L’IMMACULEE CONCEPTION, EXEMPTION DU PECHE ORIGINEL
Paru dans la Revue Résurrection
08/12/2019
« Et un dogme de l’ immaculée conception par-dessus le marché ? — Mais ainsi, elle (l’Eglise) a maculé la conception. » dit Nietzsche [1]. Ce disant, il est probable que l’illustre philosophe confonde l’immaculée conception de Marie et la conception virginale de Jésus. Quoique fils et deux fois petit-fils de pasteur, Nietzsche semble parfois n’avoir eu que des idées approximatives sur le christianisme.
Il reste que l’idée que la transmission du péché originel serait le fait de la sexualité traine tout au long de l’histoire de l’Eglise : venue des gnostiques, elle a été entretenue par un certains jansénisme encore puissant au XIXe siècle et demeure répandue dans le grand public . La question ne se pose évidemment pas pour un auteur comme saint Thomas d’Aquin qui ne croyait pas à l’Immaculée conception.
Le Bienheureux pape Pie IX , quand il proclame le dogme dans la constitution apostolique Ineffabilis deus du 8 décembre 1854 le définit de manière claire comme la seule exemption du péché originel :
Nous déclarons, Nous prononçons et définissons que la doctrine qui enseigne que la Bienheureuse Vierge Marie, dans le premier instant de sa Conception, a été, par une grâce et un privilège spécial du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute tache du péché originel, est révélée de Dieu, et par conséquent qu'elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles [2].
Le reste de l’encyclique rappelle les précédents de cette doctrine dans l’Eglise pour en montrer l’ancienneté et indique que la principale raison de l’immaculée conception de Marie est qu’elle allait devenir la mère du Sauveur.
Le pape n’en dit pas plus sur le mode de la conception de Marie, par une discrétion bien compréhensible face à un mystère sur lequel le Nouveau testament ne nous apprend rien.
Mais très tôt les auteurs de textes apocryphes s’étaient préoccupés de compléter ces lacunes :
Le principal texte est celui du Protoévangile de Jacques ( chapitres 1 à 4) [3].
Joachim fut fort affligé (de ne pas avoir d’enfant ) et se rendit au désert, y planta sa tente et jeûna en disant « Je ne descendrai ni pour manger ni pour boire jusqu’à ce que le Seigneur m’ait visité. La prière me sera nourriture et boisson »(…)
Anne était (aussi) fort affligée. Elle descendit dans son jardin pour se promener. Elle vit un laurier et s’assit dessous. Elle invoqua le Maître en disant : « Dieu de mes pères, bénis-moi et exauce ma prière , ainsi que tu as béni notre mère Sara et que tu lui as donné Isaac pour fils ».
Et voici qu’un ange du Seigneur se tint devant elle et lui dit « Anne , Anne, le Seigneur Dieu a exaucé ta prière. Tu concevras et tu enfanteras et on parlera de ta postérité dans le monde entier ». Et Anne dit : « Aussi vrai que vit le Seigneur Dieu, si j’enfante soit un garçon soit une fille , je l’amènerai en offrande au Seigneur mon Dieu, et il sera à son service tous les jours de sa vie ».
Et voici que Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne se tint aux portes de la ville et le vit arriver avec ses troupeaux. Aussitôt elle courut et se suspendit à son cou, disant : « Maintenant je sais que le Seigneur Dieu m’a grandement bénie ». Et Joachim reposa le premier jour dans sa maison.
Quoiqu’avec délicatesse, la fin de ce texte laisse entendre que la conception de Marie fut naturelle : ne fut surnaturelle que l’exemption du péché originel , effet, dit Pie IX, d’ une surabondance de grâce venue s’ajouter à la nature ( et non la guérir) .
La scène touchante de la rencontre de Joachim et d’Anne à la porte de Jérusalem , rencontre de deux époux qui s’aiment, a donné lieu à une riche tradition picturale dont on retiendra la fresque de Giotto à Padoue.
Deux autres apocryphes traitent de ce sujet différemment : l’Evangile du Pseudo-Matthieu [4] et le Livre de la nativité de Marie [5] présentent , eux, une conception « à distance » entre Joachim et Anne , annoncée à chacun par un ange.
Bien qu’ils aient popularisé les figures de Joachim et d’Anne , inconnues par ailleurs, ces textes n’ont en eux-mêmes aucune autorité . Ils sont, comme tous les apocryphes, plus tardifs que les textes canoniques . Pour le dernier évoqué, certains ne le font pas remonter plus haut que le temps de Charlemagne.
RH