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Roland HUREAUX

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:13

 

Il n’était pas surprenant que le débat présidentiel ait porté sur la difficulté de se loger à Paris et dans les grandes métropoles pour les revenus modestes et même moyens.

La  mondialisation entraîne partout une stagnation  des revenus ordinaires, mais aussi des prix des produits de large consommation, largement  importés des pays émergents, l’un compensant en partie l’autre.  Au contraire se trouvent en hausse les très hauts revenus et toutes les valeurs d’actifs : actions (avec des fluctuations, bien sûr) ,   or,  mais aussi immobilier. Spécialement  l’immobilier des quartiers les plus recherchés des métropoles  internationales comme Paris. Dans une économie de plus en plus coupée en deux, entre une économie des riches où prix et revenus se sont envolés et une économie des pauvres où ils stagnent, l’immobilier constitue la zone d’interférence : bien de placement  pour les plus aisés mais aussi nécessité pour tous. C’est pourquoi la hausse de l’immobilier est si vivement ressentie par les classes populaires et même les classes moyennes des grandes agglomérations.

Cette difficulté à se loger entraîne une demande croissante de logements du secteur protégé, principalement HLM. Demande accrue par plusieurs facteurs :  la fragilité des couples qui fait que bien souvent, au lieu d’un logement, il en faut deux,  une immigration pas vraiment contrôlée depuis le traité d’Amsterdam (1997) et qui touche d’abord les grande villes ; cette demande se conjugue avec une offre insuffisante , du fait des restrictions de certaines municipalités conservatrices mais aussi de l’absence d’un volontarisme suffisant de la part des gouvernements qui se sont succédés (et que les candidats se proposent tous de rattraper !).

Mais la question ne se serait pas posée avec autant d’acuité si elle n’avait été compliquée par l’abandon de la politique d’aménagement du territoire au cours des dernières décennies . Quand exactement ? Il est  difficile de le  dire avec précision.

A la fin des années quatre-vingt-dix, nous dispositions d’un politique équilibrée. Le livre de Jean-François Gravier,  Paris et le désert français  (1947) faisait encore autorité  et la nécessité de desserrer la métropole parisienne au bénéfice de la province n’était pas discutée.  Elle avait favorisée l’ essor de plusieurs grandes villes de province.  A cela s’était ajoutée une politique des villes moyennes, des petites villes et aussi du monde rural destinées à étaler la population sur tout le territoire. A partir de la venue de  la gauche au pouvoir, la plupart de ces dispositifs, décentralisation oblige, ont été transférés aux régions qui ont eu,  chacune, des politiques différentes. Etroitement surveillée par Bruxelles,  au motif d’assurer la libre concurrence, l’action des régions  ne l’était guère par l’Etat central.

Mais à partir de 1990, la mode est  revenue aux grandes métropoles. Défendre le monde rural ou  les petites villes est devenu ringard, passéiste, voire, aux yeux de certains idéologues de gauche « pétainiste » ( on ne s’en était pas avisé entre 1945 et 1990 !). Il a été convenu, gauche et droite confondues que l’aménagement du territoire de papa était dépassé, qu « ’à l’heure de l’Europe » et de la mondialisation, la  France devait jouer moderne et tout miser sur la promotion de quelques grandes métropoles,  à  commencer par la principale, la  parisienne.

La stratégie du Grand Paris, lancée par l’actuel président, s’inscrit dans la même perspective[1].

Qu’il faille distinguer entre le rayonnement qualitatif de  Paris , sans doute nécessaire,  et son poids démographique, l’un n’allant pas nécessairement avec l’autre, était une théorie trop subtile pour une haute administration habituée  à agir  à partir de schémas simples.

On ajoutera les vieux dogmes de l’urbanisme à la française : refus du mitage et souci d’économiser  les  terres agricoles (et donc restriction du périmètre d’urbanisation),  nécessité de rapprocher autant que possible les lieux d’habitation des lieux de travail (dogme que le RER et le TGV auraient pu relativiser)  et toutes les conditions d’une pénurie de logement avaient été accumulées au fil des ans.

Comme il est à peu près impossible de faire baisser le prix de l’ immobilier parisien – même s’il connaît aujourd’hui un palier,  et bien difficile d’augmenter   les revenus , la solution à ce problème passe provisoirement par un volontarisme accru en matière de logement social.

Mais la solution à long terme ne saurait être, outre un contrôle sérieux de l’immigration, qu’une reprise hardie de la politique d’aménagement du territoire , scandaleusement remisée aux oubliettes. Après l’avoir perdu de vue pendant vingt ans, il est temps que nos gouvernements s’avisent que la France ne se réduit pas à ses quatre ou cinq plus grandes villes.

 

Roland HUREAUX*

 

·        Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

 

 



[1] Mettre tous les moyens sur 7 campus d’excellence à l’exclusion des autres procède de la même logique « concentrationnaire ».

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