Quatre pays ont immédiatement imputé à l’Iran l’attaque de deux pétroliers, l’un japonais, l’autre norvégien, qui a au lieu le 13 juin dans le détroit d’Ormuz : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, Israël et l’Arabie saoudite. La Russie et l’Iran démentent. L’Allemagne a émis des doutes , la France et les autres pays européens ne se sont pas prononcés à ce jour.
Le moins qu’on puisse dire est que le Etats-Unis sont de moins en moins crédibles dans ce genre d’accusation. Depuis longtemps, ce pays a pris l’habitude d’organiser des incidents ou des attaques sous faux drapeau qu’il impute bruyamment à ses adversaires, se servant souvent de ce prétexte pour les attaquer.
Le 2 aout 1964 , le gouvernement américain prétendit que deux de ses destroyers avaient agressés par des torpilleurs nord-vietnamiens dans le golfe du Tonkin. Le président Johnson en tira prétexte pour franchir un pas de plus dans l’escalade de la guerre du Vietnam. Ces attaques se sont avérées plus tard être un montage.
La première guerre du Golfe (1990) a commencé par une invasion bien réelle, elle, du Koweït par Saddam Hussein, mais les services de propagande américains répandirent le bruit que les soldats irakiens pénétraient dans les maternités koweïtiennes pour y débrancher les couveuses des bébés: mensonge aujourd’hui avéré.
Le prétexte immédiat de la guerre de Yougoslavie (1999) fut le prétendu massacre de 45 civils à Rajak (Kosovo). Il semble a posteriori que cela ait été en réalité un combat à la régulière entre l’armée serbe et la résistance armée kosovar, travesti en génocide par une propagande internationale sans précédent. Au même moment, Human Right Watch , proche du gouvernement américain, annonçait que les forces serbes avaient expulsé 862 979 Albanais du Kosovo vers les pays voisins . Précision chiffrée d’autant plus admirable que rien de tel ne s’était passé.
La seconde guerre du Golfe (2003) qui a abouti au renversement de Saddam Hussein a commencé avec l’accusation que ce dernier mettait au point des armes de destruction massive , chimiques et atomiques. On se souvient du général Colin Powell brandissant une fiole accusatrice à la tribune d’ONU. Le même à avoué dix ans après que tout cela était faux.
Reste la guerre de Syrie, commencée en 2011 : après qu’il ait servi de prétexte à la rupture de relations diplomatiques des pays occidentaux avec Damas, le massacre d’une centaine personnes à Houla ( 10 juillet 2012 ) s’est avéré être le fait de la rébellion[1].
Trois attaques supposées chimiques ont entrainé un déchainement international sans précédent à l’encontre du gouvernement Assad et, pour le premier, failli déclencher une guerre mondiale : le 21 août 2013 à la Ghouta , faubourg de Damas , le 4 avril 2017 à Khan Cheikoun, le 12 avril 2018 à Douma. Au moins la première et la troisième de ces opérations se sont avérées être des attaques sous faux drapeau de djihadistes soutenus par l’OTAN.
Pas d’antiaméricanisme primaire
Dire cela n’est pas donner dans un antiaméricanisme primaire, c’est au contraire regretter qu’un pays qui fut longtemps le champion de la liberté s’éloigne autant de ses valeurs fondatrices, sachant que la liberté et la démocratie sont inséparables de la vérité et de la transparence. Parmi les seize services de sécurité dont ce pays dispose aujourd’hui (selon le même Colin Powell), plusieurs ont fâcheusement adopté le culture du dirty trick.
Les attaques sous faux-drapeau avaient été au départ le fait de régimes totalitaires : ainsi la mascarade de Gleiwitz qui vit le 1er septembre 1939 un commando SS revêtu de l’uniforme polonais simuler l’ attaque d’un poste de douane allemand , prétexte grossier à l’invasion de la Pologne.
Dans le cas de l’attaque du détroit d’Ormuz, il est difficile d’imaginer comment l’Iran aurait pu s’en prendre à un navire japonais au moment où le premier ministre japonais, Shinzo Abe, était en visite officielle à Téhéran.
Rien ne prouve cependant que malgré sa détermination à briser les reins de la République islamique, Donald Trump ait commandité l’attaque d’Ormuz : d’autres forces , internes ou externes aux Etats-Unis veulent peut-être, comme ce fut le cas en Syrie, l’entrainer plus loin qu’il ne voudrait aller.
Roland HUREAUX
[1] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 13 juin 2012