Au palmarès de la vertu politique, quoi de plus valorisant pour un candidat que de présenter un programme ? Et s’il est élu, quel éloge ne recevra-t-il pas s’il tient ses promesses ?
Quelle illusion pourtant ! Nous pensons qu’au contraire rien n’est plus calamiteux, aujourd’hui, pour la bonne marche des affaires publiques que les programmes et l’obligation que ressentent les élus de tenir leurs promesses.
Tout simplement parce que les mécanismes politiques actuels sont tels qu’il est rare que les programmes et les promesses soient bons.
D’abord parce qu’un bon programme est difficile à faire. Il suppose une analyse pertinente des dysfonctionnements de l’économie ou de la société qui n’est pas à la portée du premier venu. La faiblesse des servies d’étude des partis et le conformisme des think tanks à la française font que, la plupart du temps, n’en émanent que des analyses sommaires et des remèdes convenus dont on a rarement examiné la pertinence.
L’opinion, et surtout ses relais, s’en contentent. Les bons remèdes, à supposer qu’on les connaisse, sont difficiles à inclure dans un programme. Pas seulement, comme on croit, parce qu’ils remettront en cause des privilèges et apparaîtront donc impopulaires. Mais aussi parce que le public veut des schémas simples ; ce qui importe, ce n’est pas que le remède soit bon, mais qu’il en ait l’air : bonnes ou mauvaises, des réformes correspondant à de tels schémas ont plus de chances d’être acceptés que des solutions complexes.
Il ne suffit pas que les schémas soient simples, il faut aussi qu’ils soient dans l’air du temps, et pour cela qu’on en parle depuis assez longtemps pour qu’ils semblent désormais s’imposer.
On peut donner beaucoup d’exemples de ces propositions qui ont l’air d’ être des solutions à un problème (généralement bien réel), qui ont fini par s’imposer à l’usure et qui pourtant ne résolvent rien, au contraire :
Le paysage local français parait-il trop encombré ? On proposera de supprimer les petites communes alors même que ce ne sont pas elles qui coûtent cher et que leur regroupement (intercommunalité) entraînera complications et coûts supplémentaires ;
L’Etat coûte-t-il trop cher ? Plutôt que d’analyser en détail les causes des surcoûts, on proposera de fusionner des services aux finalités apparemment proches, alors même que l’expérience prouve que la plupart de ces fusons entraînent désorganisation et surcoûts (par exemple la création du Pôle emploi) ;
La classe politique a-t-elle perdu la confiance des citoyens ? on proposera de supprimer le cumul des mandats, source d’abus dit-on, alors même que ce cumul est sans doute le dernier cordon ombilical qui relie à la base populaire une classe dirigeante de plus en plus autiste.
Nous pourrions multiplier les exemples de cette sorte, dont on ne sait s’ils résultent de l’idéologie ou de l’incompétence – généralement les deux.
Mais il y a pire que les propositions superficielles n’ayant d’autre mérite que’ d’être dans l’air du temps, ce sont les propositions purement idéologiques, qui s’imposent comme une évidence au candidat d’un parti compte tenu de la culture de ce dernier à un moment donné mais qui ne correspondent nullement à une aspiration de l’opinion , encore moins à une solution à un problème ; ainsi le mariage de homosexuels, pur produit de l’idéologie dominante parmi les militants socialistes et dans les médias, chauffés à blanc par le lobby LGBT.
Faire le bien est plus important que tenir ses promesses
Il faut le dire sans fard : bien plus important pour un candidat élu que de tenir ses promesses, c’est tout simplement de faire le bien. Si telle promesse a eu un caractère démagogique, il s’honorera à ne pas la tenir ; si mal il y a, ça été de la faire, pas de la passer à la trappe. Si telle autre s’avère, au moment de la réalisation, plus compliquée à tenir qu’on ne pensait, si elle s’avère recéler plus d’inconvénients que ce que l’on croyait quand elle n’était qu’un slogan de campagne, là aussi, il mieux vaut l’oublier.
Il est facile d’appliquer cette grille de lecture aux 60 propositions de François Hollande.
Quelques-unes de ces propositions (assez rares) sont bonnes et leur application ne présente pas de difficultés majeures : ainsi la création d’une banque publique d’investissements ou le retrait des troupes françaises d’Afghanistan. Un programme ambitieux de construction de logements sociaux est sans doute opportun, sous réserve de son coût budgétaire.
D’autres promesses, également bonnes, risquent de sombrer dans les oubliettes parce que des groupes de pression suffisamment puissants s’y opposent : ainsi la réforme bancaire dont on sait déjà qu’elle sera réduite a minima, ou de la réduction à un écart de 1 à 20 des salaires dans les entreprises publiques.
D’autres engagements, critiquables, ont cédé devant la force des choses : ainsi l’engagement de rompre avec la Françafrique, violemment démentie par l’affaire du Mali. Heureusement !
D’autres mesures sont, elles, franchement inopportunes compte tenu de la conjoncture économique, ainsi la création de 60 000 emplois à l’éducation nationale, le retour à la retraite à 60 ans ou encore la réduction de la part du nucléaire dans l’approvisionnement énergétique de 76 à 50 %. Sur le plan de la sécurité, le renoncement aux peines planche, une des rares mesures utiles du quinquennat Sarkozy, quinquennat plombé lui aussi par trop de promesses oiseuses, est très regrettable.
Reste l’institution du mariage des homosexuels qui constitue (comme la légalisation de l’euthanasie, promise elle aussi) une rupture anthropologique grave qui répugne fortement à une partie des Français, pas nécessairement les moins éclairés. Elle laissera, si elle est adoptée, une cicatrice profonde dans la société française.
Monsieur François Hollande, si vous voulez passer à l’histoire comme un bon président, ayez la sagesse de ne pas tenir un certain nombre de vos promesses !
Vous avez compris, je l’espère, que malgré vos 60 engagements, un seul intéressait en réalité les Français et que, cet engagement, vous l’avez tenu dès le premier jour de votre élection : les débarrasser de Sarkozy dont, à tort ou à raison, ils ne voulaient plus. Le reste est littérature. Il est même probable que vous auriez été élu plus largement sans la plupart de vos engagements.
Après tout, la première mission d’un responsable politique, n’est pas d’abord de l’ordre du « faire » mais de l’ « être ». On n’attend pas d’abord de lui qu’il « fasse des choses », promises ou pas, mais qu’il tienne honorablement son rang et qu’il gère bien l’intérêt du pays, en fonction des circonstances : un homme d’Etat se doit d’être opportuniste.
Roland HUREAUX