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Roland HUREAUX

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 06:54

(Publié dans Marianne 2 ) 

On savait que la crise   pouvait affoler les marchés.  On ne se doutait pas qu’elle affolerait à ce point  certaines autorités de la République.

Si l’on en croit un entretien qu’il a  donné au Parisien libéré (1), Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers s’est senti investi, avant  même que Christine Lagarde le lui demande, de traquer les rumeurs qui pourraient exciter la spéculation contre l’euro.

 « Nous avons demandé le concours des services de police et de renseignement pour avoir accès rapidement  à  tous les mails, les conversations téléphoniques,  les correspondances  sur internet qui démontreraient l’origine de ces rumeurs ». Quelles rumeurs ? « Les rumeurs infondées sur la dette et sur l’euro (qui)   mettent en danger la sécurité des Etats  européens. »  

Si  j’ai bien compris, il me  faudra faire attention à ce que je dis.  Imaginons que j’aille au   bistrot du coin et que, devant mon petit noir,  je dise à la cantonade que le plan confectionné par l’Union européenne pour sauver  l’euro ne tiendra pas plus de quelques mois , ou encore qu’il  y a peu de chances que le peuple grec  accepte  jamais les mesures  de rigueur qu’on veut lui imposer . Si   les gendarmes  sont  appuyés  au même comptoir,  ils pourraient bien  m’interpeller sur le champ, me demander mes papiers   et  me prier  de les suivre à la brigade.

Quels délits  pourra-t-on m’  imputer ?  Propagation de fausses nouvelles, je suppose (article L. 465-2 alinéa 2  du code monétaire et financier).  

Le problème en l’espèce, c’est que les dites nouvelles, loin d’être fausses, pourraient bien être   vraies.  Monsieur Jouyet  parle lui-même d’un « endettement public colossal » :  doit-il se pourchasser lui-même ?

Il  est  habituel,  dans une crise de ce genre,  de dénoncer les spéculateurs.  Au temps de Robespierre, on leur coupait la tête.  Il arrive qu’ils  disent  des choses  fausses , soit qu’ils se trompent de bonne foi, et ils sont alors de bien  mauvais spéculateurs ( un mot qui veut dire « ceux qui voient loin » ) , soit qu’ils veuillent  tromper le public pour  faire des bénéfices à ses dépens et,  dans ce cas, ils sont très coupables. Mais s’ils disent des choses  vraies ? Ca leur arrive aussi. Va- t-on les poursuivre parce que ces vérités  risquent d’affoler les marchés ?

Cet épisode montre  quel point la remis e en cause de l’euro,  du fait de la crise grecque,   peut  créer du trouble dans les esprits. Jean-Pierre Jouyet fait partie de cette caste d’inspecteurs des finances  ou assimilés,  positionnés au centre gauche, soit chrétiens sociaux, soit socialistes rocardiens ralliés au marché,   ayant eu longtemps  pour  dénominateur commun  une croyance aveugle en l’Europe et en l’euro,  un sujet  sur lesquels ils ne pouvaient « ni se tromper ni nous tromper ».   Ils se  retrouvent aux Semaines sociales ou bien dans le club des   Gracques – personnages de l’Antiquité  avec  lesquels on ne voit  d’ailleurs pas le rapport  puisque  Tiberius et Caïus Gracchus, c’était les pauvres contre les riches et que la mécanique euro-libérale,  c’est à peu près l’inverse !  Ce sont en tous les cas  des  gens  très intelligents puisqu’ils avaient   prévu unanimement le succès de  l’euro, n’hésitant pas à contredire  le collège des Prix Nobel  d ’ économie, qui,  de manière tout  aussi unanime,  avait prédit son échec ! 

L’univers de ces personnes  est, on le comprend,  gravement ébranlé. Même si les chefs d’Etat et de gouvernement semblent,  à coup de centaines de milliards,  avoir trouvé une solution provisoire  à la crise grecque, le  problème de fond   demeure : le différentiel d’inflation au sein de la zone euro qui interdit définitivement aux Grecs de jamais  rembourser ce qu’on leur prête.

« Ne jamais rembourser ! »   Il  me faut encore  faire attention ce que je dis !    Heureusement,   j’ai la  caution de M. Thorstein Polleit,   chef économiste de la Barclays –Allemagne qui vient  de dire à peu près  la même chose (2).

Et oui : Gracques ou pas Gracques, il faut se faire à cette idée : il se peut que nous assistions à la  fin d’un monde.  On comprend qu’il faille mobiliser les gendarmes.

  Roland HUREAUX

 

 

1.         7  mai 2010

2.         Le Monde, 11 mai 2010

 

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commentaires

D
<br /> <br /> Roland Hureaux voudrait-il nous dire comment signer cet appel ?<br /> <br /> <br /> D'autre part, et sur le fond:<br /> <br /> <br /> - coordonner vos analyses avec celles d'historiens et économistes comme Edouard Husson et Norman Palma;<br /> <br /> <br /> - souligner que le remède ne consiste pas seulement dans la fin de la monnaie unique, mais aussi dans le rétablissement des monnaies nationales liées un étalon bimétalique;<br /> <br /> <br /> - élargir le diagnostic en l'étendant à des domaines à première vue entièrement indépendants mais, en réalité, tout à fait, parents comme celui de l'avenir du christianisme;<br /> <br /> <br /> - inviter les internautes à nourrir leurs réflexions par la lecture d'articles de fond dans des revues comme Liberté politique et<br /> Les Cahiers de l'indépendance;<br /> <br /> <br /> - lire de bons livres à l'instar de : L'Horreur humaniste (sous-titre: Genèse de l'irréligion libérale) et de ceux de<br /> Roland Hureaux.<br /> <br /> <br /> [liste non exhaustive]<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> Pourt signer l'appel, cherchez un des sites où il a été reproduit. Bien à vous.<br /> <br /> <br /> RH<br /> <br /> <br /> <br />