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Roland HUREAUX

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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 00:56

Le caractère passionnel propre à toute combat électoral, aggravé lors des dernières élections européennes par  les fatales divisions du camp des patriotes (un mot que nous  préférons  à celui de souverainistes),  mais aussi  l’amitié qui me lie aux  deux contradicteurs,  m’ont amené à différer le commentaire  que je voulais  faire de   l’article de Bernard Seillier paru dans  La Nef de mai 2009 sur la notion de souveraineté   en réponse à un article de  Paul-Marie Coûteux.    .

Je partage l’avis de Bernard Seillier sur beaucoup de points, en particulier l’idée que l’Europe est  notre espace commun et que le légitime souci de la souveraineté nationale ne saurait faire de nous des europhobes ou  nous détourner du souci de promouvoir par les moyens adaptés une Europe prospère et unie, forte et libre, ce qui ne veut naturellement pas dire supranationale. Ce fut  d’ailleurs là   un des grands messages laissés par celui que l’archiduc Otto de Habsbourg a qualifié come un des pères de l’Europe, Charles de Gaulle.

Il est certain aussi que les gouvernements, quels qu’ils   soient, ne sont pas par-delà  le bien et le mal, ne se situent pas au-dessus de la loi morale et qu’ils doivent soumettre l’exercice de leur  pouvoir à une règle qui les transcende, à commencer par le souci du bien commun et du droit naturel.  Paul-Marie Coûteaux a-t-il d’ailleurs dit autre chose ? Je n’ai pour ma part jamais compris que le  souverainisme, trop souvent caricaturé, soit  autre chose que l’attachement à la souveraineté nationale. Or celle-ci n’est  ni « illusoire »  ni  « hérétique ».

  

Ni illusoire

 

Illusoire ?  Hannah Arendt a montré que tous ceux qui ont au XXe siècle   tenté de supprimer les libertés pour les broyer dans les machines totalitaires, ont commencé par en nier l’existence philosophique.  L’homme, disaient-ils, n’est que  le produit de sa classe sociale ou de sa race, sa liberté n’est qu’illusion.

Je me souviens d’avoir un jour  rencontré  un vieux maréchaliste qui disait à la cantonade qu’aucun Etat n’était vraiment libre, ce qui tendait à excuser le régime qu’il voulait défendre – et dans la foulée, la construction européenne. Je lui demandai : « Vous dites que les Etats ne sont pas libres .Et les individus le sont-ils ? »  - « Pas davantage » me fut-il répondu ? Si on nie la liberté des communautés, comment reconnaître celle des individus ?  Je suis sûr que cette philosophie holiste n’est pas celle de Bernard .Seillier.

Bien entendu les gouvernements concluent  des pactes qui les lient. Mais ils ne les concluent pas comme les individus. Aucune autorité ne vient au-dessus d’eux,  en leur lieu et place,  juger de la   manière  dont ils respectent  ces pactes,  ni leur en imposer par la force   le respect. Ces pactes, ils les honorent  comme ils peuvent, rebus sic stantibus  selon la formule du droit international,  et sans jamais perdre de vue les intérêts de leur peuple ; si ceux-ci leur commandent  un jour  de les dénoncer, ils doivent être en mesure de  le faire. .

Pour cela, celui qui est responsable d’une nation doit garder les mains libres. Le Père Gaston Fessard, le théologien de la Résistance,  a  montré comment  le notion de « prince esclave » ( prince signifiant toute forme de  gouvernement , individuel ou collégial) était une contradiction en soi. Car si le prince est lié de quelque manière à une autorité supérieure à la sienne, qu’elle soit interne ou externe , fut-elle cléricale,  il ne saurait être disponible à 100 % à ce qui est sa seule mission : le bien matériel et spirituel de son peuple. Il sera conduit à obéir à  d’autres contraintes et son action ne saurait dès lors  être la même que s’il était libre. C’est ce qui fonda les  Capétiens à affirmer que « le roi de France est empereur en son royaume ». Cette exigence d’indépendance à l’égard d’intérêts  particuliers ou étrangers, vaut aussi  vis-à-vis de toute considération  idéologique. Un gouvernement,  quel qu’il soit n’a  pas pour finalité de réaliser un « grand œuvre », une grande  mission : construire le socialisme, faire l’Europe, étendre le libre-échange sur la terre. Il ne doit avoir en vue que les intérêts de son peuple. La souveraineté a donc une signification.

On prétendra limiter la souveraineté des Etats par le principe de subsidiarité, instaurant ainsi une sorte de grandiose hiérarchie des pouvoirs allant de l’ONU à la cellule familiale.  Même si Bernard Seillier  reconnait que l’Etat tient dans cette hiérarchie « une place particulière », il faut aller plus loin. Seul l’Etat , dit saint Thomas d’Aquin est une « société parfaite », ce qui veut dire pouvant être dans les cas limites auto-suffisant. Le principe de subsidiarité n’oblige donc les gouvernants  qu’à l’égard des autorités  de rang inférieur  et il se confond dès lors avec le respect des droits des individus mais aussi des collectivités propre à tout Etat soucieux de justice. Et comme l’a montré  John Laughland, ce n’est pas la philosophie politique qui détermine ces droits, c’est   l’histoire particulière de chaque peuple.

 

Ni hérétique

 

La théorie de la souveraineté nationale n’est pas non plus hérétique. Pour affirmer cela,  il eut fallu se référer à quelque texte. On ne voit pas lequel. Richelieu, cardinal de l’Eglise  romaine,  si soucieux de rectitude doctrinale,  aurait-il été hérétique ?

La souveraineté appartient à Dieu seul, dit-on.

Si on veut dire par là que  le pouvoir, qu’il soit  monarchique,  aristocratique ou   démocratique n’a pas  compétence  pour fonder  ou a fortiori changer la règle morale ou encore en affranchir les gouvernants ou qui que ce soit, nous sommes bien d’accord. Sachant que cette règle, permanente par définition, ne se confond pas avec telle ou telle de ces décisions  particulières   qui font le  quotidien de l’action politique.

Si on veut dire encore que .tout dans le monde, par delà les apparences,  est gouverné par le divine Providence, on veut le croire.

Mais s’il s’agit d’opposer  la souveraineté de Dieu et celle des gouvernants, alors on met en concurrence ce qui ne saurait  l’être. Ce fut l’erreur de certains théoriciens  de la monarchie de droit divin, d’abord de  penser que les autres pouvoirs  ne l’étaient pas,   ensuite que cette origine divine les dispensait de payer , comme tous les  pouvoirs le font, leur dû  aux exigences pratiques, « machiavéliennes »  dirons-nous, qui conditionnent l’exercice du pouvoir, tombant ainsi  dans un idéalisme  suicidaire. Louis XVI, en cela    plus disciple  de Fénelon que de Richelieu ,  n’échappa  pas à ce travers.  .

Or si l’on suit à la lettre Paul dans  Romains XIII , il est clair que tout pouvoir est de droit  divin, à l’exception dirions nous aujourd’hui,  d’un pouvoir « intrinsèquement pervers »     destructeur du bien commun ( et encore n’oublions pas que Paul,  écrivant pourtant sous Néron, ne fait pas cette restriction). Mais qu’il soit monarchique, oligarchique ou démocratique, le pouvoir a beau venir de Dieu, pas plus qu’il ne peut  s’exonérer  de   la règle morale, il  ne saurait non plus faire l’ économie du souci proprement politique de sa propre conservation  et cela par les moyens propres à  la politique. Souci égoïste, dira-t-on ? Que non puisque derrière il y a les intérêts  de tout un peuple.   Si un pouvoir légitime se laissait, par faiblesse ou angélisme,  déposséder – ou s’il prenait indument comme émanant de   la souveraineté de Dieu  les injonctions de quelque  puissance étrangère, l’Empereur germanique ou le roi d’Espagne, sans oublier la commission de Bruxelles,  - voire le pape dans l’ordre  temporel - , il faillirait à sa  mission qui est encore une fois d’être tout à son peuple et à personne d’autre. D’autant que  si ce pouvoir  venait à être renversé, le pays pourrait se voir  plongé dans des convulsions  aux conséquences incalculables comme cela arriva avec la  Révolution française.

Comme la nature divine et la  nature humaine du Fils, telles qu’elles furent  définies   à Chalcédoine, l’ordre divin et l’ordre naturel  coexistent dans la  chose   politique « sans confusion ni  séparation ». Les séparer, c’est être, en politique,  nestorien, les confondre, c’est être  monophysite. La souveraineté de Dieu et celle des hommes qui ont mandat pour l’exercer  ne sauraient être en concurrence puisque elles appartiennent à des ordres différents.   


Roland HUREAUX

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commentaires

D
<br /> Bonjour<br /> <br /> je serais présent le 21 au sac a dos   12 h 30  René DELACROIX<br /> <br /> <br />
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