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Roland HUREAUX

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:10

 

 

Un récent sondage[1] a montré que si votaient seuls  les fonctionnaires, tous corps confondus, civils et militaires, d’Etat, locaux et hospitaliers, le deuxième tour de la présidentielle se passerait entre Hollande et Le Pen.

C’est dire le degré de discrédit atteint par l’actuel  président au sein de la fonction publique.

Normal, diront les esprits paresseux: c’est un président libéral, hostile à l’Etat ; il a mené une politique libérale,  il en paye le prix.

Si encore les choses étaient aussi simples !  Si Sarkozy avait été un vrai libéral, nous aurions vu les dépenses publiques baisser, les effectifs publics se réduire,  la fiscalité s ’ alléger.

Mais il s’en faut de beaucoup. C’est sous son quinquennat que les dépenses publiques ont atteint leur maximum historique : 56 % en 2011 ; trente et un impôts nouveaux ont été créés, sans compter ceux que l’on a  alourdis, tel  l’impôt sur les plus-values. Le nombre de fonctionnaires d’Etat a un peu reculé, en fin de période,  par l’application de la règle déjà  ancienne de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ( la fameuse RGPP !) , mais surtout au détriment de l’armée, et sans qu’on empêche la fonction publique locale de croître parallèlement.

 

Le prix de l’incompétence

 

Bien que l’actuel président n’ait jamais aimé les fonctionnaires,  il aura  été celui qui a augmenté le plus les rémunérations des fonctionnaires d’autorité et de certains  corps  déjà bien rémunérés comme la police ou  les finances ; cela sous prétexte  d’encourager une productivité  bien difficile à mesurer.

Bien plus qu’une politique faussement libérale, Sarkozy a payé le prix de son incompétence. Il s’est trouvé propulsé à la tête de l’immense machine  étatique sans vraiment  la connaître, comme le capitaine d’un navire qui  ne serait jamais de sa vie descendu dans les soutes.

C’est ainsi que, dans son prurit de réforme, il  a donné un coup d’accélérateur à toute  une série de réformes qui se trouvaient, soit déjà votées et non appliquées, soit en gestation.

Parmi les lois déjà votées, la plus importante est  la loi du 1er août 2000, dite Loi organique des lois des finances (LOLF pour les initiés) approuvée à l’unanimité au temps de Jospin. Les enseignants, remplis de ressentiment  contre le président actuel, et qui manifestent avec raison contre l’évaluation systématique de leur travail,  savent-ils que cette évaluation n’est que l’application d’une loi votée du temps de la gauche ?  Elle ne devait s’appliquer qu’en 2005 et le  temps de rodage passé, elle n’a  fonctionné  à plein qu’à partir de 2007.

Cette loi repose sur des principes hautement contestables : les fonctionnaires  sont corporatistes,  ne travaillent pas ; il faut donc affaiblir  ou supprimer les corps ( agrégés,  gendarmerie, professeurs de médecine, DDE, DDA , corps des mines etc. ) et leur inculquer  la « culture du résultat », c’est-à-dire  le « pilotage » à  partir de statistiques d’ « efficience » toutes plus contestables les unes que les autres, toutes propices à la tricherie et  qui font ressembler  de plus en plus  l’administration française  à  l’économie soviétique.

Ces reformes par lesquelles on prétend  pompeusement  introduire  «  les   méthodes managériales  dans l’administration » reposent sur des principes faux. Le premier est  qu’une administration  se gère comme une entreprise ( Ludwig von Mises,  libéral de l’Ecole de vienne , a démontré le contraire ! ), le second  que les fonctionnaires ne travaillaient pas et qu’il fallait les « secouer » :  qui s’est jamais plaint du manque de zèle de l’administration fiscale ? Il y a, comme partout, 20 % de tire-au-flanc mais les fonctionnaires ne sont pas responsables des procédures compliquées et souvent  inutiles qu’on leur impose d’appliquer. Les corps ont été tenus pour archaïques :   on oubliait tout ce qu’ils  avaient   accompli  au cours  des cinquante dernières années : les instituteurs d’avant la « rénovation pédagogique »   pour  diffuser l’instruction dans le peuple,  les ponts et chaussées  pour équiper la France, le génie rural  pour moderniser l’agriculture, le corps des mines pour développer l’industrie .  L’honneur professionnel dont ils étaient  porteurs  était une motivation bien plus noble que le réflexe pavlovien de la  prime par lequel on voudrait le remplacer. L’honneur professionnel : un gros mot  dans le climat de « modernisation de l’Etat » !

Autre  présupposé faux : l’idée qu’ on accroît  l’efficacité en fusionnant les structures : communes,  police et gendarmerie, antennes locales de l’Etat, Impôts et Trésor, ANPE et ASSEDIC etc.  Non seulement ces fusions se sont  traduites parfois par une immense pagaille ( pôle Emploi),  mais les résistances légitimes n’ont été surmontées que par une large  distribution de primes qui a  annulé et au-delà les bénéfices attendus.

Que le gouvernement  ait tenté de réduire les effectifs de la fonction publique, passe encore , mais fallait–il , pour tout compliquer, que cette réduction , déjà difficile en elle-même   coïncidât avec le  double traumatisme d’une refonte générale des organigrammes et  de l’introduction du contrôle chiffré  systématique ? Pour couronner le tout,    les procédures ont continué à se compliquer comme jamais :   le Grenelle de l’environnement a produit     plus de 100 pages de textes  !

L’immense découragement qui règne de haut en  bas de la fonction publique et qui s’exprime dans beaucoup de départs  à la  retraite anticipés, est sans doute l’   héritage  le  plus désastreux du quinquennat.

Mais ne chargeons pas Sarkozy puis qu’il ne le mérite : la plupart du temps, il n’a fait que donner un coup d’accélérateur à des réformes qu’une certaine technocratie tenait  en réserve depuis de nombreuses années. C’est moins son activisme qui est en cause que sa passivité face à des logiques technocratiques absurdes que   de vrais politiques auraient dû  corriger.

Même s’ils n’en ont pas  tous conscience, ce  n’est pas  pour son libéralisme supposé que Sarkozy est  rejeté par une large majorité de  fonctionnaires, c’est pour son incompétence.

 

Roland HUREAUX*



[1] Sondage CEPIVOF rendu public le 31 janvier 2012

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