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Roland HUREAUX

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:09

L’INFLATION JUSQU’OU ?  

Publié dans Monde et Vie 

L’inflation a deux significations.

La première, la plus connue : la hausse des prix des biens, des services et, éventuellement, des salaires. Hausse nominale, c’est à dire exprimée dans la monnaie courante qui est  en même temps une baisse du pouvoir d’achat si les revenus ne suivent pas.

La deuxième est aussi importante : l’enflement, toujours nominal, de la masse monétaire d’un pays, d’un groupe de pays ou du monde. Il est difficile d’en définir le périmètre : on distingue M1, M2, M3, selon le degré de disponibilité des actifs. Certains actifs telles les créances à court terme sont généralement considérés comme une part de la masse monétaire : bien que je l’aie prêtée, j’en ai la disposition presque immédiate. Si je l’ai placée à la banque, je la tiens à disposition aussi mais la banque peut l’utiliser en même temps en la prêtant à quelqu ‘un d’autre.

L’économie classique a toujours considéré que la dilatation de la masse monétaire entrainait la hausse des prix. Depuis environ vingt ans, les deux variables semblaient déconnectées. L’économie mondiale euphorique, notamment la Bourse, semblait vivre de création monétaire sans que les prix montent plus que les 2-3 % de routine.  Depuis quelques mois la loi économique nous a rattrapés et, au plan mondial, les prix montent de plus en plus, l’inflation  revient au premier   plan.

 

Money is credit

 

Comment se crée la monnaie ?  Là encor, selon la théorie la plus classique,  elle est la contrepartie des crédits à court terme que se consentent entre eux les agents économiques y compris les banques, les Etats, les entreprises et naturellement les particuliers. Le total consolidé de ces prêts   constitue la masse monétaire.

Qui mettre en cause dans l’inflation ? Le laxisme des banques, dit-on souvent, spécialement de la Banque fédérale américaine et de la Banque centrale européenne ? Oui et non : ce n’est pas là le début de la chaine causale. Personne n’emprunte s’il n’y est pas plus ou moins contraint (sauf pour investir mais les prêts à moyen et long terme n’entrent pas dans la masse monétaire).

Pour qu’il y ait demande de crédit, quelle qu’elle soit, il faut qu’il y ait quelque part un déséquilibre : des finances publiques, des États (défit de la balance de paiements), des entreprises, des particuliers. Le refus du crédit entraine une faillite.

 

Les facteurs de l’inflation

 

Quelles sont les principales causes de ces déséquilibres ?   A l’international, nous en voyons deux :

D’abord le déficit du budget et de la balance commerciale américains qui sont énormes  et qui ne cessent de grossir :   700 milliards de dollars, comme par hasard le montant du budget militaire américain, soit 50 % des budgets militaires du monde.

Les autres pays, jusqu’à une date récente, étaient obligés de rééquilibrer leurs balances pour rembourser les emprunts contractés en temps de déficit. Sur le court terme, un pays normal était soit déficitaire, soit excédentaire, mais sur le long terme il devrait équilibrer ses comptes.  Les Etats-Unis, eux, étaient dispensés de rembourser, le monnaie qu’ils mettaient en circulation dans le monde s’accumulait ou circulait dans les différents pays sans leur revenir. Et ça continue.

L’autre déséquilibre est créé par l’euro. Paradoxe pour un mécanisme prévu au départ pour assurer le stabilité des prix en Europe, il contribue aujourd’hui à l’ inflation, ce que Hayek appelait « la loi des effets contraires aux buts poursuivis ». Comment ?

Dans une Europe idéale, les Etats européens étant homogènes, les comptes des pays entre eux s’équilibreraient, sous réserve des variations passagères. L’Europe réelle n’est pas homogène.   L’évolution naturelle des prix et des coûts n’a donc pas tardé  à diverger  après la création de l’euro . Cette évolution différentielle des coûts entraine automatiquement des déséquilibres, dont on voit assez vite qu’ils sont sans remède en zone euro. Les pays structurellement excédentaires le sont de plus en plus, les pays structurellement déficitaires aussi.

Avant l’euro le rééquilibrage était assuré par des changements de parités monétaires, réévaluation, ou dévaluation.  Le pays qui dévalue   achète moins car il s’est appauvri mais vend plus parce que ses prix ont baissé, jusqu’au retour à l’équilibre. La dévaluation est difficile  mais nécessaire pour que les déséquilibres se résorbent périodiquement. Elle est aussi difficile pour celui qui réévalue : il s‘enrichit mais perd en compétitivité.

L’Europe a fonctionné avec ces mécanismes, point si douloureux qu’on a dit, jusque début de l’euro en 2000. Depuis,  la réévaluation et la dévaluation sont interdites. Les déficits et excédents qui se creusent à l’intérieur de la zone euro (laquelle jusqu’à une date récente était équilibrée à l’extérieur), se traduisent par des dettes et des créances qui ne cessent de grossir. Ces dettes et ces créances composent la masse monétaire.  D’autant que la Banque centrale européenne, pour éviter qu’aucune entité (Etat ou pays, voire grandes entreprises ou banques) ne fasse faillite, achète les créances en les transformant en euros qu’elle produit elle-même. C’est de la création monétaire ni plus ni moins. Sans cela l’euro se serait depuis longtemps effondré.

D’autres pays ont  leur part de responsabilité dans ces déséquilibres : la Chine longtemps excédentaire aurait dû réévaluer le yuan  pour rééquilibrer ses comptes. A quoi elle répondra sans doute que personne ne le lui avait demandé - et ce fut  en effet une grave erreur de ne pas poser cette condition quand ce pays fut admis l’OMC en 1999.  

On peut aussi mettre en cause beaucoup d’autres facteurs : le déséquilibre   des budgets par le covid, la hausse des matières premières,  mais le fait de base, c’est l’inflation de la masse monétaire au fil des ans.

 

Jusqu’où ?

 

Faut-il s’attendre à ce que la vague d’inflation s’apaise ?  Pour les Etats-Unis, c’est notre affaire, pas la leur  : the dollar is our money and your problem. Le récent sommet des Brics à Johannesburg a montré qu’ils n’étaient pas pressés de mettre les Etats-Unis à terre, ce qu’ils pourraient faire en refusant les dollars, mais ils ont, surtout la Chine, tant de réserves en dollar que ces réserves perdraient d’un coup une partie de leur valeur et ils seraient appauvris d’autant. Nul ne tient mieux un créancier qu’un gros débiteur. Pour la même raison sans doute ils n’envisagent pas de rétablir l’étalon or, or  qu’ils ont en abondance.

Mais les Chinois ne sont pas les seuls à pouvoir déséquilibrer le système monétaire américain. Les dettes internes sont encore plus colossales que les dettes externes. Les spéculateurs peuvent le faire imploser s’ils entendent dire qu’il va imploser et qu’il leur faut prendre les devants. Les marchés financiers conservent leur incertitude.

Côté européen, le sujet est plus délicat. L’accumulation des dettes des Etats, comme la France, celle des déficits extérieurs, ne pourra  pas durer indéfiniment. La déstabilisation de ce système impliquerait la fin de l ’euro que personne aujourd’hui n’envisage. Là aussi l’incertitude grande.

On a toujours distingué deux sortes d’inflation : rampante entre 3 % et 25 % par an, galopante jusqu’à 1000 % par jour et plus. Seule l’Allemagne a connu celle-ci en 1923 et en 1947. La France n’a pas connu d’inflation galopante depuis 1776, seulement rampante. Le plus probable est que les Etats européens empêcheront l’inflation galopante mais ne pourront enrayer une inflation rampante élevée.

La masse monétaire existante  est de plusieurs   centaines de milliers de milliards, peut-être   mille (la définition des contours de la dette ne permet pas d’être plus précis) pour un PIB mondial  d’environ 70 000 milliards de dollars. Une masse de 200 000 milliards serait déjà suffisante selon les ratios habituels.

 

La vitesse de circulation de la monnaie

 

La masse monétaire doit cependant  être corrigée par un autre paramètre, celui de la vitesse de circulation de la monnaie. Imaginons que ces immenses masses d’argent soient entre les mains de vieux riches et malades, sortant peu et n’ayant d’autres frais que quelques courses et les émoluments de leur gouvernante : tout se passe alors comme si cette masse n’existait pas. C’est en partie ce qui arrive  aujourd’hui. La vitesse de circulation de la monnaie reste basse mais elle peut se réactiver, à l‘occasion d’un héritage par exemple. A titre individuel sans doute mais à titre collectif ? On ne sait. Une panique monétaire peut entrainer une fuite devant la monnaie et l’inflation galopante. Dans ce cas, les avoirs bancaires seraient bloqués.

Il est déjà difficile aux Etats, l’Etat français en particulier, de réduire leur déficit, il est quasi impossible qu’ils reconstituent un excédent à même de rembourser leurs dettes. Les dettes continueront longtemps à être remboursées par d’autres dettes. Jusqu’à quand ?

Il est donc  douteux que la vague d’inflation que nous connaissons s’apaise. Aboutira-telle à un cataclysme ? Qui peut le dire ?

 

Roland HUREAUX

 

 

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