L’hystérie qui règne aux Etats-Unis et en Europe occidentale , spécialement dans les médias, à l’égard de Donald Trump, tenu de manière presque unanime pour un fou et un dangereux va-t’en guerre , empêche de voir ce qu’il peut y avoir de cohérent dans sa diplomatie, au demeurant conforme à ses engagements de campagne.
Il faut notamment un singulier aveuglement pour ne pas lui faire crédit d’être en train de ramener la paix dans deux pays en guerre : l’Irak et la Syrie , sans en commencer aucune , alors que son prédécesseur, pourtant Prix Nobel de la Paix avait , lui, mis en guerre pas moins de quatre pays qui ne l’auraient pas été sans cela : la Libye, la Syrie, l’Ukraine et le Yémen . Trump a promis de mettre fin à l’absurde politique de regime change tendant imposer la démocratie à coups de B 52 : il a tenu. De même il a vaincu Daech que son prédécesseur faisait semblant de combattre et rompu les liens équivoques que les Etats-Unis ont trop longtemps entretenu avec l’islamisme radical. Détente aussi du côté de la Corée du Nord , après 75 ans de blocage. Il a même ouvert des pourparlers avec les talibans à Doha. Jusqu’ici ce fort en gueule s’est avéré un « artisan de paix » !
Le point de départ de sa démarche est la volonté d’améliorer les relations des Etats-Unis et de la Russie. Les grands humanistes européens qui le détestent tant devraient pourtant en comprendre l’intérêt . Deux puissances dotées d’immenses arsenaux nucléaires ; un champ de bataille potentiel, l’Europe occidentale : comment les Européens un peu conscients ne seraient-ils pas rassurés par cette volonté de détente ?
Pourquoi Trump doit montrer les dents
Elle se heurte au militarisme déchaîné du clan Clinton et de tout ce qui tourne autour ( une grande partie du Pentagone, de l ’administration américaine et des médias, les gouvernements de France et d’Angleterre ) . L’absurde théorie du complot selon laquelle l’ élection de Trump aurait été machinée par Poutine limite la marge de manœuvre de ce dernier qui, face à une opinion intérieure au nationalisme déchaîné, lui interdit tout signe de faiblesse. Il est ainsi conduit à une gesticulation permanente, sous forme de déclarations tonitruantes ou de tweets, souvent grossière car la cible en est l’Américain de base. Cela explique aussi la nominations de super-faucons, dont il n’est pas nécessairement prisonnier quant au fond : James Mattis, John Bolton. Ou encore les frappes spectaculaires opérées en Syrie le 6 avril 2017 et le 14 avril 2018, négociées avec les Russes pour ne pas faire de victimes et éviter toute escalade, en réponse à de supposées attaques chimiques. Qui vis pacem para bellum , dit-on . Aux Etats-Unis, celui qui veut la paix doit aujourd’hui faire semblant de faire la guerre.
La faiblesse de sa position intérieure oblige Trump à ne se priver d’aucun appui : cela peut expliquer son choix de s’aligner intégralement sur les positons du gouvernement israélien jusqu’au transfert contesté de l’ambassade américaine à Jérusalem et la rupture de l‘accord nucléaire de Vienne avec l’Iran . Le rapprochement avec Pyong-Yang pourrait lui-même s’expliquer par la volonté d’isoler l’Iran du seul pays susceptible de l’aider au plan nucléaire.
Ces manœuvres bruyantes conduisent-elles à une nouvelle guerre, contre l’Iran, cette fois ? ou seulement à satisfaire Israël et ses soutiens inconditionnels aux Etats-Unis ? Le gouvernement israélien fait-il lui-même autre chose que de la gesticulation ? Et quid du gouvernement iranien que l’agressivité américaine aide si bien à surmonter ses contradictions internes ? Trump connait assez l’art de manier les foules : il sait qu’une grande puissance comme d’Amérique a besoin de désigner un ennemi : pour lui, c’est l’Iran. Ca vaut mieux en tous cas que la Russie. Cela reste cependant un jeu dangereux non seulement pour la paix mais pour l’économie mondiale qui serait confrontée en cas de conflit, à une hausse vertigineuse du prix du pétrole.
Les rodomontades hostiles à l’Union européenne et à l’Allemagne recouvrent une vieille constante de la politique anglo-saxonne vis-à-vis du continent européen : y maintenir l’équilibre et donc affaiblir le plus puissant, qui est aujourd’hui manifestement l’Allemagne. Hélas l’aveuglement idéologique empêche les dirigeants français de profiter de la perche qui leur est ainsi tendue. Quand Trump demande que les pays européens prennent leur part du fardeau de l’OTAN, vieille revendication, jusqu’à menacer de la faire sauter , qui le lui reprocherait ?
Face à la Chine, le président américain brandit la menace de la guerre économique notamment par un retour au protectionnisme, mais cela est autre chose que la guerre tout court . Que le libre-échange ne soit pas la panacée, de grands économistes comme Keynes l’avaient déjà vu . Le vrai risque de guerre , ce ne sont pas les droits de douane mais les déséquilibres commerciaux entre les pays. Coupables au premier chef, la Chine et l’Allemagne qui recherchent, depuis des années , des excédents , aujourd’hui devenus colossaux, au détriment de leurs partenaires , dangereux tant pour la prospérité qu’ à long terme, pour la paix. Qui ne voit ce qu’il y a de légitime de la part de Trump à vouloir les ramener à la raison , ce que personne d’autre n’avait osé faire jusqu’ici ?
Depuis le général de Gaulle , les partenaires des Etats-Unis se plaignent des déficits commerciaux de ce pays : comment reprocher à un président américain de prendre enfin ce problème à bras le corps , quitte à paraitre un peu agressif, pour se donner les moyens de rééquilibrer la balance, même s’il n’est pas sûr qu’il y parvienne ?
Roland HUREAUX