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Roland HUREAUX

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:26

 

Si le nouveau premier ministre, Jean-Marc Ayrault,  avait voulu conforter les pires caricatures que la droite fait, depuis quarante ans,  de la  gauche,  il ne s’y serait pas pris autrement que dans son discours de politique générale du 3 juillet.

L’émergence d’une  nouvelle génération de technocrates socialistes, issus de Terra Nova,  familiers du Siècle  et même, pour certains, du Cercle de Bilderberg  n’a laissé aucune trace  dans la feuille de route  du nouveau gouvernement. Le parti socialiste retourne aux grands classiques. Les Français n’en ont déjà retenu  que  plus de fonctionnaires et  plus d’impôts.

Les créations de postes sont égrenées de manière aussi monotone qu’inquiétante, d’abord  dans un certain nombre de secteurs clef : l’éducation nationale, bien sûr mais aussi  la police, la gendarmerie,  la justice, auxquels s’ajoutent 150 000 emplois dits d’ «avenir » pour les jeunes (que les collectivités locales finissent généralement  par titulariser). L’application assouplie  de la règle de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ne   reposera que sur des ministères non prioritaires comme  la défense,  et pour cause : presque rien dans le discours d’Ayrault  sur  la politique étrangère et les menaces qui planent  aujourd’hui  sur le monde.

En regard de ces recrutements,  une solide couche d’  impôts nouveaux   : 7 milliards tout de suite, bien plus à la rentrée. Contrairement à ce qui est annoncé, ils n’épargneront pas les classes moyennes (instauration d’une tranche à 45 %), ni même populaires (les heures supplémentaires redeviennent  imposables).  

Tout cela se comprendrait si, comme il arrivait au temps béni  des trente glorieuses, un nouveau gouvernement de gauche, disposant d’une vraie marge de manœuvre,  avait trouvé une France sous-imposée et sous-équipée en services sociaux ou  insuffisamment solidaire. Mais nous n’en sommes plus là !  La contrainte européenne que le Parti socialiste ne remet pas vraiment en cause, se fait de plus en plus rigoureuse. Il était déjà très difficile de rester au-dessous d’un déficit de 4,5 %  en 2013  ou de rétablir l’  équilibre d’ici 2007 : ce  sera plus difficile si on charge encore la barque.  Même si certains aménagement fiscaux corrigent de réelles  injustices, ce n’est pas au profit de contribuables qui payent trop : ces corrections   aboutissent seulement à alourdir la charge globale ;  la France est    déjà, avec  des dépenses publiques à hauteur de  56 % du PIB, en dehors sans doute de la Corée du Nord,   le pays le plus socialisé du monde.   C’est  un bien mauvais service que le gouvernement  rend  à notre pays  en aggravant encore ce poids. D’autant que l’expérience montre que  ces hausses sont généralement irréversibles ,  une marche avant sans  marche arrière.

Même contradiction en matière industrielle. On peut facilement se gausser du titre ronflant  d’Arnaud Montebourg,  ministre  du redressement productif : après tout,  l’ambition est louable – et même nécessaire. Mais elle est contredite par toutes les mesures qui  vont au contraire rendre ce  redressement plus difficile : hausse de la fiscalité des entreprises (spécialement celle des PME qui produisent en France, les multinationales qui financent les clubs socialistes y échappant), maintien dans l’euro, suppression de la TVA sociale (seul succédané possible, si on veut maintenir la compétitivité, à une sortie de l’euro).    La banque publique d’investissements est bienvenue mais n’existe-t-elle pas déjà ? Les efforts promis de recherche aussi, mais ils n’auront pas d’effet immédiat.   Au moment où les annonces de plans sociaux et  de fermetures d’usines  se multiplient,       la nomination de Louis Gallois, homme symbole et très estimable,   comme commissaire aux  investissements, ne rappelle-t-elle pas, toutes proportions gardées,  le  recours illusoire à un maréchal de France dans le désastre de 1940 ? Le contraste entre le volontarisme affiché et l’aggravation de tous les handicaps  macro-économiques du pays a quelque chose de pathétique. Montebourg va souffrir, lui qui avait eu le courage de poser le problème de la  compatibilité entre le socialisme et le mondialisme.

Le volontarisme est plus à sa place en matière de logement social, où la contrainte de la compétitivité n’existe pas mais survivra-t-il  à la  contrainte financière ?

On ne pleurera pas sur la surimposition des banques ou des sociétés pétrolières, pas davantage sur  la suppression d’avantages indus accordés aux Français de l’étranger en matière scolaire.

L’annonce de la réduction de la part du nucléaire dans la consommation d’électricité est un pur symbole : ou le nucléaire est dangereux et il faut le supprimer tout de suite, ou il ne l ‘est pas et il faut le maintenir. Mais, même non suivie d’effet, cette annonce nuira gravement à la  crédibilité d’Areva.

Même marche à rebours  en matière d’administration territoriale : certes, personne ne regrettera  le conseiller territorial, inutile hybride d’une inutile réforme Sarkozy, en partie abrogée,  mais au moment où l’opinion  supporte de moins en moins l’inflation d’une  administration locale dispendieuse, faut-il en remettre une couche avec un nouveau train de décentralisation ?  Et laisser  proliférer  la jungle  de l’intercommunalité ?

 

 

 

Une reprise de 1981, l’espérance en moins

 

En définitive, tout cela ressemble dramatiquement à une reprise de 1981 : on annonçait alors, complètement à contre-courant, la relance de la filière charbonnière, pour mieux la démanteler plus tard.  Et avec son allure  faussement rassurante de prof de gym,   Jean-Marc Ayrault,  au milieu d’un gouvernement d’énarques branchés, n’évoque-il pas  une époque désormais révolue de l’histoire du socialisme ?  

Le premier ministre a donné beaucoup de chiffres. Du « qualitatif » des politiques, on ne saurait attendre grand-chose. Comme il arrive depuis   trente ans,  la hausse des emplois  publics  et des impôts , vrai   tonneau des Danaïdes,   est  l’inutile remède à des politiques vicieuses :  créer des emplois  d’avenir et recruter  au Pôle emploi ( comme  la droite l’avait d’ailleurs déjà  fait) est une mauvaise réponse à la montée du chômage qui découle d’abord de la politique monétaire suivie depuis 1992, poursuivie avec l’euro fort – et aussi de l’afflux de jeunes générations d’immigrés - , mettre  plus d’enseignants dans le primaire évite de remettre en cause des méthodes pédagogiques absurdes,  recruter plus de policiers  et de juges est rendu nécessaire par le   laxisme de la politique  pénale etc. Les remises en cause idéologiques de ces dérives ne sont pas venues de la droite  ou si peu ; elles viendront encore moins de la gauche  qui en est à l’origine.  Plus que jamais la dépense publique est incantatoire et non point résolutoire. 

Tout aussi incantatoire et typique de ce social mal distribué qui exaspère tant  les Français est  le retour à la gratuité totale  de l’Aide médicale des étrangers (en situation irrégulière), au moment où 7 millions de salariés doivent rogner  sur leurs dépenses de maladie ;  en outre , cette mesure  ne pourra que relancer la pompe aspirante de l’immigration. Même si le gouvernement ne  dispose pas de la majorité des deux tiers  au Congrès pour réviser la constitution pour le concrétiser, le projet du droit de vote aux étrangers non européens aura le même effet.

Le mariage et le droit d’adoption  homosexuels sont  annoncés sobrement mais clairement. L’évidence qu’ils revêtent  dans certains  milieux libertaires  dominants à gauche et dans les médias contraste avec l’évidence contraire dans d’autres milieux, moins homophobes que rétifs à une    remise en cause radicale, sur un sujet anthropologique fondamental,  de l’  héritage judéo-chrétien. Les Etats-Unis sont quasi en guerre civile sur ce sujet.  Il n’est pas sûr que le gouvernement mesure à quel point ce projet, totalement étranger  à l’héritage de la gauche française, va diviser en profondeur le pays.

Mais là aussi, on est dans le monde des symboles : les socialistes sont, beaucoup  plus que la droite,  propres à manier les symboles politiques :  le mariage homosexuel ,  les 60 000 postes de l’Education nationale, comme la baisse de la TVA  sur le livre,  le droite de vote des étrangers et même  la retraite à 60 ans  ne sont pas des solutions  à des problèmes réels  (comme peuvent l’être par exemple les 150 000 logements sociaux promis) , ce sont des symboles – dont certains coûteront  cher.

Non seulement ce gouvernement  n’est porté, à la différence de  celui de 1981, par aucun commencement d’espérance, mais  même, confusément, il fait peur. Parce qu’il ne résulte d’aucune évolution de l’opinion vers la gauche, au contraire, mais aussi  parce qu’il semble terriblement déconnecté du réel : des  contraintes économiques et surtout des aspirations réelles des Français. Les vicissitudes de l’histoire font que dans presque tous les domaines,  - pédagogie, justice, lourdeur des dépenses publiques, assistanat désordonné, immigration- intégration,  c’est à  des réformes « de droite »  que les Français aspirent.  Sarkozy n’a été sanctionné que pour ne les avoir pas faites, ou si mal.  Ces réformes, le  gouvernement  Ayrault  leur tourne  le dos.   Comme disait le regretté  Philippe Muray, «  le réel  est remis à une date ultérieure. »

 

Roland HUREAUX*

 

Auteur de La grande démolitionLa France casée par les réformes, Buchet-Chastel, 2012.

  

Les résultats du premier tour des présidentielles montrent que la droite a progressé depuis 2007. Les  2,1 millions de vote blancs du second tour, venus en grande majorité de la droite, ont été fatals à la réélection de Nicolas Sarkozy.

En matière de maintien  des services publics, les Français aspirent au contraire à une politique de gauche, quoique la gauche française n’ait jamais été en reste  pour les démanteler. 

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commentaires

C
We prefer to use the term “conventions” rather than “rules” of right or “wrong”.
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M
<br /> pas vraiment dans le sujet. Je viens d'entendre sur radio courtoisie votre remarquable intervention, tout le reste était du vent ! bref, il n'y a rien à espérer d'autre que par le biais d'un<br /> référendum, en mettant le Ciel de notre côté par d'instantes prières, ajouterais-je ...<br />
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R
<br /> <br /> Merci de votre compliment. Je partage votre opinion. RH<br /> <br /> <br /> <br />