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Roland HUREAUX

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:17

Paru dans Marianne 2

 

Même sans éprouver une  sympathie particulière pour le chef centriste, beaucoup ont été choqués par  le traitement que   le parti socialiste a réservé à François Bayrou. Après la position risquée que ce dernier avait prise en appelant  à voter   Hollande au second tour de la présidentielle,  il s’est vu confronté au maintien du candidat socialiste, ce qui lui a fait perdre son siège de député.

Affaire différente à bien des égards mais qu’on peut traiter dans la même rubrique : le complot socialiste (soutenu par une partie de la droite locale) pour abattre Ségolène Royal à La Rochelle. Ce n’est pas seulement le tweet bien mal venu  de la maîtresse du président  qui se trouve en cause. C’est aussi l’acharnement d’une partie de l’appareil à son encontre. Ceux qui dans le tout –Paris ne suivaient pas l’affaire de près furent persuadés (par qui ?) que Ségolène Royal  prenait son siège à Falorni, supposé député sortant,  alors que le sortant était quelqu’un d’autre. Une lettre de soutien sans équivoque a été adressée par le président de la République à son ancienne compagne mais peut-on exclure le partage des rôles entre Monsieur Hollande et Madame Trierweiler ?

On a mis tout cela sur le dos de Martine Aubry qui doit l’avoir bon. Mais, de fait,   c’est tout le  parti qui est impliqué.

Et comment peut-on imaginer que le  nouveau chef de l’Etat n’arrive pas à  faire élire la mère de ses quatre enfants, laquelle  demeure, même s’il n’y eut pas légalisation, la plus légitime de ses femmes ?

A Pau comme à La Rochelle, le  résultat est le même: la mise  à l’écart du débat de deux anciens  candidats à la présidence de la République, personnalités  dont  l’originalité ressort de   la grisaille croissante du milieu politique.

A ces deux cas, on pourrait ajouter celui d’Hénin-Beaumont où l’acharnement du PS  contre Mélenchon laisse supposer qu’il n’avait personne d’autre à combattre dans cette  circonscription !

Dans les trois cas, ce  sont des  hommes du parti, et de rien d’autre,  d’obscurs apparatchiks,  qui voulaient la place et qui l’ont eue.  

Des  affaires qui ne sont pas à la gloire de ce parti.

 

 

A nous toutes les places

 

Mais il faut aller au-delà. Quand la droite est au pouvoir, il est  permis à tout homme réputé de gauche d’espérer exercer une fonction officielle : sous Sarkozy,  le ministre des affaires étrangères, le haut-commissaire aux solidarités actives, le premier président  de la Cour des Comptes, le directeur de France Inter, nommés par Sarkozy, venaient de  de la gauche. Les inspirateurs principaux de la politique de Sarkozy s’appelèrent Jacques Attali, Bernard-Henri Lévy, Jean-Pierre Jouyet, Richard Descoings etc.  Certains,   suprême élégance, se rallièrent  à François Hollande quelques semaines avant la présidentielle !

Rien de tel quand la gauche est au pouvoir. Les hommes tant soit peu étiquetés à droite dans la haute fonction publique le savent : ils n’ont rien, absolument rien,  à espérer pour cinq ans. En 2012, comme en 1981 et en 1997 (sous réserve dans ce dernier cas de la cohabitation), le mort d’ordre de la gauche est simple : à nous toutes les places,  tout de suite.  Ne font exception que les corps où les gens de gauche sont trop  peu nombreux : préfets, généraux : certains d’entre eux, quelles que   soient leurs opinions intimes font cependant allégeance  aux réseaux de gauche et cela seul importe.

A gauche, plus qu’à droite,  c’est bien connu, on se soutient et, pour cette raison, on  y fait plus  facilement  carrière.   Rassurons-nous : il n’y aura pas de mouvement des députés  socialistes de  base, excédés par trop de  nominations d’ouverture, comme il y en eut à l’UMP en 2008,  pour la bonne raison que de telles nominations, il  n’y en aura pas.

Cette  dissymétrie est bien connue des gens du sérail mais mal connue du grand public. Au moins pour cette raison, on ne peut pas tenir la droite et la gauche pour équivalentes.

Pour l’expliquer, il  faut, bien sûr, faire la part du fait que,  pour  la gauche,    la politique est un substitut  de la religion (les hommes de gauche n’en ayant généralement pas !). Il y a pour eux les bons et les  mauvais et, au fond de l’esprit de tout militant de gauche, subsiste la conviction que tout homme de droite est quelque part un salaud, pour utiliser le vocable hautement philosophique  de Jean-Paul Sartre.  Lui faire   cadeau de la moindre miette de pouvoir ne serait pas seulement une faute politique, ce serait une mauvaise action ! 

L’affaire Strauss-Kahn n’a rien changé : peu de gens de gauche qui ne soient persuadés de la supériorité morale de leur camp  (puisque il est supposé être celui des pauvres, ce qui compte encore dans un climat de post-christianisme abâtardi !). Ne font exception que quelques   cyniques  de haut vol,  dont la fréquentation est, il faut bien le dire,  plus agréable pour les gens de droite que celle de la base : François Mitterrand était sans doute de ceux-là. Lionel Jospin, sûrement pas. François Hollande ? On se le demande.

Autre raison  de cette attitude : la gauche étant supposée  venir davantage que  la droite  des classes populaires, elle a une revanche à prendre à la mesure de son handicap de départ. Inutile de dire ce que peut valoir encore un tel argument quand le tiers du gouvernement, comme  c’est le cas aujourd’hui, est familier des clubs les plus sélects de la capitale !

Mais permettons nous de penser aussi  que dans le sectarisme propre à la gauche (et qui est encore pire à la gauche de la gauche),  il n’y a pas seulement le sentiment d’une supériorité morale ou d’une revanche à prendre, il y a    tout simplement une approche vulgaire du pouvoir, la même qui s’est exprimée à Pau et à La Rochelle : le pouvoir  est grand fromage  dont il faut  profiter tout de suite : vite, vite, jouissons en pleinement  et sans partage !   

 

Roland HUREAUX

 

Assurément, la préférence pour la médiocrité existe aussi à droite. Il faudrait  étudier combien elle a joué aux  élections.

Il faut traiter à part la présidence de la commission des finances des assemblées : c’est la révision constitutionnelle de Sarkozy qui prévoit qu’elle va, de droit, à l’opposition.

Une opinion à réviser quand on compare l’origine sociale des principaux leaders de la gauche et de la  droite au cours des trente dernières années.

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:14

 

Paru dans Marianne 2 

 

« Criminelle », rien de moins : c’est ainsi que Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, qualifie la politique actuelle de l’Europe visant à  sauver l’euro et basée sur toujours plus de rigueur : politique d’Angela Merkel  comme de François Hollande, malgré les  velléités de politique de  croissance  de ce dernier,  politique de   Draghi, de  van Rompouy et de  Barroso.

Le raisonnement est clair : les politiques menées par  l’Europe et particulièrement celles qui sont imposées aux pays fables ne peuvent qu’entraîner l’Europe dans la récession :   « Les conséquences de cette précipitation de l’Europe vers l'austérité seront durables et probablement sévères. Si l'euro survit, ce sera au prix d'un chômage élevé et d’une énorme souffrance, notamment dans les pays en crise. »

Il ajoute que « la souffrance que l’Europe, notamment celle des jeunes et des pauvres, est en train de subir, n'est pas nécessaire ».  « C'est ainsi que le plus grand atout d'une société, son capital humain, est en train d'être gaspillé voire anéanti. ». « Il n'est aucun exemple d'une grande économie – et celle d’Europe est la plus grande au monde – qui se redresse grâce à l'austérité. »

C’est ainsi que l’illustre économiste va jusqu’à  dire que « l'obstination de ses dirigeants dans l'ignorance des leçons du passé est criminelle. »’

De quelles leçons du passé parle-t-il ? Celle  des années trente  évidemment : voulant à tout prix sauver le mark, l’Allemagne  s’engagea  à partir de 1930 dans une politique de déflation qui aggrava le chômage et conduisit où on sait. Contrairement à ce qu’on croit, l’euro  n’est  pas  aujourd’hui  ce  qui sauve la  paix en Europe ; bien  au contraire,  la volonté de le sauver à tout prix   la met en péril.

Paul Krugman, autre Prix Nobel , est à peine plus modéré. Pour lui, la relance de la croissance en Europe est urgente. Elle passe par un minimum d’inflation, surtout en Allemagne et non une austérité renforcée. A la question « Que pensez-vous des programmes de croissance qui sont actuellement débattus au sein de la zone euro ? », il répond : « c’est  un pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge. Ce sont des choses ridicules et insignifiantes ». François Hollande appréciera.

 

L’Europe, trou noir du monde

 

Ce n’est pas seulement Stiglitz et Krugman qui  regardent avec un œil  sévère et angoissé  les politiques européennes. C’est le monde entier.

Le cycle fou dans lequel   l’Europe s’engage : déficit, rigueur, récession, encore plus de déficits, préoccupe le reste de la planète.

Le continent européen  représente le premier marché mondial. La récession dans le vieux continent signifierait la baisse des ventes pour  le reste du monde : déjà l’économie chinoise est au point mort ;  Obama,  inquiet pour  sa réélection,  voit avec  appréhension la récession européenne annihiler ses efforts de relance.

L’Europe est analogue au trou noir de la cosmologie : s’effondrant  sur lui-même, l’astre vieillissant,  dans son cataclysme, aspire tout ce qui se trouve à proximité.

Y a-t-il d’autre solution à ce cycle infernal que la fin de l’expérience de l’euro ? Paul Krugman, qui ne veut sans doute pas désespérer ses interlocuteurs en propose une :    que l’Allemagne relance l’inflation chez elle. Le comportement de Mme Merkel montre qu’on en est loin.  Toute l’histoire de l’Allemagne contemporaine montre qu’attendre une politique inflationniste  de ce pays  est totalement irréaliste.

On ne change pas en un tournemain la psychologie des peuples. Si l’euro est en train d’échouer sous nos  yeux, c’est précisément parce que le facteur  psychologique a été mis entre parenthèses. Avec une incroyable légèreté, on a cru que la mise en commun de la monnaie allait effacer en cinq ou dix ans  les  particularités nationales.  C’est même le contraire qui s’est passé : comme l’application d’un exposant en arithmétique, l’euro a  aggravé les divergences !  Un projet fondé sur l’ignorance des réalités, cela  s’appelle une utopie. La plupart se sont avérées, d’une manière ou d’une autre,  criminelles. C’est précisément ce que  Joseph Stiglitz dit de l’euro. C’est pourquoi il est   urgent de mettre un terme à l’expérience.

Roland HUREAUX

 

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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 18:24

Pour  être large, la majorité socialiste qui vient d’être élue n’échappe pas à l’énorme  paradoxe de l’élection présidentielle : c’est en raison  d’un glissement de l’opinion vers la droite que, par un choc en retour  dont la mécanique électorale a le secret, le pays se retrouve entièrement livré à une majorité de gauche ! 

Ce glissement s’est  exprimé au premier tour de l’élection présidentielle à la fois par un certain progrès  du vote de droite ( UMP, FN et autres)  d’environ 2 %, sa radicalisation ( montée du FN de 7,5 %  alors que celle de l’extrême-gauche  ne  fut que de 3,7 %),  et au second tour par le fait que les 2,1 millions de votes blancs dépassent largement l ’écart entre les deux candidats. Or ce que cet électorat, dans sa grande majorité,   a  reproché à Sarkozy,  dont le rejet est la cause de ce paradoxe,  ce n’est   pas sa droitisation, au contraire.

A l’élection législative,  deux signaux forts confirment cette évolution : l’effondrement du centre et l’élection, sans précédent dans ce type d’élection,  de deux députés du Front national.

La situation politique paradoxale où se trouve désormais la France  est aggravée du fait que cette droitisation ne s’est nullement faite  sur des thèmes économiques et sociaux, mais sur les questions  identitaires : principalement sur la place de l’immigration, et tout ce qui tourne autour : le drapeau, l’école, et aussi l’ordre public,  accessoirement sur différents thèmes sociétaux  - qui motivent  peu de gens mais les motivent  très fort.  Or, contrairement à ce qu’ont longtemps enseigné les marxistes  - et aujourd’hui les  libéraux qui clament   la péremption des frontières –, le sens de l’identité demeure une motivation essentielle au point d’être le principal ressort des guerres civiles.

Que malgré une  avance en voix  somme toute   faible,  François Hollande dispose d’une majorité absolue est bien sûr l’effet  de la logique présidentielle : l’opinion  refuse rarement une majorité à un nouveau président, logique renforcée par le quinquennat. La manque évident de pugnacité d’une  UMP qui a paru résignée à l’avance  à la défaite, la fatigue d’un électorat démobilisé, qui s’est exprimée par une abstention  sans précédent,  ont fait  le reste.

Virage à droite de l’opinion, basculement à gauche du gouvernement, ce paradoxe est profondément déstabilisateur, d’autant que la  gauche ne contrôle pas seulement l’Assemblée nationale mais aussi le Sénat, 20 régions métropolitaines sur 21, la majorité des départements et des grandes villes et continuera  sans doute de bénéficier quelque temps de la sympathie de la plus grande partie des médias.

 

Sans vouloir forcer la comparaison, le  décalage entre des résultats électoraux paradoxaux et l’état réel de l’opinion, c’est ce qui s’était observé dans l’Espagne de  1936 ou le Chili de  1970 ! 

La crise de l‘euro – dont François Hollande n’envisage apparemment pas  le possible délitement, la politique économique à contresens dans laquelle il s’engage  : augmentation des impôts dans un pays qui est déjà le plus imposé du monde, alourdissement des charges des entreprises, suppression de la TVA sociale, avancement de l’âge de la retraite, tous les éléments d’une crise grave  sont en place.

Les remous provoqués par le tweet de la maîtresse du président ne sont pas seulement l’effet d’une insigne maladresse mais la marque du déficit de légitimité du président : tout le monde l’ attendait au tournant et il  commence par  un couac.

Le dédain  avec laquelle Mme Merkel repousse en bloc ses propositions a le même sens.

Dans ce décalage sans précédent  entre le gouvernement et l’opinion, il ne servirait  à rien de mettre en cause les institutions : il n’y en est pas de  parfaites. C’est aux hommes qui en  bénéficient de savoir se remettre en cause pour éviter une grave rupture. Par une réaction de l’opinion aux turbulences de mai 68,  l’UDR obtint  une ample majorité en 1968. Pompidou comprit que cette majorité de circonstance ne reflétait pas l’état réel du pays : on eut la nouvelle société de Chaban-Delmas. Vainqueur d’une courte tête, Giscard  fit largement une politique de gauche – sans doute à l’excès. Mitterrand comprit en 1981 que son succès  ne lui donnait pas mandat d’appliquer tout le programme commun de la gauche, véritable antichambre du communisme.   

François Hollande  qui concentre dans sa main plus de pouvoirs qu’aucun de ses prédécesseurs a toutes les cartes en main.  Comprendra-t-il qu’il lui faut résolument tourner le dos à une partie de ses promesses, notamment celles qui divisent le plus les Français comme le droit de vote aux immigrés,  ou le mariage (et surtout l’adoption)  homosexuels, et  revenir à plus de réalisme en matière économique, de sécurité et d’immigration ? Ou bien ne sera-t-il  qu’un    besogneux apparatchik soucieux, comme il nous l’a annoncé,  d’appliquer scrupuleusement, au mépris du souhait profond des Français,  tout son programme ? Dans ce cas le pire est à craindre.

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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 01:10

Il n’est pas nécessaire d’être un partisan du régime du président Assad, mais simplement un observateur aimant la vérité pour être perplexe devant les récits d’atrocités liées à ce qu’il faut bien appeler la  guerre civile de  Syrie.

Le nombre total de victimes : 10 000, 20 000 ? est très  incertain, comme il advient d’ailleurs dans  toutes les tragédies de ce genre où bienheureux est l’observateur ou l’historien qui peut déjà  avoir une idée du nombre de zéros.

L’autre question est de savoir qui est responsable de ces massacres ? Dès lors qu’il y a deux camps disposant d’armements létaux, on peut supposer, comme dans toutes les guerres,  que le bilan est partagé, sans doute inégalement mais partagé quand même, surtout si certains adversaires d’Assad se réclament d’Al Qaida, qui ne passe pas pour une organisation humanitaire.

Mais dès lors que sont annoncées  des atrocités, la presse « occidentale », c’est-à-dire  les journaux papiers à grand tirage et les grands médias audiovisuels (internet est à mettre à part) est quasi-unanime à en imputer immédiatement la responsabilité au régime.  Tel fut le cas de la récente tuerie  de Houla (108 mots dont 49 enfants, dit-on : mais qui a lancé ces chiffres si précis et qui peut les certifier ?) La presse occidentale a immédiatement accusé les forces du régime d’Assad  alors même que cette ville était, semble-t-il,  contrôlée par l’opposition.   Les pays occidentaux et arabes   ont aussitôt renvoyé les ambassadeurs de Syrie en  représailles contre le pouvoir en place. Or les informations reçues depuis renforcent l’hypothèse que  la responsabilité de ce massacre pourrait  plutôt  revenir  aux opposants (si tant est que tous les cadavres exposés aient été récoltés sur le champ de bataille  et non sortis de la morgue comme ce fut le cas à Timisoara). Les mêmes doutes existent pour la plupart des incidents les plus médiatisés de ces dernières semaines.

On relève par ailleurs que la principale source des organes de presse occidentaux, le prétendu Observatoire syrien des droits de l'homme, se résume à un homme, Rami Abdulrahman, opposant exilé depuis longtemps résidant  à Coventry. Quand on  annonce début juin 55 morts à Al Koubeir, 87 morts à Hama, il est  à l’origine de l’information.

En formulant ces observations, nous ne disons  ni que le régime d’Assad soit innocent, ni même qu’il ne  porte pas la part la plus lourde des responsabilités des massacres.  Mais qu’il en porte la  responsabilité exclusive, que chaque fois qu’une atrocité est connue, il faille systématiquement la lui imputer est pour le moins peu vraisemblable.

D’autant  que les vingt-cinq  dernières années ont vu se multiplier, sur le thème humanitaire, des opérations de manipulation de l’opinion  internationale de grande ampleur, chaque fois menées  avec le plus parfait professionnalisme : Timisoara, le Kosovo, les prétendues armes de destruction massive de l’Irak, le Rwanda (où certes l’opinion internationale a été informée des massacres mais pas de tous, ni même des plus graves). Admettons que la menace que le régime de Kadhafi faisait planer  sur une partie de ses compatriotes ait été bien réelle  et  pouvait justifier une intervention, il reste que  les dégâts causés par celle-ci  -   150 000 victimes, selon certaines sources -  ne sont pas encore connus.

Si l’on tente d’y  voir clair dans les mécanismes médiatiques à l’œuvre dans ces affaires, on pourrait les ramener à deux ressorts  sociologiques simples touchant les journalistes de profession, spécialement les plus jeunes : le premier est  la déformation moralisante  qui les pousse à chercher dans toute situation nécessairement complexe des bons et des méchants. Cette approche présente pour eux  plusieurs avantages : elle permet de comprendre vite ( ou d’avoir l’impression de comprendre) une situation compliquée ; elle  fait de chaque journaliste un missionnaire ou un justicier, non seulement rapporteur  de faits mais  agent  du bien et, ce faisant,  elle coïncide assez avec la psychologie de grand adolescent idéaliste qui est souvent celle du   correspondant de guerre ;   enfin, il est bien connu que présenter les choses, que ce soit dans un article ou dans un livre,  en blanc et noir, à  la manière d’un western,  attise l’attention du public , là où une  présentation toute en nuances  pourrait l’ennuyer.

Le second ressort est que le traitement particulier  dont bénéficie la profession  (existence de services de presse, de correspondants attitrés, d’hôtels réservés pas trop loin du front, conférences de presse) fait que les journalistes, de quelque pays qu’ils viennent et de quelque bord qu’ils soient,  vivent ensemble et que celui qui débarque sans savoir où sont les bons et les méchants le demandera aux autres et  aura  vite fait de se rallier  à l’opinion commune.

Manichéisme et grégarité semblent ainsi  les deux mamelles de l’information  de guerre.

Et si  les  mécanismes de travestissement des faits que nous venons de décrire  sont mis en place, l’enquête de terrain est à peine nécessaire : si on apprend qu’à tel endroit un massacre a été commis, il n’est plus nécessaire d’investiguer pour savoir qui en est responsable : ce ne peut être que le camp du  méchant. Le  correspondant de  presse qui se fonde sur   une idéologie manichéenne et  l’unanimité de sa corporation, n’a plus besoin de faits, il  peut se contenter de ce que Kant appelait  les  jugements synthétiques à priori.

Outre qu’elle déforme la vérité, on voit au passage à quel point une telle attitude est potentiellement criminelle. Prenons le cas de la Syrie : les opposants au régime de Assad, qui ne sont pas nés de la dernière pluie et possèdent à fond ces mécanismes, ont intérêt aujourd’hui  à perpétrer le maximum d’atrocités : puisque celles-ci  seront mises sans examen  sur le compte de leur adversaire, chacune d’elle sera une victoire psychologique de plus.

 

Toujours du côté des Etats-Unis

 

On pourrait arrêter là l’analyse et se contenter de mettre en cause  la sociologie d’une profession particulière. Ce serait un peu court.   Car, il faut bien le dire, ce mécanisme ne marche pas dans n’importe quel sens : il  joue aujourd’hui  toujours contre l’Etat, le régime ou la faction opposés aux  Etats-Unis ( sauf peut-être pour ce qui touche à la Palestine) .  L’Arabie saoudite, les émirats du Golfe sont tout sauf des Etats démocratiques : des femmes y sont lapidées régulièrement, les élections n’y sont pas truquées puisque il n’y en a pas, les tentatives de révolte y  sont réprimées dans le sang. Mais ce sont des alliés des États-Unis et si des faits de ce genre  sont à l’occasion rapportés, ils font au total peu de bruit, passant davantage pour des accidents de parcours  que pour l’expression de régimes  criminels.

Ce caractère unilatéral ne se résume donc pas à une simple donnée sociologique endogène aux milieux de l ‘information. L’information est devenue une arme de guerre. Et comme telle, elle fait appel aux techniques les plus sophistiquées : elle se trouve manipulée par des gens qui en possèdent tous les ressorts et jouent sans doute comme sur du velours sur la naïveté et l’idéalisme de jeunes journalistes. Le paradoxe est que la plupart de ces correspondants de presse sont orientés à gauche, c’est-à-dire que, pris un à un, ils  sont sans doute opposés à la suprématie américaine, critiques de la finance internationale qui la sous-tend, de la prison de Guantanamo ou de l’utilisation abusive de drones etc. Qu’ils  en arrivent à être de manière à peu près systématique les fantassins de la guerre médiatique menée par la grande puissance en dit long sur  la sophistication des mécanismes à l’œuvre. Sous réserve d’une étude approfondie du sujet qui ne pourra généralement  se faire qu’avec le recul de plusieurs années, voire dizaines d’années, quand tel ou tel  régime est  présenté comme le plus odieux de la terre, on n’est certain que d’une chose : il déplaît à la puissance dominante.

 

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26 juin 2012 2 26 /06 /juin /2012 21:54

L’affaire du message de soutien envoyé au candidat socialiste de La Rochelle dissident par  la maîtresse du nouveau président de la République n’est pas seulement une anecdote.

Mme Valérie Trierweiler n’est pas une compagne « normale ». Elle est toujours mariée officiellement à M.Trierweiller. Elle transgresse donc  les dispositions de l’article 212 du Code civil.  Même si l’adultère a été dépénalisé en 1975, il est toujours tenu pour une faute au regard du droit civil.   Cela hors de toute considération morale ou religieuse.

L’adultère,  dira-t-on, n’est pas chose nouvelle à la tête de l’Etat, en monarchie comme en république. Certes, mais il n’avait jamais eu un statut officiel.  Les maîtresses de Félix Faure entraient et sortaient de l’Elysée par la porte de derrière.

Les  âmes prudes ont fait grief à François Mitterrand de son double ménage. Nous mettons au contraire à son crédit la discrétion dont  il a su l’entourer.  Le  premier président socialiste de la Ve République, à la différence du second avait, il est vrai,  le sens des convenances.

Nicolas Sarkozy est entré marié à l’Elysée ; il y a divorcé mais s’est immédiatement remarié.

Les questions sentimentales, dira-t-on, relèvent de la sphère privée. Peut-être, mais c’est le chef de l’Etat lui-même qui a choisi de donner à Mme Trierweiler une position officielle.  L’institution du mariage  marque d’ailleurs par elle-même  que les relations entre hommes et femmes  intéressent  aussi la collectivité.  Que le   mariage civil  se célèbre   en mairie, et pas seulement chez le notaire comme au temps de Molière,   en marque la particulière solennité.

En s’asseyant sur cette institution fondamentale,  François Hollande montre à quel  point il tient en piètre estime, hors de toute considération morale ou religieuse, la République qu’il est censé incarner. Mais peut-être que  pour  la nouvelle génération de la gauche « bobo », qu’il incarne, le mariage n’intéresse plus que  les homosexuels !  

Face à cette situation hautement blâmable, l’attitude de Ségolène Royal frappe au contraire par sa dignité. Certes, selon la mode soixante-huitarde, elle ne put obtenir que son compagnon  l’épousât. Mais elle reste la seule mère de ses quatre enfants et il est clair qu’elle ne se résigne pas, ce qui est tout à son honneur,  à la situation actuelle.  

De deux choses l’une : en intervenant dans l’élection de la 1e circonscription de la Charente,  Mme Trierweiler a agi en accord avec le président, ce qu’on ne saurait exclure,  et alors le comble de l’infamie est atteint. Ou bien elle l’a fait à son insu et, dans ce cas,   au désordre moral  et civique s’ajoute le désordre politique.   Cette personne qui  se mêle aujourd’hui d’ une élection locale intéressant de près  le chef de l’Etat , se désolidarisera-t-elle demain  de lui dans une négociation internationale ?

Tout aussi choquante  nous paraît   l’attitude de la droite locale, dont certains  poids lourds (dans tous les sens du terme ! ) ont cru bon d’appeler à faire battre Ségolène Royal.

La présidente de la région Poitou-Charentes, promise , si elle est élue, à la présidence de l’Assemblée nationale  (ce qui gêne sans doute François Hollande) , nous paraît pourtant mériter plus de considération  de la part de l’électorat modéré.  La partie de la droite attachée aux valeurs devrait en particulier lui être reconnaissante d’avoir été une des rares    socialistes  à ne pas voter une   récente proposition de loi en faveur de  de l’euthanasie. C’est peut-être  aussi cela qu’on lui reproche.

 

 Roland HUREAUX

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 21:51

Ceux qui vont répétant que l’héritage laïque propre à la France y serait un handicap particulier pour la religion chrétienne feraient bien de méditer ce qui est en train de se passer  au Royaume-Uni  en matière de liberté religieuse.

Nadia Eweida, une chrétienne copte salariée de British Airways, avait été licenciée  en 2006 pour avoir refusé d’enlever la petite croix qui, selon ses employeurs, ne correspondait pas à l’uniforme réglementaire de la compagnie. Mme Chaplin, une femme originaire d’Exeter, s’était  vu interdire, quant à elle, le droit de travailler comme  infirmière dans un établissement hospitalier public   pour  avoir refusé de cacher la croix qu’elle portait au bout d’une chaînette. Cette décision eut  pour effet de mettre fin à sa carrière longue de 31 ans.

Déboutées  par  les tribunaux du Royaume-Uni, devant lesquels les employeurs avaient reçu l’appui de la Ligue nationale  laïque (National secular society) ,  les deux femmes ont porté le litige devant la Cour de Strasbourg en se fondant sur les dispositions de l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, selon lesquelles : « Tout un chacun jouit de la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit inclut la liberté de changer sa religion ou sa croyance, et la liberté de manifester, seul ou en commun avec d’autres en public ou en privé, de manifester sa religion ou sa croyance, dans le culte, l’enseignement, la pratique et l’observation. »

Loin de rester neutre, le gouvernement britannique défend la position des employeurs devant la Cour européenne. Il excipe du fait que le port d’une croix n’est pas obligatoire dans la religion chrétienne.  Il y a environ trente-cinq ans, les chauffeurs sikhs des autobus de Londres avaient obtenu, eux,  le droit de porter le turban en lieu et place de la casquette réglementaire parce que  pour un sikh, le turban et la barbe sont obligatoires. De même le voile pour certaines musulmanes.

On voit cependant combien cette position est fragile : elle donne le sentiment qu’ au Royaume-Uni, l’expression de toutes les religions  est permise sauf celle de  la religion chrétienne.

Le Royaume–Uni ? Officiellement une monarchie de droit  divin où la religion catholique (les anglicans se disent catholiques) est religion d’Etat ! Le titre officiel d’Elisabeth II est « par la grâce de Dieu, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la foi »

Quelque Mélenchon serait-il au pouvoir outre-Manche ? Point du tout : le gouvernement dont il s’agit est  dirigé par   David Cameron, chef du parti conservateur, le parti des traditions britanniques.

On voit toute la différence avec la République d’Italie    : dans celle-ci, l’Etat était aussi récemment partie à une instance devant la Cour européenne des droits de l’homme mais c’était pour  défendre les crucifix dans les lieux publics, pas pour les interdire aux personnes privées.

Le même gouvernement britannique conservateur se propose de rendre légal prochainement le mariage homosexuel. Comme en France, un partenariat civil existe : une employée de  la Ville de Londres a perdu récemment son emploi   pour avoir refusé de l’organiser.

Que les  conservateurs aient formé une coalition  avec les libéraux-démocrates qui défendent les thèses libertaires ne saurait constituer une excuse. Pas davantage,   le fait que   les évêques anglicans et catholiques aient protesté contre le gouvernement ou  que British Airways ait assoupli son règlement pour pouvoir réintégrer Nadia Eweida (mais sans compenser les deux années de salaire qu’elle a perdues ) ne saurait tenir lieu de consolation.

Le statut officiel des Etats n’y fait rien : c’est toute l’Europe  qui a mal à  ses racines chrétiennes.  Au moins l’Europe occidentale, car  les pays de l’Est et la Russie, sortant de dizaines d’années de persécutions communistes   se refusent à suivre la même direction : ils ne reconnaissent que trop bien  un air de familiarité entre ce qui se passe à l’Ouest aujourd’hui et ce qui se passait chez eux  hier. 

 

Roland HUREAUX

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 23:00

C’est dans une ambiance irréelle,  celle qui accompagne d’habitude le festival de Cannes,  que se déroule la campagne pour les législatives. L’opinion est fatiguée et ne suit que de loin. Sans doute beaucoup de ceux qui étaient allés voter aux présidentielles s’abstiendront-ils.

L’UMP, devenue l’opposition,  a  poussé ses candidats  à faire des campagnes localistes  pour profiter de l’enracinement des députés sortants,  en évitant les thèmes nationaux, comme si la droite avait été désavouée lors de l’élection présidentielle : or ce n’est pas la droite  qui l’a été, c’est Sarkozy.

Pas de souffle : l’UMP n’a présenté aucun programme nouveau   pour nous dire ce qu'elle ferait en cas de cohabitation. Il a été encore moins question de changer le  nom du parti  comme l’a fait le MODEM.

On ne dira jamais assez combien de mal ont fait Chirac et Jospin en instaurant le quinquennat : l’élection des députés, moment emblématique de la république parlementaire,  se trouve vidé de sa substance et de son intérêt par la coïncidence avec l’élection présidentielle. La pente naturelle des électeurs est de ratifier, plus ou moins mollement, très mollement cette fois, le choix présidentiel, sans considération de la personnalité de candidats ou de leurs projets. C’est pourquoi, dans cette atmosphère alanguie, les sondages donnent la  gauche gagnante.

 

 

Un président de gauche, une opinion à droite

 

Et pourtant cette « drôle de guerre »  se joue au bord du gouffre.

Nous ne parlons pas des affaires internationales où,  sur des sujets essentiels comme le sauvetage de l’euro ou la Syrie, Hollande et Sarkozy ont exactement les mêmes positions.

Nous parlons des affaires intérieures. Sur ce terrain,  personne ne  vient rappeler le paradoxe énorme de la présidentielle : un président de gauche élu à la suite d’un mouvement de l’opinion vers la droite : à la fois par un certain progrès   du  vote de droite ( UMP, FN et autres) au premier tour de la présidentielle (environ 2 %), sa radicalisation ( montée du FN de 7,5 % ) et le fait que les 2,1 millions de votes blancs du second tour, venus pour la plupart de la droite, dépassent largement l ’écart entre les deux candidats.

Un paradoxe aggravé du fait que cette droitisation ne s’est nullement faite  sur des thèmes économiques et sociaux ( sottement brandis par l’UMP comme si nous étions encore au temps du programme commun de la gauche !) mais sur les questions  identitaires : principalement sur la place de l’immigration, et tout ce qui tourne autour : le drapeau, l’école, et aussi l’ordre public,  accessoirement sur différents thèmes sociétaux  - qui motivent  peu de gens mais les motivent  très fort. 

Or, contrairement à ce qu’ont longtemps enseigné les marxistes  - et aujourd’hui les  libéraux clamant  la péremption des frontières – , le sens de l’identité est le moteur principal de l’histoire et le principal aliment des guerres civiles. En mettant en avant le rôle des nations, le général de Gaulle ne pensait pas autre chose.

C’est dire  combien serait périlleux qu’à rebours  de l'évolution de l’opinion, la France se trouve livrée pour cinq années  à un parti allant à l’encontre de l’ aspiration identitaire et  contrôlant, outre 80 % des médias, le gouvernement, les deux chambres, presque toutes les régions, la majorité des départements et des grandes villes.

Tout aussi inquiétants la recrudescence des incendies de voitures  dans des banlieues où désormais on se lâche, à moins que  la police ne  se relâche : il est vrai que la proposition irresponsable de Manuel Valls de délivrer des récépissés après les contrôles d’identité, est bien peu propre à la motiver. L’agression verbale de Jacques Myard par un quidam récusant le droit d’un élu de la République à faire campagne à Sartrouville, « terre d’islam »,  va dans le même sens.

C’est dire combien est peu propre à nous rassurer  l’affirmation de Hollande selon laquelle tout son programme serait réalisé, y compris sans  doute l’accord du droit de vote aux étrangers et le mariage homosexuel !  Les vrais   hommes d’Etat, qui  savent s’abstraire des programmes pour considérer,  une fois élus, le seul intérêt national, sont hélas  devenus rares.

Que,  sur la toile, circulent des  textes annonçant, à l’encontre  de toutes les traditions républicaines,  que certains ne considèrent pas Hollande comme  « leur président » et appellant déjà à la « résistance », n’est pas moins inquiétant.

Sans vouloir pousser la comparaison, le  décalage entre des résultats électoraux paradoxaux et l’état réel de l’opinion, c’est ce qui s’était observé dans l’Espagne de  1936 et le Chili de  1970 !  

C’est pourquoi, dans un tel contexte,  quelque répugnance qu’éprouvent à son égard les gaullistes de conviction, la cohabitation serait sans doute un moindre mal.

Si l’on considère que la grande majorité de ceux qui ont voté blanc au second tour des présidentielles,  peut voter à droite au second tour des législatives, Sarkozy étant éliminé, la victoire de la droite aux législatives est encore possible

Encore faudrait-il  que cette droite la veuille vraiment.

Encore faudrait-il  qu’elle parle aux électeurs du seul sujet où – comme le Sarkozy des derniers jours  l’avait si bien compris  - elle peut faire la différence : la France.  

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 16:00

Article paru dans Valeurs actuelles

N’eut été le bruit  de la campagne présidentielle française, la mise au point d’un texte commun entre six experts français et six experts allemands appelant leurs gouvernements respectifs à démonter l’euro dans les plus brefs délais  auraient peut-être reçu toute  l’attention qu’il mérite.

Parmi les signataires français , Alain Cotta, professeur émérite d’économie à l’Université de Paris IX-Dauphine et ancien président du jury d’agréation d’ économie, Jean-Jacques Rosa, également ancien de Dauphine,  Gérard Lafay,   de Paris II et du commissariat au plan , Jean-Pierre Gérard, industriel, ancien membre du Comité de politique monétaire de la Banque de France, président du Club des N° 1 mondiaux français.

Parmi les signataires   allemands,  aussi bien Wilhelm Nölling, ancien député (et sénateur) SPD  de Hambourg que   Bruno Bandulet, ancien conseiller de Franz-Josef Strauss ( CSU) , le   professeur Karl Albrecht Schachtschneider, professeur de droit économique à l’Université de  Nuremberg qui avait déféré le traité de Lisbonne  à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, obtenant que l’Allemagne mette des réserves à sa ratification, le Professeur Joachim Starbatty de Tübingen, et surtout Dieter Spethmann, ancien président de Thyssen.

La partie allemande rendait ainsi l’invitation lancée par Michel Robatel, un industriel  lyonnais pour un colloque qui s’était tenu en octobre à Lyon.

Les auteurs de l'appel n’y vont pas avec des pincettes : « Treize ans après le lancement de l’euro, il est patent que non seulement cette expérience  n’a tenu aucune de ses promesses,  mais même que sa poursuite risque de  déboucher sur le chaos. »

Après cette entrée en matière en fanfare, ils énumèrent  tous les méfaits de l’euro : « Au lieu de la prospérité, un ralentissement de la croissance dans tous les pays de la zone, avec un  important volant de chômage. Au lieu de la rigueur, dix années d’augmentation  irresponsable des dépenses publiques et des dettes souveraines, qu’une génération de sacrifices ne suffirait pas à apurer. Au lieu d’une meilleure intégration économique, des déséquilibres entre les pays qui s’aggravent chaque jour. Au lieu d’un rapprochement des peuples, une animosité croissante entre créanciers et débiteurs. »

Les auteurs constatent que « les plans successifs destinés à « sauver l 'euro » sont vains car ils ne s’attaquent, d’ailleurs avec peu d’effet, qu’aux seuls déficits publics et non à ce qui est la racine du mal : la propension différente des pays à l’inflation.  Poursuivant un objectif qu’elle n’atteindra de toutes façons pas, l’Europe est entraînée dans une spirale de récession qui, s’agissant du premier marché mondial,  inquiète la planète toute entière. » 

Les experts proposent alors  un plan pour revenir aux monnaies nationales en limitant les secousses : pour la France, peu de changement : 100 euros deviendraient 100 francs ; mais  90 marks, 120 lires, 200 drachmes etc.

Les discussions, toujours cordiales selon les participants, ont montré que le problème le plus difficile à régler était celui des dettes souveraines : pas d’autre solution, selon les auteurs du manifeste,  que de les libeller, sans changer le montant, dans les nouvelles monnaies nationales, ce qui suppose une nouvelle défaillance de 50 % pour la Grèce, un peu moins pour les autres pays du sud. Mais, à la différence des plans actuels,  la dévaluation des monnaies de ceux-ci  leur permettrait    un retour rapide à la compétitivité.

L’établissement de ce document important  montre que, contrairement aux stéréotypes français, les Allemands sont loin d'être unanimes à soutenir l’euro.   Ils y trouvent moins d’avantages  qu’on ne croit : ils exportent certes plus mais à des clients  auxquels ils doivent faire crédit et qui sont de moins en moins solvables ; certains Allemands disent  qu’il vaudrait mieux pour eux utiliser cet argent à investir. L’Allemagne, si elle gagne des parts de marché dans la zone euro, en perd dans le reste du monde. Que l’appel ait été mis au point à l’Industrie Club de Düsseldorf, saint des saints de la vielle industrie allemande montre qu’une partie de celle-ci ne verrait pas d’un mauvais œil l’abandon de l’euro.

Surcout, les Allemands craignent que l’euro explosant en catastrophe, ils ne retrouvent rien de leurs créances tandis qu’un démontage ordonné le assurerait d’en récupérer une partie.

L’autre leçon de ces rencontres est que la fin de l’euro ne marquerait pas forcément la fin de la coopération franco-allemande, au contraire : elle serait restaurée sur des bases saines. Certains Allemands ne cachent d’ailleurs pas leur souhait de refaire une zone monétaire restreinte  avec le Benelux et  la France et seuls, une sorte de nouvel euro « carolingien », une solution qui ne ferait pas forcément  notre affaire car si le franc, en cas de démontage, se réévaluerait   par rapport à  presque toutes les autres monnaies, il se dévaluerait par rapport au mark, ce qui serait un avantage.

Loin d’envisager une catastrophe, les autres de ce texte, pensent que la  fin de l’utopie de la monnaie unique, marquerait un retour à l’économie réelle, chaque banque centrale étant désormais libre d’aider à sa guise ses propres banques et son Etat. La coopération européenne se poursuivrait au travers d’un institut monétaire chargé de gérer la monnaie commune - et non point unique. Ce serait le début du redémarrage des économies européennes. Acceptons-en  l’augure.

 

Roland HUREAUX

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 13:00

Autant qu’on puisse le savoir,  le premier contact entre François Hollande et Vladimir Poutine n’a pas été bon. Dommage ! La Russie  est un vieux pays, ami de la France, avec lequel nous partageons de nombreux intérêts.

La pomme de discorde aurait été surtout la Syrie.

Cela amène à se poser quelques questions sur la position socialiste à ce sujet. « Nous sommes prêts à faire la guerre en Syrie si le conseil de sécurité vote une résolution dans ce sens » a dit en substance Hollande pendant la campagne et le ministre des affaires étrangères Fabius l’a redit depuis.

Ce  genre de déclaration, à l’air belliqueux, était en réalité rassurante pour tous ceux qui pensent qu’une telle intervention serait hautement imprudente. Car chacun sait que ni la Russie, ni la Chine, échaudés par l’affaire libyenne où ils  ont l’impression  d ‘avoir été dupés, ne sont prêts à voter ce genre de résolution.

Mais Hollande n’espérait-il pas  convaincre la Russie de lever son veto à l’opinion militaire ? Cela serait doublement inquiétant.

D’abord parce que cela signifierait que le nouveau pouvoir socialiste veut vraiment la guerre, alors même qu’à l’évidence, l’opinion publique ne la souhaite pas.  On n’en serait pas outre mesure étonné : de Suez aux engagements de Jospin en Yougoslavie et en Afghanistan en passant par les multiples interventions de Mitterrand en Afrique, les socialistes français ont derrière eux une longue histoire belliciste.

Cela signifierait aussi que le nouveau président  prend au premier degré la rhétorique humanitaire  dénonçant le  régime de Damas comme le pire qui soit et appelant à une « guerre humanitaire » pour y mettre fin. 

Cette rhétorique s’est déjà avérée calamiteuse au Kosovo, en Irak, en Libye ; chaque fois elle a conduit à des dégâts bien supérieurs à ceux qu’on voulait éviter.

L’univers médiatique a  besoin, en toute situation , même la plus compliquée, de bons et de méchants, ce qui permet  commodément, avant toute enquête sur le terrain, de mettre, comme on le fait aujourd’hui en Syrie, toute atrocité sur le compte des mêmes. Cet emballement, dument manipulé par ceux qui cherchent  l’ intervention militaire, peut conduire à la catastrophe.

Et quoi de plus étonnant que François Hollande marche à fond dans cette rhétorique ? N’est-il pas avant tout    l’élu     de cette sphère médiatique majoritairement de gauche, libérale, libertaire, humanitaire, et en définitive étroitement inféodée, plus encore que ne l’était l’équipe précédente,  aux intérêts nord-américains. Il est mieux placé que quiconque pour savoir combien les hautes sphères du parti socialiste, la « haute gauche »,  vivent  en  symbiose avec cet univers  médiatique au point de se confondre avec lui.

A l’ évidence Poutine ne parle pas la même langue. Non seulement parce que l’image de la Russie est la première à pâtir des   préjugés d’une partie de la  presse. Mais encore parce que, homme d’Etat, de raison d’Etat, il est plus conscient que quiconque des manipulations de  l’opinion mondiale ;  il n’avait que faire des appels du nouveau président français à changer son opinion sur la Syrie surtout si ceux-ci ont pris la forme de leçons de morale.  Les intérêts de la Russie ne sont pas que le régime d’ Assad tombe. La Russie n’est pas dupe de la campagne internationale  qui conduit à mettre sur le  compte  de ce dernier, sans discernement,  toutes les atrocités. Il  n’est pas dupe non plus de voir que les champions de la démocratisation sont les monarchies du Golfe, qui elles-mêmes    se maintiennent en place   par   une main de fer. Qu’il ait administré une leçon de    de réalisme au novice n’est pas à regretter si cela doit refroidir ses ardeurs guerrières.  Que les bons sentiments du  nouveau président conduisent à distendre, au bénéfice d’autres naturellement, nos liens  avec un pays aussi essentiel que la Russie, serait en revanche hautement regrettable.

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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 07:00

Et si la partie franco-allemande  autour de la crise grecque, telle qu’on l’a encore vue au dernier sommet européen,  n’était qu’un vaste jeu de rôles ?

La  cause  semble  entendue :   l’Europe accablée par les plans d’austérité a besoin aujourd’hui de croissance  -  les méchants sont pour l’austérité, les gentils  pour la croissance : l’Allemagne est du  mauvais côté, la France du bon,  mais elle a du mal à arracher des concessions à  Mme Merkel, chancelière de fer  ( au dictionnaire des idées reçues de quel autre métal pourrit être un chancelier allemand ? ). L’Allemagne exige de la Grèce   des  mesures de plus en plus saignantes  pour continuer à l’aider ; la France tente de les adoucir.

A ce scénario franco-allemand, s’ajoute depuis deux semaines un scénario (ou une comédie ?) franco-français : la France serait désormais plus ouverte à la  problématique de la croissance, Hollande ferait davantage pression sur l’Allemagne, en   proposant en particulier de réviser le traité européen de stabilité et de mettre en place des euroobligations (dites eurobonds), au risque de remettre en cause le partenariat franco-allemand, moteur de l’Europe.

Hélas pour ceux qui colportent cette vision des choses, soit  une grande partie de la presse économique, tout  ou presque y est faux.

 

La France et l’Allemagne demeurent d’accord sur l’essentiel

 

La France et l’Allemagne demeurent d’accord sur l’essentiel : maintenir  l’euro et sauver suffisamment  les apparences pour que la Grèce y demeure – la laisser partir, c’est courir le risque  que tout  l’édifice s’effondre comme un château de cartes -  qu’il est. Pour sauver les apparences, il faut que la Grèce, pourtant à bout de souffle, ait l’air de faire toujours plus d’efforts. Paris et Berlin sont d’accord, mais à Paris, sur ce sujet, Sarkozy et Hollande le sont aussi.

Les sacrifices exigés de la Grèce ? Ils ne sont pas le remède au problème grec. Tout le monde    sait qu’aucune cure d’austérité, quelle qu’elle soit, assortie ou non d’une défaillance, ne remettra la Grèce dans le train de l’euro. Les déséquilibres croissants entre les pays d’Europe ne résultent pas d’abord de la politique  budgétaire ; ils  sont dus aux différentiels des  taux d’inflation et à l’évolution des compétitivités,  or, ces différentiels subsistant, les décalages de compétitivité   ne  cessent de s’aggraver. La déflation, qui serait la seule solution pour les pays du Sud, n’avait pas  réussi  dans l’Allemagne de 1930, même si les néo-nazis grecs que l’on découvre ces jours-ci semblent eux aussi de comédie à   côté des vrais  de 1933.  Pas davantage la déflation, engagée par Pierre Laval, n’avait abouti  dans la France de 1934. Proposer à l’inverse comme Paul Krugman[1] que l’Allemagne fasse plus d’inflation, c’est rêver, connaissant la  phobie  qu’elle inspire à  cette nation.  La seule solution  est la rupture de l’union monétaire de telle manière que les différentiels  de compétitivité  soient neutralisés par de nouvelles parités.

Pas davantage les euro-obligations  ne rétabliraient les  équilibres : des investissements publics dans l’Europe du Sud, financés par un grand emprunt garanti par l’Europe en théorie, par  l’Allemagne en pratique,   ne seraient qu’un expédient  provisoire en termes de flux financiers et une solution de fond  aussi lointaine qu’aléatoire.    

Tout le monde sait aussi que la Grèce, ni sans doute  les autres Etats, ne rembourseront jamais leurs  dettes,  en tous les cas pas toutes.

 

Angela Merkel s’adresse d’abord à l’opinion allemande

 

L’Allemagne, en exigeant de nouveaux plans d’austérité,  exprime   une position névrotique,    deux pulsions contradictoires qui se paralysent ;  elle ne veut pas que l’euro éclate, mais elle ne veut pas faire les efforts de solidarité nécessaires pour le sauver (et comment le lui reprocher, puisque cette solidarité serait sans doute le tonneau de Danaïdes ?)  C’est cela  le message qu’elle envoie  en durcissant toujours les conditions des  prêts  européens. Ces  conditions n’étant ni tenables ni  tenues, on aiderait la Grèce sans conditions que cela reviendrait au même. Mais le message  de Berlin    s’adresse d’abord à  l’opinion allemande qui  ne veut aider personne, ni courir le risque de l‘inflation : le seul choix cohérent serait dès lors de quitter l’euro.  Incapable de le  faire, Angela Merkel  fait de la gesticulation : elle pose des exigences très dures   et  qui,  de toutes les façons,  ne sont pas la solution du problème. Cela pour  consentir à des rapiéçages qu’elle ne peut  de toutes les façons pas refuser car, pour des raisons historiques, l’Allemagne ne veut rien faire qui donnerait le sentiment que c’est elle qui met fin à l’euro. Loin d’être une émule de Bismark, Angela Merkel apparaît aujourd’hui à beaucoup d’Allemands comme   une gestionnaire à la petite semaine incapable de faire de vrais choix.

En ayant l’air de vouloir,  davantage que l’Allemagne, « sauver la Grèce » (en fait sauver  les banques françaises et allemandes engagées auprès de l’Etat grec)  et relancer la croissance, le gouvernement français  aussi se valorise face à sa propre  opinion. Même si  notre pays   n’a aucun intérêt au maintien de l’euro, il  joue  le rôle de la France ouverte et généreuse qui plait tant à nos compatriotes.

Quant aux divergences supposées entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, au « changement de ton », selon l’expression consacrée pour  désigner une nuance  dans une position de toutes les façons fausse,   là aussi on est au théâtre. Tous les deux font la même politique : faire durer  l’euro  en faisant du rapiéçage au jour le jour ; entrer  dans le jeu  de l’Allemagne en donnant l’impression qu’elle  se fait prier, ce qui l’arrange et qui nous arrange.   Entre des pseudo-gaullistes qui déplorent que le nouveau gouvernement ne s’aligne pas davantage sur les exigences de Berlin et des socialistes qui font semblant de croire qu’il ne s’aligne pas, qui est le pus ridicule ?

Hollande serait plus ouvert à la problématique de la croissance ?   Mais introduire de la relance publique  dans la rigueur  est contradictoire : en stricte orthodoxie keynésienne, c’est l’un ou c’est l’autre,   pas  les deux. Dans la logique actuelle, celle de l’euro,  un peu plus de croissance, c’est forcément plus d’endettement et donc moins de rigueur. Vouloir à la fois la rigueur et la croissance, c’est faire comme l’automobiliste qui appuie  à la fois sur l’accélérateur et sur le frein.

Hollande serait–il plus gentil (pardon,  plus « social ») parce qu’il propose des euroobligations  et une révision à la marge du traité de stabilité ?  Mais il sait depuis le départ  qu’il ne les obtiendra pas, comme Sarkozy  le savait  aussi.  Et à supposer qu’il les obtienne, nous l’avons dit, ça ne changerait rien. Ca ne mange donc pas de pain d’en parler.   Mais du pain, les Grecs en  mangent  de moins en moins !     



[1] Der Spiegel, 23/05/2012

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