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politique, gaullisme, catholicisme, France, Europe, économie internationale, défense de la commune

LE RWANDA : LES BOBOS ET LES GOGOS DESILLES !

 

Le  rapport remis au Haut-commissaire aux droits de l’hommes des Nations-Unies sur les crimes commis dans la province du Kivu à l’Est du Congo-Kinshasa à partir de 1994, dit « rapport Mapping »,   rejeté avec indignation par les gouvernements du Rwanda et du Burundi, ne contient des révélations que pour ceux qui n’ont pas suivi l’actualité tragique de la région des grands Lacs depuis vingt ans,    ou que le parti pris avait aveuglés.

Que dit ce rapport ? Qu’après 1994, date du génocide le plus médiatisé , celui des Tutsis de l’intérieur par les Hutus au Rwanda, responsable de centaines de milliers de morts,  suivi par la prise de pouvoir par les Tutsis venus de l’étranger dirigés par Paul Kagame, toujours au pouvoir, des massacres systématiques, qui auraient  fait , eux aussi,  des centaines de milliers de victimes,  ont eu lieu dans la province limitrophe du Kivu en République démocratique du Congo ( ex Zaïre). Ces massacres furent particulièrement massifs entre 1995 et 1997. Leurs principales victimes  furent cette fois les Hutus du Rwanda réfugiés, tenus tous, y compris  femmes et  enfants,  pour responsables du génocide de 1994,  par  la nouvelle armée rwandaise de Kagame, dominée par les Tutsis.  Mais  ces années troublées  virent aussi  le même Kagame fomenter, depuis  son petit Rwanda,   une révolte dans le grand Zaïre voisin qui aboutit à   renverser  le  régime de Mobutu (1997), ainsi qu’une   guerre civile larvée au Burundi. Ces guerres firent  d’autres victimes : Congolais, Tutsis du Congo, Burundais. Et il y  eut d’autres bourreaux, également  mis en cause dans le rapport : la guérilla  hutu du Congo elle-même, l’armée du Burundi, essentiellement tutsi, les forces armée du Congo souvent adonnées à l’anarchie et au pillage, et  des forces étrangères, angolaise notamment, venues les appuyer, mais les principales victimes furent les Hutus réfugiés.

Dès 1997, le commissaire européen aux droits de l’homme, Emma Bonino,  avait attiré l’attention sur ces massacres. Mais, depuis lors, le gouvernement de Kigali avait pu bloquer toute mise en cause officielle.

Ce que  l’opinion aurait dû savoir aussi : loin d’être l’ange blanc venu  sauver les populations du Rwanda des massacres de 1994, Paul Kagame, avec son armée rebelle, a joué, de manière tout à fait consciente,  un rôle essentiel dans leur déclenchement.

 

Retour sur une société de castes

 

Pour saisir le contexte de ces violences qui apparaissent confuses aux non-initiés, un bref retour en arrière est nécessaire.  Bien avant la colonisation, le Rwanda et le  Burundi, étaient deux Etats dirigés par un roi et une aristocratie  appartenant tous à l’ethnie tutsi  représentant entre 8 et 15 % de la population (compte tenu des métissages, il est difficile d’être plus précis), dominant une masse Hutu (bantou) dédiée aux travaux des champs, une structure que le colonisateur, allemand, puis belge, ne remit pas en cause. A l’indépendance, en 1959, les Hutus se soulevèrent et environ 50 000 Tutsis émigrèrent, principalement dans le pays voisin anglophone,  l’Ouganda. Par contre, au Burundi, les Tutsis se maintinrent au pouvoir en contrôlant l’armée et le parti unique et en massacrant sans pitiés les Hutus chaque fois qu’ils se révoltèrent, en 1972, puis en  1993.

Ces  rivalités , contrairement à ce que l’on croit,  n’ont rien à voir avec des luttes tribales classiques Pour en comprendre les ressorts, il se peut que nous n’ayons de meilleur guide qu’Aristote, observateur de problèmes analogues dans les cités grecques : « Dans le oligarchies, c’est la masse des citoyens qui se soulève, comme étant victime d’une injustice  , du fait que leur part n’est pas égale à celle des autres, dont ils se considèrent  pourtant les égaux, et dans les démocraties, au contraire, ce sont les notables qui se révoltent, parce que leur part est seulement égale à celle des autres, alors qu’ils ne se considèrent  pas comme  leurs égaux. » (Politique V, 3).

Le cycle récent de troubles commence quand les Tutsis émigrés en Ouganda entreprennent  en 1990, sous la direction de Paul Kagame, de revenir au pouvoir dans leur pays par la force. Comme l’Ouganda était anglophone et le Rwanda francophone, ils reçurent l’aide discrète, outre celle du  gouvernement ougandais, d’éléments britanniques et américains avec sans doute l’arrière pensée d’enfoncer un coin dans le pré carré francophone.

Ce qui n’a pas été dit : au fur et à mesure que l’armée tutsie du FPR pénétrait dans le pays, elle se livrait  à des massacres de paysans hutus qui provoquèrent leur exode et commencèrent à entrainer des représailles contre les  Tutsis de l’intérieur.

Le  génocide final des Tutsis  de l’intérieur (allègrement sacrifiés par Kagame qui les tenait avec mépris pour des « collaborateurs ») fut déclenché  par l’attentat du 6 avril 1994, dont nul ne doute aujourd’hui qu’il ait été  fomenté par Paul Kagame, et qui vit le mort de deux présidents hutus, Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi, ce dernier ayant été élu dans le cadre d’un processus de démocratisation.

L’armée française est intervenue au cours de ces années à trois titres :

-         Une coopération militaire normale  était menée avant 1990,  comme dans beaucoup de pays francophones, avec l’armée et la gendarmerie rwandaises.  Est-il nécessaire de préciser qu’elle n’avait pas pour but de leur  apprendre le maniement de la machette ?

-         A la suite de l’agression de 1970, le président hutu Habyarimana obtient de François Mitterrand, un soutien prudent, sous la forme d’un peu d’armement,  de conseillers, et  d’un détachement destiné d’abord à  protéger les ressortissants français ;

-         A la suite du déclenchement des massacres de 1994, pour les faire cesser et donc protéger les Tutsis encore en vie , a été organisée,  sous l’égide de Mitterrand, Balladur et Juppé, sur décision du Conseil de sécurité,   l’opération Turquoise  (22 juin-21 août 1994) dirigée par le général Lafourcade. Elle ne fit rien pour empêcher  l’installation au pouvoir en juillet  de Paul Kagame  qui a imposé la dictature de ce qui reste de la minorité tutsie (essentiellement les émigrés de l’Ouganda).   

S’il y a faute de la France, elle est de n’avoir soutenu que mollement Habyarimana : toujours ambigu, à sa manière habituelle, François Mitterrand lui imposa en pleine guerre civile une démocratisation qui désorganisa  le camp gouvernemental  et permit au FPR d’infiltrer tous les rouages de l’Etat; à la suite des accords d'Arusha,  conclus  en septembre 1993,  il cessa son aide,    tandis que, selon un scénario que l’Europe avait déjà connu au temps de la guerre d’Espagne,  le FPR continuait à recevoir de manière occulte  l’aide  de l’Ouganda et d’autres. C’est ainsi que la France finit par perdre sur tous les  tableaux !

 Vainqueur, Kagame a réussi un temps à imposer au monde sa version des événements : tous les torts sont du côté du régime hutu de Habyarimana, corrompu et  génocidaire ; le seul massacre qui ait droit à l’appellation de génocide, celui  de 1994, aurait fait un million de  victimes,  toutes tutsies; dénoncer un « double génocide » ou tenir ce chiffre pour exagéré, c’est être négationniste; l’armée tutsie est une armée de libération venue  mettre fin aux massacres. Les Français et les Belges ont aidé le  génocide et doivent faire repentance.

C’est cette Vulgate  qui est aujourd’hui remise en cause par le rapport de l’ONU.

Le noyau de vérité, certes important, qu’elle contient :    le massacre de 1994 qui a fait  plusieurs centaines de milliers de morts -  mais  pas tous tutsis ! -,  ne suffit pas pour  atténuer l’immense responsabilité de Kagame dans le déclenchement de ces  massacres et dans ceux  qui ont suivi et que relate le rapport de l’ONU.

 

Bobos et gogos abusés

 

Par delà la réalité des faits, aujourd’hui à peu près établie pour tous les observateurs  de bonne foi, il est important de comprendre   la manière dont on a pu abuser à ce point  l’opinion internationale, spécialement en Europe et en Amérique du Nord  et qui constitue sans doute un cas d’école.   Au point que des dizaines d’intellectuels, journalistes voire hommes politiques, en France et en Belgique, ont longtemps fermé les yeux sur les massacres dans les zone « libérées » par le FPR puis  au  Kivu et ont tenu  en haute  estime le régime de Kagame, dictature féroce d’une minorité qui ressemble autant à une démocratie que la Sparte antique – et encore, les Egaux ne se tuaient  pas entre eux ! En plein démantèlement de l’apartheid, on en vint à tenir  la tyrannie d’une toute petite minorité ethnique  pour un régime  démocratique ! On poussa la crédulité jusqu’à gober  que, dans le  contexte que l’on sait, l’assassinat de deux président hutus était l’œuvre de  Hutus !

Des journalistes et des hommes politiques belges et  français,  ont marché à fond dans cette mythologie au point de devenir pendant  tout au long de  ces années des avocats enflammés de Kagame.

Quand Pierre Péan  entreprit courageusement  de rétablir la vérité dans don livre «  Noires fureurs, Blancs mensonges » (1), il fut non seulement soumis au harcèlement  judicaire des avocats de Kagame (qui compte  aussi parmi ses conseils Tony Blair),  mais il  eut droit à une page entière de réfutation unilatérale dans les deux principaux quotidiens nationaux. Quand Kagame mit en place une commission pour faire la « vérité » sur l’implication française dans le génocide, le rapport fit  la une du Monde (que l’histoire du XXe siècle aurait dû alerter sur ce que peut valoir ce genre de commissions sous  un régime de terreur). Patrice de Saint-Exupéry, journaliste au Figaro, n’a cessé de se déchaîner pour   soutenir les accusations les plus insensées contre  l’armée française.

Bernard Kouchner entretenant  avec Kagame des liens personnels dont la nature reste à  éclaircir, a soutenu constamment ce dernier depuis son arrivée au Quai d’Orsay. Pas un mot n’en revanche du gouvernement pour défendre l’armée française injustement accusée. L’inexpérience de Claude Guéant (qui s’est aussi impliqué dans l’affaire) aidant, le président Sarkozy fut  entrainé à faire une visite à Kagame, en février dernier, qui avait aux yeux du monde, même si le président mesura ses termes,  le caractère  d’une  visite d’excuses.  Aucune contrepartie à ce  geste d’apaisement, même pas qu’il soit sursis  à la sortie officielle du Rwanda de  la francophonie, son gouvernement ayant interdit à la  rentrée 2010 le français et imposé l’anglais dans les écoles. Le  rapport Mapping ridiculise, est-il besoin de le dire, ces manœuvres foireuses.

Pour  comprendre  comment tant de gens sensés en sont  venus là, il faut sans doute prendre en compte l’appui discret du gouvernement  américain et ses innombrables relais d’opinion au camp  tutsi. Mais cet appui, Kagame, qui avait  fait un long séjour à Washington en 1990, était   allé le chercher. Il faut donc voir aussi  que les Tutsis sont une élite africaine extrêmement douée,  non seulement pour faire la guerre mais pour séduire et   pratiquer la désinformation.

La révolution de 1959 avait répandu à Bruxelles, à Paris, à Genève, une diaspora  tutsie  instruite,  d’autant plus influente qu'elle fut ensuite  renforcée par les épouses ou compagnes tutsies ramenées par les coopérants, femmes  réputées particulièrement belles et intelligentes.

Avant l’offensive de 1990, les émissaires envoyés par le  FPR  en Europe se montrèrent très habiles pour   gagner les bonnes grâces de forces influentes.

Mais  leurs  manœuvres n’auraient pas réussi dans la crédulité « bobo » d’une certaine gauche anticolonialiste, qui fut la cible principale de cette propagande. Les Tutsis surent jouer à fond sur ses réflexes conditionnés.  Il fallait à ces gens trop paresseux pour approfondir une situation complexe, des bons et des méchants. On lui  présenta  le régime de Habyarimana comme corrompu, ce qu’il était mais pas plus que la plupart des gouvernements du tiers monde – et au moins représentait-il  85 % de la population ! -,  l’accointance entre France, la Belgique et le régime hutu pour une entreprise  néocoloniale. On n’en prit même au cléricalisme :   l’Eglise ayant appuyé la démocratisation de 1959, le FPR était anticlérical – si tant est qu’on puisse comparer la politique  du petit père Combes et  l’exécution sommaire de tous les évêques et d’une grande partie du clergé hutus! On  s’en servit pour appâter les anticléricaux belges. On expliqua aux Wallons que les hutus étaient les Flamands du Rwanda et vice versa. Furent égalent approchés les milieux juifs auxquels ont fit croire que les Tutsis étaient les Juifs du Rwanda – comme si une aristocratie juive avait gouverné l’Allemagne depuis des siècles !    On manipula même les monarchistes en comparant le sort des Tutsis avec celui des émigrés de 1789, la seule comparaison d’ailleurs qui ne soit pas complément fallacieuse.  

Le problème pour Kagame est que les milieux qu’il avait réussi à circonvenir  sont assez généralement d’inspiration mondialiste : un rapport de l’ONU, sous l’égide  du Haut commissariat aux droits de l'homme et  du Haut commissariat aux réfugiés,  pour ces gens là, pèsent lourd.   L’ONG Human rights watch  demande  déjà des sanctions contre les auteurs des  crimes. La publicité que Le Monde   a donné à ce rapport, s’en réservant l'avant-première,  est un indice de la réaction de  ce public,  pris à contrepied et désormais  prêt, semble-t-il,  à ouvrir les yeux.

Il sera difficile à Kagame, malgré les menaces affolées qu’il brandit,  de remonter la pente. Et c’est tant mieux : le rétablissement de la vérité est le commencement  de la justice.  

 

Roland HUREAUX

 

1.      Fayard, 2005

 

 

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