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Roland HUREAUX

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 15:21

 

Augustin Cochin, La machine révolutionnaire, Œuvres , préface de Patrice Guenifey , textes réunis, présentés et annotés  par Denis Sureau,  Tallandier.

Paru dans la revue Commentaire n°164, hiver 2018-2019

 

Ce n’est évidemment pas l’histoire officielle  laquelle,   de Michelet  à  Soboul en  passant par Aulard et Mathiez , a célébré  la gloire de la Révolution française, qui pouvait  nous aiguiller vers les études d’Augustin Cochin sur le même sujet.  Pas davantage les historiens contre-révolutionnaires   qui , tel Gaxotte, en sont restés à une approche  littéraire  de l’histoire.

C’est François Furet qui l‘a tiré de l’oubli  où il était tombé. C’est  Taillandier qui s’est récemment risqué à publier ses œuvres  principales .

Une des grande originalités d’Augustin Cochin, mort prématurément  en 1916, c’est que tout  en ayant un point de vue clairement contre-révolutionnaire, il étudie la Révolution avec une culture « moderne » :  il est  chartiste certes  mais aussi philosophe et sociologue .  Il n ’hésite pas à faire   appel à Durkheim ou Lévy-Bruhl pour comprendre ce qui  s’est  passé. Bref un homme de droite  intelligent, apte à croiser les cultures,  ce qui n’est  pas si fréquent. Comme son père, il s’est tenu à l’écart de l’Action française, peut-être parce qu’il était  plus subtil  que Maurras. 

Fils d’un député de centre-droit de la IIIe République ,  vivant dans une honnête aisance , il était,   avec beaucoup de  conviction mais dans la discrétion,  catholique.  Il en est mort : de multiples blessures l’auraient fondé à rester chez lui comme le lui conseillait sa famille. Il demanda au chauffeur de  son père de le conduire une dernière fois au front  car il considérait qu’ il  était du devoir de la bourgeoisie  de partager jusqu’au bout   les épreuves du peuple. Il n’en revint pas. Il fut incontestablement    un chercheur , parcourant la Bourgogne avec son automobile – à une époque où il n’y avait évidemment pas de routes goudronnées -  allant de village en village à la recherche des  sources. Il était en même  temps un philosophe de l’histoire.  

Parmi ses idées les plus originales, le rôle de sociétés de pensée ( maçonniques ou pas) dans  l’avènement et le développent de la Révolution  française. Analyse  sociologique d’abord :  il montre comment ces sociétés  qui se multiplièrent à partir de 1770, préparèrent – pour ne pas dire manipulèrent -  les élections aux Etats-généraux, puis se trouvèrent être  par  épurations successives le moteur principal de l’accélération du processus révolutionnaire jusqu’à  thermidor. Pour Cochin, comme pour Burke, 1794 est déjà en puissance  dans 1789 et même 1788.

Analyse philosophique surtout .  Cochin récuse toute théorie du complot ; il démonte le fonctionnement  de   ces sociétés ,  fondées au départ sur une libre  discussion sans prétention à l’application pratique,  ce qui les  conduisit à l’abstraction théorique,  et qui se trouvèrent  amenées peu à peu à mettre  ces idées en œuvre  sans renoncer  pour autant à leur abstraction.  La résistance du réel , nécessairement complexe, aidant , les hommes de ces sociétés  , la principale étant le Club des Jacobins,  en  tous les cas ceux qui n’avaient  pas été jetés du train  en route,    furent   conduits à imposer leurs schémas abstraits  par la terreur.

Augustin Cochin n’ emploie pas le mot idéologie, mais c’est  très précisément le processus idéologique qu’il décrit avec une rare sagacité  quarante ans avant Hannah Arendt . En étudiant cet évènement  emblématique que fut la Révolution française, Cochin nous initie à un de phénomènes les plus pervers qui aient marqué la modernité, phénomène dont  nous ne sommes peut-être pas autant sortis que nous pensons.

 

Roland HUREAUX

 

 

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