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Roland HUREAUX

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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 15:42

UN MOIS APRES LE NAUFRAGE DE 400 MIGRANTS, L'EPOUVANTABLE CAFOUILLAGE MEDITERRANEEN SE POURSUIT

Publié dans Causeur

Après le naufrage qui avait entraîné la mort de près de 366 migrants clandestins au large de l'île italienne de Lampedusa le 3 octobre 2013 , les Etats membres avaient prévu lors du Conseil européen des 24 et 25 octobre, d'adopter des mesures communes comportant le renforcement des moyens de Frontex et du bureau européen d’appui en matière d’asile.

Après le naufrage de plus de 400 autres migrants au large de la Sicile en le 12 avril 2014 , les chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union européenne se sont réunis en urgence pour un sommet exceptionnel le 23 avril . Ils ont décidé de tripler les moyens de l'opération de surveillance Triton, menée par Frontex , de saisir et détruire les embarcations transportant des migrants, d'intervenir militairement en Libye contre les réseaux de passeurs et de répartir 5 000 réfugiés syriens sur le territoire européen.

Depuis lors, la commission européenne a précisé la mise en œuvre de certaines de ces mesures. Mais 300 personnes ont encore sombré le 18 mai.

On peut s'attendre d'ores et déjà à ce que d'ici quelque temps , à la suite d'une nouvelle noyade, le conseil européen se réunisse à nouveau pour prendre de nouvelles mesures. Etc.

Il y a en effet peu de chances qu'une solution de fond soit trouvée dans un délai proche à l'immense question de la poussée migratoire à partir de la Lybie, au moins aussi longtemps qu'elle sera traitée par l'Europe institutionnelle.

Une affaire embrouillée

L'affaire est embrouillée à plusieurs nivaux.

D'abord dans la compréhension du problème. L'égoïsme des uns se conjugue avec les bons sentiments des autres pour que nous ne comprenions pas ce qui se passe. Les uns détournent le regard, les autres ne voient que de l'aspect moral , pas des faits.

D'où viennent ces migrants ? On entend un peu tout sur ce sujet. Il semble qu'une majorité viendrait de l'Erythrée et du Sud-Soudan. Si c'était vrai, il seraient à moitié chrétiens. L'Erythrée est composée d'une moitié de chrétiens et connait une dictature effroyable qui a mis toute la nation sur le pied de guerre pour défendre le pays contre l'Ethiopie ennemie, dix fois plus peuplée. Les Erythréens , chrétiens ou musulmans, sont un peuple intelligent et instruit qui ne poserait pas de gros problème d'intégration.

Le Sud-Soudan est la partie chrétienne ( en tous les cas non-musulmane) du Soudan, devenue indépendante en 2009 après cinquante ans de guerre . Libérés du joug islamique, les Sud-Soudanais sont entrés en guerre civile sur une base non plus religieuse mais ethnique.

Si ces gens là étaient bien la majorité de migrants, il n'y aurait pas lieu de craindre une invasion musulmane ( quoique des migrants musulmans aient récemment jeté à l'eau les chrétiens embarqués avec ceux) . Le mouvement migratoire ne serait pas non plus le trop plein indifférencié d'un continent en pleine croissance démographique mais la conséquence de la guerre qui sévit dans plusieurs pays, ce qui n'est pas la même chose.

Mais il se dit aussi que beaucoup d'immigrants viennent du reste du Sahel, jusqu'au Sénégal , voire de l' Afrique profonde. Combien ? On ne sait pas.

Ce n'est pas seulement la compréhension du problème qui est embrouillée, c'est aussi la recherche de solutions.

La plus simple serait que l'Europe prenne le contrôle des principaux ports de départ sur la côte nord de la Libye. Cela aurait pu se faire dans la foulée de l'intervention qui a renversé Kadhafi en 2011, et qui a plongé ce pays dans le plus grand chaos , mais on ne l'a pas fait.

Parmi les mesures qui ont été décidées par le Conseil européen le 23 avril, la principale est une nouvelle intervention militaire en Libye. Une telle action supposerait l'aval du Conseil de sécurité . Mais la Russie et la Chine ont eu l'impression d'avoir été trompées par les Occidentaux lorsqu' elles ont donné cet aval à l'intervention de 2011. Il n'était prévu au départ que de sauver des populations ; or l'intervention a largement dépassé les termes du mandat , aboutissant au renversement de Kadhafi. Russie et Chine ont depuis le sentiment d'avoir été bernées et ne sont pas prêtes à opposer leur veto au Conseil de sécurité à toute entreprise du même genre. Il faudrait peut-être négocier avec la Russie, notamment en relâchant la pression sur l'Ukraine. Mais l'Europe ne semble pas prête à faire sur ce front la moindre concession susceptible de rendre les Russes plus coopératifs.

On pourrait aussi encourager un pays voisin redevenu stable comme l'Egypte à intervenir, si elle le veut bien. Ce service vaut bien quelque Rafales à prix bradé.

Une autre solution serait que les forces spéciales de tel ou tel pays mettent hors d'état de nuire les passeurs. Si on procède cette manière, on ne le dira pas. Mais c'est peu probable. En tout état de cause, il ne saurait s'agir d'une décision européenne, seulement d'un Etat.

Les sommets européens successifs auraient pu être l'occasion de poser le principe que , en cas de guerre ou d'oppression, ce sont le pays voisins qui ont les premiers vocation à recevoir les réfugiés ,non l'Europe, mais que celle-ci serait prête à soutenir généreusement ces politiques d'accueil. On ne l'a pas fait. Cela serait contraire, dit-on, au principe de l'universalité du droit d'asile. Fort bien, en attendant, les réfugiés se noient.

Embrumée de bureaucratie et de grands principes, la Commission de Bruxelles n'est pas prête à trouver une solution. Pas davantage que , quand elle a pris en main l'immigration à l'échelle européenne, elle n'a fait la preuve de la moindre efficacité.

Idéologie, bureaucratie , inefficacité

Au temps de l' Union soviétique, on savait que toute décision partant d'un a priori idéologique serait stérile. Rien ne sortait jamais des décisions du parti. Ce qui marchait, industrie de défense, lopins agricoles individuels, marchés kolkhoziens se faisait en marge ou en dehors de l'idéologie, voire contre elle.

A Bruxelles, c'est la même chose: le mieux qu'on puisse attendre d'une politique commune est qu'elle ne fasse pas trop de dégâts. Mais généralement, elle en fait. Ce qui marche , Airbus, Ariane, se fait en dehors des politiques européennes officielles et généralement sur la base de coopérations intergouvenrnementales à géométrie variable.

Ile est probable que la question des migrations méditerranéennes ne sera résolue que quand les deux ou trois pays les plus concernés, parmi lesquels l'Italie, principal lieu de passage et la France, principale destination se concerteront pour traiter la question et cela liaison avec les états africains les plus impliqués. Il est clair qu'on n'en est pas encore là.

Roland HUREAUX

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