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Roland HUREAUX

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:58

 

MEME LES SCANDINAVES PERDENT LE NORD

 

Peut-être parce que nous sommes désorientés, le langage actuel se réfère beaucoup aux   points cardinaux : on dit que certains sont « à l’Ouest », une expression qui s’applique particulièrement à l’hybris guerrière qui s’est emparée des pays occidentaux, spécialement anglosaxons.

On parle aussi de « perdre le Nord ».

Des pays au-dessus de tout soupçon

Pendant plusieurs générations, on a tenu les Scandinaves pour les sages de l’Europe : la Suède particulièrement, par son statut de neutralité qui lui a permis d’échapper   aux deux guerres mondiales. La Norvège et le Danemark étaient   aussi absentes du premier conflit mondial et se sont trouvées bien malgré elles agressées au cours du second. La Finlande, prise entre l’Est et l’Ouest avait ensuite adopté sagement un statut de neutralité.

On ajoutera que ces pays n’ont jamais participé aux aventures coloniales, ce qui les fondait à aider sans qu’on les soupçonne d’arrières pensées néocoloniales les nouveaux pays indépendants d’Afrique. Une aide, il est vrai, plus généreuse que judicieuse car pour aider à bon escient il faut connaitre ceux qu’on aide, ce qui ce n’était guère le cas des nordiques.

Pacifistes, neutres, réputés pour leur rigueur protestante, ces pays étaient un vivier de choix pour les hauts fonctionnaires   internationaux de prestige ; on se souvient de Dag Hammarskjöld dont l’idéalisme alla jusqu’à à engager les troupes de l’ONU dans la guerre du Katanga (1961), ce qui lui coûta la vie, de Hans Blix et d’autres .

C’est l’Académie royale de Suède qui décerne le prix Nobel de la paix, récompense d’une longue neutralité. Mais pour combien de temps ?  Les dernières nominations sont de plus en plus politisées. Le prix 2021 a été attribué au patron de presse russe Dimitri Mouratov[1] qui à la tête de son groupe qui tire à 1,5 d’exemplaires résiste bravement à Poutine.  La prochaine fois, le comité Nobel trouvera sans doute un patron de presse français de cette importance résistant à Macron et à la pensée dominante occidentale !

Assez curieusement, ce statut de neutralité avait perduré tout au long de l’époque soviétique alors même que ce régime était animé d’une idéologie conquérante. Le communisme, il est vrai, malgré ses horreurs bénéficiait de quelque indulgence de la part des sociaux-démocrates scandinaves. Le premier ministre suédois, Olof Palme, a été assassiné en 1986 :  parce qu’il penchait trop à l’Est ?

Et voilà que ces Scandinaves si sages se préparent à abandonner cette neutralité   qui leur avait valu tant d’années de paix et une réelle autorité internationale, pour demander leur adhésion à l’OTAN. Adhésion encouragée par les Etats-Unis et presque tous les pays européens, la France de Macron, toujours un cran plus excité que les autres, en tête.

 

Pour quelle raison ?

 

Tout cela est d’autant plus fou que la Russie ne menaçait aucun de ces pays. A la différence de l’ex-URSS, elle ne cherche pas à diffuser une idéologie universelle mais à assurer sa sécurité sur ses abords, ce qui veut dire que ses voisins doivent se garder d’entrer dans une alliance hostile à la Russie. Nous n’admettrions pas davantage que la Chine s’allie avec la Belgique pour y installer des fusées pointées sur Paris.  Le point de départ de la guerre d’Ukraine (plus important que le Donbass ou la Crimée) a été la volonté forcenée des Etats-Unis, depuis la défaite  de Trump, de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN, tout le reste étant négociable. Et voilà que, loin de comprendre les préoccupations russes, pour aggraver encore la situation, la Finlande, voisine, elle aussi, de la Russie, qui précisément n’était pas dans l’OTAN, veut y entrer. Les gouvernements gestionnaires de type social-démocrate qui se succèdent dans ces pays ne produisent pas forcément des génies de la géopolitique.

Peu inquiets par la présence à leurs portes de l’ancienne URSS qui ne cachait pas sa volonté de conquérir le monde pour le convertir au communisme, ces Scandinaves sont inquiets d’une Russie qui revient aux valeurs traditionnelles et ne cherche à exporter aucune idéologie. Etonnant !

Ils espèrent quoi ?  Que les marines américains viendront les défendre en cas d’empiètement russe ? On sait bien qu’ils ne le feront pas. Devenir une cible alors que jusque là, ces pays étaient « hors jeu » ? Quel progrès ?

La Finlande n’a que 5 millions d’habitants mais une longue frontière commune avec la Russie, à un endroit stratégique. Adhérer à l’OTAN dans le contexte actuel ne la protège pas au contraire : elle prend rang dans la liste des ennemis de la Russie. Poutine a averti que cela représentait un changement important dans les relations entre les deux pays, jusque là apaisées.

Quant à la Suède, malgré la protection que lui offrait sa neutralité, ça faisait des années qu’elle rêvait (à tout le moins ses élites) de redevenir un pays « comme les autres ». Voilà, c’est fait.

 

Comme des vierges lasses de l’être…

Que les nordiques s’y soient laissés entraîner montre la force du   vent de folie qui emporte le monde.

Les Etats-Unis ne sont pas seuls en cause.  L’extrémisme est le propre de toutes les coalitions. Si un pays indépendant , comme la Turquie ou la Chine, peut avoir une diplomatie complexe, des positions nuancées, s’ouvrir au dialogue, une coalition ne se soude qu’en désignant un ennemi commun, en tombant ans un manichéisme sommaire. Une posture qui ne se prête pas aux compromis et qui ne se termine que par une victoire    ou une défaite totales.

Il était bon qu’il reste des pays neutres en Europe comme il y en avait eu dans tous les conflits du XXe siècle.  En radicalisant l’opposition entre l’Ouest et l’Est de l’Europe, la Finlande et la Suède, mettent toute l’Europe dans un logique de guerre. Il fallait bien qu’après des décennies de pacifisme, elles se rattrapent comme ces filles trop longtemps vierges à qui leur état finit par peser.    

Effaçant les derniers espaces de neutralité qui existaient en Europe, l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN sont des actes de guerre.

 

Roland HUREAUX

 

[1] Il se trouve que nous avons eu la chance de le rencontrer à Moscou où il tient pignon sur rue.

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