politique monétaire suivie depuis 1992, poursuivie avec l’euro fort – et aussi de l’afflux de jeunes générations d’immigrés - , mettre  plus d’enseignants dans le primaire évite de remettre en cause des méthodes pédagogiques absurdes,  recruter plus de policiers  et de juges est rendu nécessaire par le   laxisme de la politique  pénale etc. Les remises en cause idéologiques de ces dérives ne sont pas venues de la droite  ou si peu ; elles viendront encore moins de la gauche  qui en est à l’origine.  Plus que jamais la dépense publique est incantatoire et non point résolutoire. 

Tout aussi incantatoire et typique de ce social mal distribué qui exaspère tant  les Français est  le retour à la gratuité totale  de l’Aide médicale des étrangers (en situation irrégulière), au moment où 7 millions de salariés doivent rogner  sur leurs dépenses de maladie ;  en outre , cette mesure  ne pourra que relancer la pompe aspirante de l’immigration. Même si le gouvernement ne  dispose pas de la majorité des deux tiers  au Congrès pour réviser la constitution pour le concrétiser, le projet du droit de vote aux étrangers non européens aura le même effet.

Le mariage et le droit d’adoption  homosexuels sont  annoncés sobrement mais clairement. L’évidence qu’ils revêtent  dans certains  milieux libertaires  dominants à gauche et dans les médias contraste avec l’évidence contraire dans d’autres milieux, moins homophobes que rétifs à une    remise en cause radicale, sur un sujet anthropologique fondamental,  de l’  héritage judéo-chrétien. Les Etats-Unis sont quasi en guerre civile sur ce sujet.  Il n’est pas sûr que le gouvernement mesure à quel point ce projet, totalement étranger  à l’héritage de la gauche française, va diviser en profondeur le pays.

Mais là aussi, on est dans le monde des symboles : les socialistes sont, beaucoup  plus que la droite,  propres à manier les symboles politiques :  le mariage homosexuel ,  les 60 000 postes de l’Education nationale, comme la baisse de la TVA  sur le livre,  le droite de vote des étrangers et même  la retraite à 60 ans  ne sont pas des solutions  à des problèmes réels  (comme peuvent l’être par exemple les 150 000 logements sociaux promis) , ce sont des symboles – dont certains coûteront  cher.

Non seulement ce gouvernement  n’est porté, à la différence de  celui de 1981, par aucun commencement d’espérance, mais  même, confusément, il fait peur. Parce qu’il ne résulte d’aucune évolution de l’opinion vers la gauche, au contraire, mais aussi  parce qu’il semble terriblement déconnecté du réel : des  contraintes économiques et surtout des aspirations réelles des Français. Les vicissitudes de l’histoire font que dans presque tous les domaines,  - pédagogie, justice, lourdeur des dépenses publiques, assistanat désordonné, immigration- intégration,  c’est à  des réformes « de droite »  que les Français aspirent.  Sarkozy n’a été sanctionné que pour ne les avoir pas faites, ou si mal.  Ces réformes, le  gouvernement  Ayrault  leur tourne  le dos.   Comme disait le regretté  Philippe Muray, «  le réel  est remis à une date ultérieure. »

 

Roland HUREAUX*

 

Auteur de La grande démolitionLa France casée par les réformes, Buchet-Chastel, 2012.

  

Les résultats du premier tour des présidentielles montrent que la droite a progressé depuis 2007. Les  2,1 millions de vote blancs du second tour, venus en grande majorité de la droite, ont été fatals à la réélection de Nicolas Sarkozy.

En matière de maintien  des services publics, les Français aspirent au contraire à une politique de gauche, quoique la gauche française n’ait jamais été en reste  pour les démanteler. 

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:24

Article paru dans Le Figaro, 20 juin 2012

 

Pour  être large, la majorité socialiste qui vient d’être élue n’échappe pas à l’énorme  paradoxe de l’élection présidentielle : c’est en raison  d’un glissement de l’opinion vers la droite que, par un choc en retour  dont la mécanique électorale a le secret, le pays se retrouve entièrement livré à une majorité de gauche ! 

Ce glissement s’est  exprimé au premier tour de l’élection présidentielle à la fois par un certain progrès  du vote de droite ( UMP, FN et autres)  d’environ 2 %, sa radicalisation ( montée du FN de 7,5 %  alors que celle de l’extrême-gauche  ne  fut que de 3,7 %),  et au second tour par le fait que les 2,1 millions de votes blancs dépassent largement l ’écart entre les deux candidats. Or ce que cet électorat, dans sa grande majorité,   a  reproché à Sarkozy,  dont le rejet est la cause de ce paradoxe,  ce n’est   pas sa droitisation, au contraire.

A l’élection législative,  deux signaux forts confirment cette évolution : l’effondrement du centre et l’élection, sans précédent dans ce type d’élection,  de deux députés du Front national.

La situation politique paradoxale où se trouve désormais la France  est aggravée du fait que cette droitisation ne s’est nullement faite  sur des thèmes économiques et sociaux, mais sur les questions  identitaires : principalement sur la place de l’immigration, et tout ce qui tourne autour : le drapeau, l’école, et aussi l’ordre public,  accessoirement sur différents thèmes sociétaux  - qui motivent  peu de gens mais les motivent  très fort.  Or, contrairement à ce qu’ont longtemps enseigné les marxistes  - et aujourd’hui les  libéraux qui clament   la péremption des frontières –, le sens de l’identité demeure une motivation essentielle au point d’être le principal ressort des guerres civiles.

Que malgré une  avance en voix  somme toute   faible,  François Hollande dispose d’une majorité absolue est bien sûr l’effet  de la logique présidentielle : l’opinion  refuse rarement une majorité à un nouveau président, logique renforcée par le quinquennat. La manque évident de pugnacité d’une  UMP qui a paru résignée à l’avance  à la défaite, la fatigue d’un électorat démobilisé, qui s’est exprimée par une abstention  sans précédent,  ont fait  le reste.

Virage à droite de l’opinion, basculement à gauche du gouvernement, ce paradoxe est profondément déstabilisateur, d’autant que la  gauche ne contrôle pas seulement l’Assemblée nationale mais aussi le Sénat, 20 régions métropolitaines sur 21, la majorité des départements et des grandes villes et continuera  sans doute de bénéficier quelque temps de la sympathie de la plus grande partie des médias.

 

Sans vouloir forcer la comparaison, le  décalage entre des résultats électoraux paradoxaux et l’état réel de l’opinion, c’est ce qui s’était observé dans l’Espagne de  1936 ou le Chili de  1970 ! 

La crise de l‘euro – dont François Hollande n’envisage apparemment pas  le possible délitement, la politique économique à contresens dans laquelle il s’engage  : augmentation des impôts dans un pays qui est déjà le plus imposé du monde, alourdissement des charges des entreprises, suppression de la TVA sociale, avancement de l’âge de la retraite, tous les éléments d’une crise grave  sont en place.

Les remous provoqués par le tweet de la maîtresse du président ne sont pas seulement l’effet d’une insigne maladresse mais la marque du déficit de légitimité du président : tout le monde l’ attendait au tournant et il  commence par  un couac.

Le dédain  avec laquelle Mme Merkel repousse en bloc ses propositions a le même sens.

Dans ce décalage sans précédent  entre le gouvernement et l’opinion, il ne servirait  à rien de mettre en cause les institutions : il n’y en est pas de  parfaites. C’est aux hommes qui en  bénéficient de savoir se remettre en cause pour éviter une grave rupture. Par une réaction de l’opinion aux turbulences de mai 68,  l’UDR obtint  une ample majorité en 1968. Pompidou comprit que cette majorité de circonstance ne reflétait pas l’état réel du pays : on eut la nouvelle société de Chaban-Delmas. Vainqueur d’une courte tête, Giscard  fit largement une politique de gauche – sans doute à l’excès. Mitterrand comprit en 1981 que son succès  ne lui donnait pas mandat d’appliquer tout le programme commun de la gauche, véritable antichambre du communisme.   

François Hollande  qui concentre dans sa main plus de pouvoirs qu’aucun de ses prédécesseurs a toutes les cartes en main.  Comprendra-t-il qu’il lui faut résolument tourner le dos à une partie de ses promesses, notamment celles qui divisent le plus les Français comme le droit de vote aux immigrés,  ou le mariage (et surtout l’adoption)  homosexuels, et  revenir à plus de réalisme en matière économique, de sécurité et d’immigration ? Ou bien ne sera-t-il  qu’un    besogneux apparatchik soucieux, comme il nous l’a annoncé,  d’appliquer scrupuleusement, au mépris du souhait profond des Français,  tout son programme ? Dans ce cas le pire est à craindre.

 

Roland HUREAUX *

 

  * Auteur de La grande démolition La France cassée par les réformes – Buchet-Chastel –  2012

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:21

Paru dans Marianne2  

 

La déroute de François Bayrou fait oublier qu’il fut bien près de gagner la dernière élection présidentielle.

Revenons  trois mois avant  celle-ci. La cote de Sarkozy était au plus bas : on s’accordait même autour de lui à penser  qu’il ne  pouvait plus gagner. Il payait le prix à la fois d’une  politique de  réformes brouillonnes  qui lui avait valu beaucoup d’ennemis, souvent pour pas grand-chose,  et d’une personnalité imprévisible et stressante, qui, aux yeux de beaucoup de Français,  ne convenait pas à la fonction.  Au même moment, les sondages donnaient  Bayrou gagnant au second tour contre tout adversaire,  y compris Hollande.

Une conclusion s’imposait :  Bayrou  ne devait pas faire campagne « à mi-chemin de la droite et de la gauche »  -  un lieu  géométrique  pour le moins difficile à situer  pour  les  électeurs qui dénonçaient  la ressemblance des programmes UMP et  PS et qui auraient dû  être sa cible principale !    

Bayrou devait faire campagne au centre droit et  même à droite. C’est d’ailleurs là que  le parti communiste,  mais aussi une partie de l’électorat a toujours situé  le soi-disant centre. Souvenons-nous  du duel  Pompidou-Poher vu   par Jacques Duclos : « blanc bonnet  et  bonnet blanc » ! C’est aussi comme cela qu’on le voit  dans les campagnes béarnaises  où les centristes sont  du côté du curé, donc de droite.  

L’affaiblissement extrême du candidat de l’UMP, dans une partie du spectre politique  proche  du sien  où les électorats sont relativement fongibles, lui offrait un trou d’air, une chance exceptionnelle   qu’il n’a pas saisie.

Il a cru  au  contraire que  son potentiel électoral  était à gauche. Grave erreur !  Il se fondait    sur l’expérience de 2007.  Une expérience  très singulière et qui avait peu de chances de se répéter : le machisme du PS et la  personnalité  bien  injustement contestée de Ségolène Royal,   conjugués à un effet de mode « bobo » , avaient  porté une partie des  électeurs naturels du PS à se rallier à lui (c’est essentiellement ceux-là  qu’il a perdus, descendant de 18,5  à 9,3  %).  Mais dès lors que François Hollande avait une  pleine légitimité à gauche,  François Bayrou n’avait en 2012  aucun espace de ce côté.

Au  souvenir  de l’élection précédente s’ajoutait le vieux complexe des centristes vis-à-vis de la gauche.  Non reçus à gauche, autrefois  à cause de la religion, aujourd’hui, de la pesanteur sociologique et du  sectarisme, ils sont d’autant plus  fascinés  par elle  et passent leur  temps à lui faire des clins d’œil, des avances,  jamais payés de retour. Ceux de Bayrou aux rocardiens au cours de la dernière campagne sentaient tant  leurs années soixante-dix !

C’est le même complexe qui avait amené le président du MODEM à se rallier, il y a déjà quelques années, au mariage (mais non à l’adoption)  homosexuel. Il n’en tira pas une voix à gauche, tandis qu’il se coupait de sa base catholique – la vraie, pas l’équipe de Télérama ! 

Bloqué  à gauche,   Bayrou  avait encore, pour percer,   la solution d’aller droit  au peuple  sur de sujets qui n’étaient encore investis par aucun des extrêmes. Il l’a tenté une fois, mollement, en promouvant le made in France. Ce fut  à peu  près tout. Hélas pour lui, il  n’eut  pas l’occasion, comme en 2007 d’administrer  une  claque à un  jeune effronté  ce qui n’avait  pas peu contribué, on s’en souvient, à  sa percée populaire.   Le reste de ses propositions n’avait pas de  quoi emballer l’électeur : retour à la proportionnelle, non-cumul des mandats, prise en compte du vote blanc,  équilibre budgétaire au prix d’un alourdissement des impôts, des propos raisonnables sur l’éducation nationale mais qui ne pouvaient susciter l’enthousiasme. Même sans empiéter sur les plates-bandes du Front national , les sujets pourtant ne manquaient  pour aller au devant du sentiment populaire , notamment   les mille et une réformes  qui désespèrent les Français :  démantèlement des services  publics, abandon de la politique d’aménagement du territoire, désordre des politiques sociales,  pénurie de logement, intercommunalité  désordonnée,  escalade normative  etc.

François Bayrou est resté prisonnier de ce qui caractérise désormais, plus que tout,  le centre : non plus l’idéologie démocrate-chrétienne, à bout de souffle,   mais la proximité avec la technocratie. Camdessus, Peyrelevade, une partie des « Gracques »  trouvent Bayrou très bien : c’est déjà  mauvais signe. Car c’est de ces ceux-là  que viennent , sur fond d’  européisme intégriste , à peu  près toutes ces  réformes que nous venons d’évoquer et qui  sont  si mal reçues des  Français,  y compris celles  que l’on a imputé à tort à Nicolas Sarkozy comme l’introduction des méthodes  managériales  dans le secteur public et  la mesure généralisée de la  performance qui va avec.

 

L’attentat  de Montauban  

 

La rupture de Bayrou avec la droite fut  consommée avec  l’attentat    de Montauban.  Pointant immédiatement un doigt  accusateur vers Le Pen et Sarkozy,  il  péchait non seulement  contre la  vertu de prudence mais aussi contre celle  de justice,  car on ne savait encore rien du meurtrier. C’était ensuite  une grave erreur sociologique. Il y a certes en France quelques  allumés  d’extrême-droite : depuis trente ans c’est eux que l’on accuse en premier,  comme les Juifs au Moyen-Age, avant de devoir généralement  se   raviser. Mais c’est bien mal connaître la psychologie de ces gens-là (fort peu nombreux au demeurant)  que d’imaginer qu’ils pourraient tirer  sur un soldat français, quelle que soit la couleur de sa peau. Gageons que dans leur piaule trône un képi blanc !   Le  racisme français s’est toujours arrêté  aux portes  des casernes de la  Légion !  

Mais Bayrou commettait aussi une erreur politique : même si la droite n’est pas l’extrême droite,  une partie   ressent mal, qu’on le veuille ou non, les attaques véhémentes dont  celle-ci fait l’objet,  comme beaucoup d’électeurs de la gauche modérée ressentaient  mal  autrefois ce que Georges Marchais appelait l’ « anticommunisme primaire ». En faisant du Front national  (et indirectement  de  Sarkozy)  sa  cible privilégiée, Bayrou avait, certes,  la satisfaction de jouer au progressiste  mais il se coupait   de l’électorat qui seul pouvait lui permettre d’accéder au second  tour : on ne convainc pas les gens de  droite, même modérés,  avec des arguments  de gauche !    L’idée, propagée par les médias, qu’à côté de la « droite glauque », existerait une  « droite républicaine » partageant avec la gauche l’horreur du FN   est largement  illusoire. Il  y a certes  des politiciens de la droite classique qui prennent cette posture, à la fois parce que  Le Pen chasse sur  leurs terres (si mal gardées !) et qu’  ils veulent continuer d’être invités par les médias.    Mais  la grande majorité de l’électorat modéré, sans vouloir nécessairement que Marine Le Pen vienne au pouvoir, ne sympathise pas du tout, au contraire,  avec les campagnes  supposées  antiracistes  menées contre elle. Le durcissement  des attaques contre le FN en fin de campagne a sans doute  contribué à  la remontée de Sarkozy ! On pourrait même aller plus loin :    combien de retraités de l‘EDF ou de La Poste,  qui votent   socialiste par habitude,  s’inquiètent    en privé davantage   de l’immigration ou de  l’insécurité que  de leurs avantages acquis?

La droitisation de l’opinion (qui rend d’autant plus paradoxal un basculement à  gauche du gouvernement ! ) , le passage  au parti socialiste  de ce qui reste de la démocratie chrétienne ( l’Ouest, incarné par le nouveau premier ministre, formé au MRJC , comme les Pyrénées atlantiques,  est en passe de devenir un  fief socialiste ) :  tout cela  laisse peu de place au centre tel qu’on l’avait connu autrefois. Quant à la vingtaine de centristes qui demeurent au sein de l’UMP autour de Borloo, il est vraisemblable que, plus que jamais, ils ne seront que des figurants.

Il est  significatif que , dans le naufrage du MODEM , les seuls survivants soient  les deux représentants de  ce qu’on pourrait  appeler, sans que  cela ait pour  nous rien de péjoratif , le populisme du centre ; Philipe Folliot et  Jean Lassalle , le premier ancien du RPF de Pasqua, le second  défenseur intraitable de son terroir  pyrénéen, crypto-souverainistes l’un et l’autre (ce qui est tout de même  un comble pour les deux  rescapés  du courant démocrate-chrétien !)   Ils furent tenus aux marges de la campagne de Bayrou, plus  inspirée  par les  inspecteurs des finances des Gracques et conduite par    l’entourage parisien   de Marielle de Sarnez ; on les assimilait  sans doute à ces groupes  folkloriques, à ces « bandas »,  chargés de donner de la couleur et de chauffer la salle  dans   les meetings.  Bref, on ne les prenait pas au sérieux.  A  tort.  Bayrou  n’en serait pas où il en est s’il avait   un peu plus écouté Lassalle et  un peu  moins Peyrelevade.

 

Roland HUREAUX

 

 

Club de hauts technocrates situés à gauche et au centre-gauche

Le premier de ce genre fut l’attentat de la rue Copernic (1980) auquel Giscard d’Estaing doit largement son échec. Il suscita une mobilisation massive de la gauche contre le retour du fascisme  alors que l’auteur s’est avéré ultérieurement être un palestinien. La profanation du cimetière de Carpentras vient, lui de l’extrême-droite, mais pas  du FN.

Mouvement rural de la jeunesse chrétienne

Dont le premier acte, jeune élu à l’Assemblée nationale, fut de demander le rétablissement du privilège des bouilleurs de cru.

Au point de faire une grève de la faim retentissante en pleine Assemblée nationale contre le déménagement d’une usine de sa circonscription 

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:19

 Paru dans Marianne2      

 

Il n’est pas nécessaire d’être un partisan du régime du président Assad, mais simplement un observateur aimant la vérité pour être perplexe devant les récits d’atrocités liées à ce qu’il faut bien appeler la  guerre civile de  Syrie.

Le nombre total de victimes : 10 000, 20 000 ? est très  incertain, comme il advient d’ailleurs dans  toutes les tragédies de ce genre où bienheureux est l’observateur ou l’historien qui peut déjà  avoir une idée du nombre de zéros.

L’autre question est de savoir qui est responsable de ces massacres ? Dès lors qu’il y a deux camps disposant d’armements létaux, on peut supposer, comme dans toutes les guerres,  que le bilan est partagé, sans doute inégalement mais partagé quand même, surtout si certains adversaires d’Assad se réclament d’Al Qaida, qui ne passe pas pour une organisation humanitaire.

Mais dès lors que sont annoncées  des atrocités, la presse « occidentale », c’est-à-dire  les journaux papiers à grand tirage et les grands médias audiovisuels (internet est à mettre à part) est quasi-unanime à en imputer immédiatement la responsabilité au régime.  Tel fut le cas de la récente tuerie  de Houla (108 mots dont 49 enfants, dit-on : mais qui a lancé ces chiffres si précis et qui peut les certifier ?) La presse occidentale a immédiatement accusé les forces du régime d’Assad  alors même que cette ville était, semble-t-il,  contrôlée par l’opposition.   Les pays occidentaux et arabes   ont aussitôt renvoyé les ambassadeurs de Syrie en  représailles contre le pouvoir en place. Or les informations reçues depuis renforcent l’hypothèse que  la responsabilité de ce massacre pourrait  plutôt  revenir  aux opposants (si tant est que tous les cadavres exposés aient été récoltés sur le champ de bataille  et non sortis de la morgue comme ce fut le cas à Timisoara). Les mêmes doutes existent pour la plupart des incidents les plus médiatisés de ces dernières semaines.

On relève par ailleurs que la principale source des organes de presse occidentaux, le prétendu Observatoire syrien des droits de l'homme, se résume à un homme, Rami Abdulrahman, opposant exilé depuis longtemps résidant  à Coventry. Quand on  annonce début juin 55 morts à Al Koubeir, 87 morts à Hama, il est  à l’origine de l’information.

En formulant ces observations, nous ne disons  ni que le régime d’Assad soit innocent, ni même qu’il ne  porte pas la part la plus lourde des responsabilités des massacres.  Mais qu’il en porte la  responsabilité exclusive, que chaque fois qu’une atrocité est connue, il faille systématiquement la lui imputer est pour le moins peu vraisemblable.

D’autant  que les vingt-cinq  dernières années ont vu se multiplier, sur le thème humanitaire, des opérations de manipulation de l’opinion  internationale de grande ampleur, chaque fois menées  avec le plus parfait professionnalisme : Timisoara, le Kosovo, les prétendues armes de destruction massive de l’Irak, le Rwanda (où certes l’opinion internationale a été informée des massacres mais pas de tous, ni même des plus graves). Admettons que la menace que le régime de Kadhafi faisait planer  sur une partie de ses compatriotes ait été bien réelle  et  pouvait justifier une intervention, il reste que  les dégâts causés par celle-ci  -   150 000 victimes, selon certaines sources -  ne sont pas encore connus.

Si l’on tente d’y  voir clair dans les mécanismes médiatiques à l’œuvre dans ces affaires, on pourrait les ramener à deux ressorts  sociologiques simples touchant les journalistes de profession, spécialement les plus jeunes : le premier est  la déformation moralisante  qui les pousse à chercher dans toute situation nécessairement complexe des bons et des méchants. Cette approche présente pour eux  plusieurs avantages : elle permet de comprendre vite ( ou d’avoir l’impression de comprendre) une situation compliquée ; elle  fait de chaque journaliste un missionnaire ou un justicier, non seulement rapporteur  de faits mais  agent  du bien et, ce faisant,  elle coïncide assez avec la psychologie de grand adolescent idéaliste qui est souvent celle du   correspondant de guerre ;   enfin, il est bien connu que présenter les choses, que ce soit dans un article ou dans un livre,  en blanc et noir, à  la manière d’un western,  attise l’attention du public , là où une  présentation toute en nuances  pourrait l’ennuyer.

Le second ressort est que le traitement particulier  dont bénéficie la profession  (existence de services de presse, de correspondants attitrés, d’hôtels réservés pas trop loin du front, conférences de presse) fait que les journalistes, de quelque pays qu’ils viennent et de quelque bord qu’ils soient,  vivent ensemble et que celui qui débarque sans savoir où sont les bons et les méchants le demandera aux autres et  aura  vite fait de se rallier  à l’opinion commune.

Manichéisme et grégarité semblent ainsi  les deux mamelles de l’information  de guerre.

Et si  les  mécanismes de travestissement des faits que nous venons de décrire  sont mis en place, l’enquête de terrain est à peine nécessaire : si on apprend qu’à tel endroit un massacre a été commis, il n’est plus nécessaire d’investiguer pour savoir qui en est responsable : ce ne peut être que le camp du  méchant. Le  correspondant de  presse qui se fonde sur   une idéologie manichéenne et  l’unanimité de sa corporation, n’a plus besoin de faits, il  peut se contenter de ce que Kant appelait  les  jugements synthétiques à priori.

Outre qu’elle déforme la vérité, on voit au passage à quel point une telle attitude est potentiellement criminelle. Prenons le cas de la Syrie : les opposants au régime de Assad, qui ne sont pas nés de la dernière pluie et possèdent à fond ces mécanismes, ont intérêt aujourd’hui  à perpétrer le maximum d’atrocités : puisque celles-ci  seront mises sans examen  sur le compte de leur adversaire, chacune d’elle sera une victoire psychologique de plus.

 

Toujours du côté des Etats-Unis

 

On pourrait arrêter là l’analyse et se contenter de mettre en cause  la sociologie d’une profession particulière. Ce serait un peu court.   Car, il faut bien le dire, ce mécanisme ne marche pas dans n’importe quel sens : il  joue aujourd’hui  toujours contre l’Etat, le régime ou la faction opposés aux  Etats-Unis ( sauf peut-être pour ce qui touche à la Palestine) .  L’Arabie saoudite, les émirats du Golfe sont tout sauf des Etats démocratiques : des femmes y sont lapidées régulièrement, les élections n’y sont pas truquées puisque il n’y en a pas, les tentatives de révolte y  sont réprimées dans le sang. Mais ce sont des alliés des États-Unis et si des faits de ce genre  sont à l’occasion rapportés, ils font au total peu de bruit, passant davantage pour des accidents de parcours  que pour l’expression de régimes  criminels.

Ce caractère unilatéral ne se résume donc pas à une simple donnée sociologique endogène aux milieux de l ‘information. L’information est devenue une arme de guerre. Et comme telle, elle fait appel aux techniques les plus sophistiquées : elle se trouve manipulée par des gens qui en possèdent tous les ressorts et jouent sans doute comme sur du velours sur la naïveté et l’idéalisme de jeunes journalistes. Le paradoxe est que la plupart de ces correspondants de presse sont orientés à gauche, c’est-à-dire que, pris un à un, ils  sont sans doute opposés à la suprématie américaine, critiques de la finance internationale qui la sous-tend, de la prison de Guantanamo ou de l’utilisation abusive de drones etc. Qu’ils  en arrivent à être de manière à peu près systématique les fantassins de la guerre médiatique menée par la grande puissance en dit long sur  la sophistication des mécanismes à l’œuvre. Sous réserve d’une étude approfondie du sujet qui ne pourra généralement  se faire qu’avec le recul de plusieurs années, voire dizaines d’années, quand tel ou tel  régime est  présenté comme le plus odieux de la terre, on n’est certain que d’une chose : il déplaît à la puissance dominante.

 

Roland HUREAUX  

 

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