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Roland HUREAUX

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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 01:04

Les affaires  qui ont perturbé la rentrée,  le procès Clearstream, le projet de placer Jean Sarkozy à la tête de  l’EPAD,  les confidences de Frédéric Mitterrand,  semblent  s’apaiser, au moins provisoirement.  

Beaucoup de Français auraient volontiers passé au gouvernement ces soubresauts  s’ils avaient eu le sentiment que le coche allait dans la bonne direction, que d’authentiques et utiles réformes étaient en préparation.

Or la présente rentrée parlementaire est loin d’offrir une telle perspective.

Aucun parmi les  grands projets en chantier : la taxe carbone, la suppression du juge d’instruction, la réforme des collectivités locales, celle de la taxe professionnelle, qui ne soit à la fois plein de périls pour le gouvernement et  contestable quant au fond.

La  taxe carbone est très impopulaire. Elle est également  inutile -  sauf pour renflouer un budget lourdement déficitaire – et dangereuse. Inutile car la France ne produisant que 1%  du carbone mondial, cette taxe,  qui d’ailleurs ne réduira l’émission qu’à la marge, n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, faute que les grands pollueurs de la planète la mettent aussi en place. Elle est en outre injuste   parce qu’elle va frapper d’abord les catégories  les plus défavorisées : non pas les  assistés, mais les « travailleurs pauvres » : agriculteurs, artisans, ouvriers et petits employés obligés de faire des dizaines de kilomètres pour aller au travail et  que le coût de l’immobilier a obligés à se loger loin des centre-ville,  personnes âgées à qui leur  maigre retraite ne permet pas de rénover leur chauffage etc. Dangereuse car elle va encore altérer la compétitivité française qui n’avait vraiment pas besoin de ça.  

La suppression du juge d’instruction  défavorisera  les victimes  qui n’auront pas,  dans les cas où la police manquerait de zèle, les moyens de payer un détective pour instruire les affaires. Concentrant les pouvoirs entre les mains d’un procureur aux ordres du gouvernement, elle affaiblit  la « justice républicaine ».

La réforme des collectivités locales  qui heurte beaucoup d’intérêts politiques  établis, ne passera sans doute  qu’au prix de concessions qui  aboutiront, non point à un dispositif plus simple et moins cher, son  objectif de départ,  mais, selon un schéma déjà rodé en la matière, à tout le contraire : une nouvelle « usine à gaz »  plus compliquée et  plus coûteuse. Il est d’ores et déjà prévu que les futurs conseillers territoriaux percevront des indemnités plus importantes que les conseillers régionaux et généraux actuels. On dit aujourd’hui que leur nombre sera  réduit mais qu’en sera–t-il in fine ? Sans aller jusqu’à sa suppression come le prévoyait le rapport Balladur, la réforme va achever de vider de sa substance l’entité communale, la plus ancienne des institutions françaises, lieu par excellence de la démocratie de proximité. La suppression de la taxe professionnelle sans réduction des dépenses correspondantes ne changera rien à la charge globale

Dans tous les cas, on trouve à la fois  un vrai problème, une analyse insuffisante de ce problème, fondée sur des  clichés,  et dans deux cas au moins,  le  recours à des modèles étrangers tenus stupidement pour  meilleurs avant tout examen.

Il y a un vrai problème de pollution au carbone – même si le débat devrait être également ouvert à ceux qui pensent que ce  n’est pas là la  vraie cause  du réchauffement climatique. Mais l’approche punitive  -  toujours plus de réglementation  et de taxes -   dans laquelle se complait, à la suite Nicolas Hulot,  une partie des  écologistes, risque de dégoûter l’opinion de tout effort,    alors qu’il y aurait tellement mieux à faire   pour diminuer l’émission de carbone : mettre de l’ordre dans la jungle du marché des économies d’énergie, mieux informer l’opinion des avantages fiscaux existants etc. .

Il y a un vrai problème du fonctionnement  de l’instruction judicaire. Rappelons-nous toutefois que la malheureuse affaire d’Outreau a  non pas précédé mais suivi la dernière réforme destinée à résoudre ce problème : l’instauration du juge des libertés et de la détention. Déjà un problème mal analysé avait conduit à une réforme contre-productive !  La redéfinition des rapports du juge d’instruction et de la police,  la nomination de juges plus expérimentés, le recours partiel à la collégialité, une révision de notre pratique de la détention préventive eussent  été  des mesures  plus adaptées que la suppression pure et simple  de ce  maillon essentiel de notre système judiciaire. La justice américaine qui ne le connaît pas présente des dysfonctionnements assez graves pour qu’on ne la prenne pas en exemple. Quant à la justice anglaise,  souvenons-nous de  l’affaire des « six de Birmingham » qui firent vingt ans  de prison, sur une fausse accusation de terrorisme, à la suite d’une enquête de police manipulée ? Pire qu’Outreau.

Il y a aussi un problème de la lourdeur et du  coût de notre structure locale. Mais le nombre d’échelons administratifs est aussi élevé en Allemagne et aux Etats-Unis  que chez nous. Seule l’Angleterre a fait un réel effort de simplification au temps de Margaret Thatcher, effort sur  lequel  Blair est en partie revenu.  On confond la prolifération  verticale des niveaux avec la prolifération horizontale des communes mais celles-ci, largement administrées sur la base du bénévolat, coûtaient  très peu avant que le gouvernement y ajoute de force des échelons intercommunaux dispendieux. La  principale question  n’est pas abordée : c’est la  liberté, unique en Europe, qu’ont les collectivités locales d’engager des dépenses nouvelles.

Il y a enfin un vrai problème des charges qui pèsent sur nos entreprises. Mais si l’enveloppe de la taxe professionnelle demeure la même, cela veut dire que certains payeront moins mais  d’autres plus. On nous   promet que les  entreprises de production seront gagnantes. Tant mieux, mais il y aurait tellement  plus à faire.

S’ agissant des charges des entreprises, ce gouvernement qui se présente comme réformateur n a pas osé jusqu’ici réaliser la seule grande réforme qui s’impose si l’on veut sauver du désastre notre production  industrielle et agricole : l’instauration de  la TVA, bien mal nommée « sociale ». Ce n’est pas électoral,  dit-on. Jusqu’à ce qu’un   président  grand pédagogue sache expliquer les yeux dans les yeux aux Français qu’ils n’ont rien à y perdre, y compris dans leur niveau de vie, et tout à y gagner. Il ne s’agit en effet nullement  d’un transfert de charges des entreprises vers  les consommateurs, ni d’un moyen de sauver la Sécurité sociale. Il s’agit d’un transfert de charges des entreprises françaises qui vendent à l’étranger vers les entreprises étrangères  qui vendent en  France. Et tant qu’à faire,  pourquoi ne pas financer sur la même base, outre la sécurité sociale, la taxe professionnelle ?  L’Europe ne voudra pas,  objecte-t-on.  Mais l’Allemagne l’ a bien  obtenu et c’est une des raisons pour lesquelles sa balance est excédentaire et non déficitaire comme la notre.  La TVA sociale est la seule solution alternative à une sortie de l’euro  si l’on veut que notre compétitivité soit rétablie.   

Cet agenda mal conçu, mal ficelé, fait de réformes ni faites ni à faire,  nous promet des mois de cafouillage, de négociations, dans le genre de ce qu’on a connu avec la loi HADOPI ou le  travail du dimanche,  pour finir peut-être par une invalidation par le  juge constitutionnel. Il n’est pas sûr que le coût politique de ces réformes pour le gouvernement ne soit pas  au bout du compte  plus élevé  que celui des affaires de la rentrée. Il est probable en tous les cas qu’elles coûteront plus cher à la France. 



Roland HUREAUX 

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