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Roland HUREAUX

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6 juin 2022 1 06 /06 /juin /2022 17:37

https://www.atlantico.fr/decryptage/3585329/emmanuel-macron-ou-le-credit-reforme-epuise-regimes-speciaux-quinquennat-elysee-gouvernement-nouveau-monde-roland-hureaux

 

Ceux qui ont fait élire Emmanuel Macron, en France et à l’étranger, et qui    le soutiennent encore , spécialement au sein de la  droite classique, attendaient   de lui qu’il  prenne à bras le corps les problèmes du pays  et réalise enfin les réformes que ses prédécesseurs , de Chirac à Hollande, n’avaient pas osé faire : « Et Macron vint ! » titra Jean-Claude Casanova , non sans quelque ironie, après son élection[1].

Or ces réformes , il ne les fera pas, sinon à la marge. Pour la plus importante d’entre elles, celle des retraites,  il est possible qu’il sauve la face   en évitant   l’explosion sociale, mais il  est probable que, de concessions  en concessions,  le bilan financier pour l’Etat en soit in fine  négatif ,  comme l’avait été celui de  la réforme des retraites   concoctée par Sarkozy et Fillon en 2010.  Pour le reste, il est clair que Macron, a épuisé son crédit.

 

La logique du leadership

 

Les vraies réformes sont saignantes. Il est possible de les  faire accepter mais il faut pour cela que plusieurs conditions soient remplies .

La principale est qu’ une relation de confiance  soit établie entre le président de la République  et la population.

Pour que cette relation de confiance  existe, il faut que le peuple ait le sentiment que le chef de l’Etat  recherche avec ardeur son intérêt ,  à lui peuple, et son intérêt  seul .

Cette exigence n’est que l’expression de la  logique immémoriale du leadership, du pacte éternel entre  un dirigeant et son  peuple .

Cela exclut  toute  relation de dépendance du leader   vis-à-vis d’une force étrangère quelle qu’elle soit. C’est pourquoi  les réformes , dont certaines étaient pourtant utiles ,  entreprises par le régime de Vichy,  furent  récusées par les Français . Pétain était ressenti comme le « Prince esclave » , selon  l’expression du père  Gaston Fessard , et donc  illégitime  pour gouverner et  réformer.

Cela exclut tout autant  la dépendance vis à  vis des féodalités intérieures . En supprimant,  dès son arrivée,  la partie financière  de l’ISF , Macron a envoyé un très mauvais message à l’opinion , qui a  vu en lui  l’homme des très grande fortunes.

Cela exclut aussi  la dépendance du leader vis  vis de tout système , de toute utopie, en  bref  de toute idéologie. Or Macron a manifesté à plusieurs  reprises que sa préoccupation première  n’était pas  la puissance et la prospérité de la France mais de « faire  l’Europe » , un projet international  qui se distingue  peu du projet mondialiste    comme le montrent les traités de commerce signés avec le Canada et l’Amérique latine .  Il est impossible d’être à  la fois l’homme d’un système ou d’un projet idéologique et l’homme d’un peuple. L’idéologie, quelle qu’elle soit, et l’idéologie européiste n’est pas    la moindre, est incompatible avec le leadership.

Cela s’applique particulièrement  à toutes les  réformes que Bruxelles tente d’imposer à la France.  Quoique  les sondages montrent que la majorité des Français est  attachée à   l’euro, ils ne sont prêts à aucun sacrifice pour sa survie.  D’autant que,  sans être des  économistes qualifiés, ils sentent bien que toutes le réformes que ses dirigeants veulent  imposer  à la France ont moins pour but    le bien de  la France – qui pourrait  être poursuivi  par d’autres voies – que le maintien de   la France dans  l’euro et donc la survie de la  monnaie unique.

Il est déjà bien difficile de faire accepter des réformes  à un peuple quand son intérêt direct est en jeu, a fortiori  quand il ne l’est pas. Au demeurant  , à supposer qu’ils en acceptent les objectifs, soit  le rétablissement de l’ équilibre budgétaire  et celui des comptes extérieurs, donc la compétitivité de la  France   , les Français, moins aveugles que leurs dirigeants,  sentent bien que     cet objectif  est désormais hors de portée  et que donc leurs sacrifices ne serviront à rien. Hors de portée  dans les conditions actuelles , soit   avec un euro qui ,         par rapport aux prix intérieurs français, est nettement surévalué.

 

La rupture du pacte de confiance

 

Il ne  suffit pas que le président qui voudrait réformer  veuille d’abord  le bien des Français pour  que ses  projets  de réforme soient acceptées . Il faut  qu’il en donne le  sentiment ,  ce qui suppose du charisme, une empathie qui manquent singulièrement à Macron , lequel a,  à plusieurs  reprises,  laissé échapper des remarques qui montrent le mépris dans lequel il tenait  ses compatriotes. 

D’autant qu’il n’a pas  profité de la période dite d’ « état de grâce », les mois qui suivent son élection , pour entreprendre  les réformes les plus difficiles  comme celle des retraites. Celle-ci vient après le crise des gilets jaunes qui avait déjà marqué la rupture du pacte de confiance . Balladur avait su en 1993, dès son arrivée,  effectuer  une importante réforme de retraites qui , en raison du moment choisi, était passée comme une lettre à la poste.

Au  demeurant le président français  a-t-il vraiment le souci de faire des réformes utiles  ou seulement d’en   donner l’impressions à ses parrains,   à Berlin, à  Bruxelles  ou à Washington ?  Ces derniers connaissent mal les problèmes de la  France  . Depuis longtemps les gouvernements français  jouent la « comédie des réformes »,  lançant des  réformes à grand fracas  pour donner  dans ces capitales l’image d’une France qui bouge.  Cela aboutit parfois à de désastres. Un récent rapport interne à Goldman Sachs prescrivait la diminution  du nombre des communes en France en vue de diminuer les frais généraux du pays .  Or  loin de faire des économies, ce qu’on appelle l’ « intercommunalité » dont l’objectif était cette réduction, a considérablement   alourdi les coûts de la strate locale . Voilà une réforme  qui n’a guère de chances de réduire les    déficits français, au contraire. Il y en a d’autres . Mais à Bruxelles comme chez Goldman Sachs,  on  ne  connait la France qu’au travers de   quelques poncifs  dépassés [2], souvent répandus par nos compatriotes eux-mêmes  :  « La vieille France jacobine qui n’arrive pas à se réformer etc. » Le président français a d’abord le souci de  leur envoyer de la poudre  aux yeux et cela,  Macron sait faire.

Les grands réformateurs de droite,  de Gaulle , Reagan, Mme Thatcher, quelque appréciation que l’on porte sur leurs réformes,  furent des nationaux, voire de nationalistes.  Personne ne doutait qu’ils voulaient le bien de leur pays. C’est pourquoi leurs réformes furent appliquées.  

Penser  que les réformes   seraient mieux acceptées par les Français sous la botte de l’étranger, est un leurre,  comme on l’a on l’a vu aux heures sombres du XXe siècle.   Après l’Allemagne, l’Europe qui devait nous obliger à nous réformer : même illusion. Les stratèges qui , par divers subterfuges électoraux[3],  ont voulu placer, au travers de Macron,  un homme à eux à la tête de la France , susceptible  de réaliser enfin les réformes dont les Français avaient selon eux besoin ne pouvaient qu’échouer.   Moins que quiconque, Macron est à même de réformer la France comme elle doit l’être.    

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1]  Commentaire, n° 158, été 2017

 

[2] Les Allemands semblent nous  connaître  mieux.

[3] Entre autres par l’assassinat politique de Fillon.

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