LA BALANCE DES PAIEMENTS, TALON D’ACHILLE DE MACRON
Le redoux économique dont témoigne une légère reprise de la croissance en Franc e (1,8 % par an pour 2017) et en Europe résulte bien davantage de la politique inflationniste menée depuis déjà quelque temps par la Banque centrale européenne (dite quantitative easing) que de l’effet des ordonnances sociales de M. Macron ou de la meilleure réputation qu’il aurait donnée à la France à l’étranger , ni l’un ni l’autre n’ayant eu évidemment le temps d’avoir produit un résultat, si tant est qu’ils en aient jamais.
Pour ce qui est du déficit budgétaire, il reste contenu, au moins sur le papier, dans la limite de 3%, ce qui veut dire que la France continue à s’endetter de quelques dizaines de milliards chaque année. Et il n’est contenu que par une hausse d’impôts qu’on estime déjà à 10 milliards, comportant pas moins de 8 impôts nouveaux en huit mois. C’était la méthode Hollande, elle continue. Macron la connait bien : il était son ministre des finances. On le qualifie de libéral…
Mais cet optimisme, tout relatif, rencontre une zone d’ombre : le déficit commercial qui a grimpé de 45 à 63 milliards (dont 50 milliards pour les produits manufacturiers). Pendant ce temps, l’excédent commercial allemand s’élève à 245 milliards.
Ces chiffres ne font que refléter ce qu’il est advenu de notre production industrielle depuis l’entrée dans la zone euro : Allemagne + 32 % ; France – 12 % ; Italie – 19 %.
Devant ces faits, on peut bien sûr faire toutes sortes de contorsions : les Français devaient faire ceci ou cela, baisser les impôts, mieux soutenir leur industrie et tout ce que l’on veut : s’il ne l’ont pas fait en 18 ans, il y a peu de chances qu’ils le fassent aujourd’hui.
La monnaie, facteur incontournable
En fait, il est un facteur avec lequel on ne triche jamais en économie, c’est la monnaie.
Quels que soient les handicaps de compétitivité des uns ou des autres, ils n’ont pas d’effet sur l’équilibre des balances des paiements dès lors qu’ils se conjuguent avec un taux de change adapté.
Or la zone euro souffre d’un grave déséquilibre : celui de l’Allemagne (et de ses compagnons de route comme les Pays-Bas ou la Finlande ) et de tous les autres dont la France. Le taux de change auquel les différents pays ont fait entrer leur monnaie dans la zone euro, déprécié pour l’Allemagne, trop élevé pour la France et les pays méditerranéens s’est conjugué avec la politique de déflation féroce menée par le chancelier Schröder à l’entrée dans l’euro destinée à accroitre encore la marge de compétitivité de l’économie allemande. La propension de ce pays étant depuis longtemps moins inflationniste que celle des autres, le déséquilibre n’a fait que s’aggraver depuis 2017. Et bien évidemment, Macron qui n’envisage notamment aucune réduction des dépenses publiques n’y changera rien.
La sanction de ce handicap monétaire, c’est, comme le montre tout manuel d’économie de première année, le déficit de la banque des paiements . Et plus le temps passe, plus il a de chances de s’aggraver.
Macron, fanatiquement attaché à l’Europe et à l’euro, sera confronté très vite à cette embûche . Or le cadre mental dans lequel il évolue l’empêchera d’y apporter la seule solution possible : une redéfinition des parités entre les pays de la zone euro et donc son éclatement.
A la rigueur aurait-on pu rééquilibrer en partie nos échanges sans changement de parité en adoptant la mal nommée « TVA sociale », remboursable aux exportateurs ; mais en faisant le choix d’augmenter plutôt la CSG, non remboursable , Macron tourne le dos à cette solution qu’il aurait d’ailleurs fallu adopter déjà il y a dix ou quinze ans.
Les conséquences de cette situation pour la France sont lamentables : notre tissu industriel s’étiole , notre agriculture aussi . L’économie française, du fait de son déficit global pâtit d’un manque croissant de capitaux qui se traduit par la cession à l’étranger de l’essentiel de nos industries stratégiques : Alstom, Technip, Nexter (GIAT) , Naval Group (DCNS), toutes opérations que le président, en cheville avec les milieux bancaires qui lui sont proches, réalise sans vergogne.
A la rigueur un pays peu compétitif comme le sont aussi les Etats-Unis peut stimulera son marché intérieur en y injectant des commandes publiques non soumises à la concurrence : ainsi les gigantesques dépenses d’armement du Pentagone qui s’élèvent à 700 milliards de dollars. En France nos collectivités locales le font aussi sans s’en apercevoir en multipliant les ronds-points même là où ils ne servent à rien. Mais en matière militaire, nous faisons exactement le contraire : le renouvellement des fusils d’assaut français qu’aucune règle internationale n’empêchait de faire en France (quitte à réactiver les industries spécialisées ) a été confié à une entreprise allemande ! Absurde.
Cela n’est pas contradictoire avec une certaine reprise économique : un pays déficitaire importe et les importations, même non équilibrées par des exportations, génèrent des emplois de commerce et de service . Mais cela reste à la surface des choses ; pendant ce temps, les fondamentaux de l’économie française, eux, périclitent , exactement comme péricliterait un commerce qui vendrait 25 % plus cher que son concurrent. L’euphorie passée, Macron n’échappera pas à cette épreuve de vérité.
Roland HUREAUX *
Mars 2018
*Auteur de D’une crise à l’autre, Mondialisation, euro, France, Allemagne , Ed Libres, 2017