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Roland HUREAUX

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:05

ZELENSKI N’EST PAS VERCINGETORIX

Dans notre pays où on ne déteste pas la vaine gloire, de manière étonnante, le chef gaulois Vercingétorix a toujours été révéré.

Les Français l’ont toujours crédité de s’être rendu à Jules César pour épargner la vie de ses hommes , mourant de faim dans l’Alésia assiégée .  Y parvint-il ? L’histoire ne le dit pas. Les Romains étaient impitoyables pour les vaincus.

Lui , en tous cas paya le prix. Après cinq ans de détention, il subit l’humiliation de figurer    dans le cortège triomphal de César à Rome.  Il fut ensuite étranglé.

Cette histoire est trop vieille pour que ceux qui célèbrent ainsi la mémoire du jeune chef gaulois se soient trompés.  Elle signifie que le chef n’a pas pour finalité ultime sa propre gloire, encore moins sa vie, mais d’abord  la protection et si possible la préservation de son peuple[1].

 

Pas d’espoir pour Zelenski

 

Tel n’est manifestement pas le souci de Vladimir Zelenski, le chef des Ukrainiens. Il a eu peut-être le mérite d’incarner, à coup de communication, son métier, la résistance du peuple ukrainien, au moins de la partie qui ne veut pas devenir russe.

Aujourd’hui, il poursuit une lutte sans espoir. Si lui et ses parrains de l’OTAN proclament encore qu’ils vaincront la Russie, personne n’y croit. La seule question est de savoir à quelle sauce le régime de Kiev sera mangé.

Poutine qui a massé aux frontières de l’Ukraine assez de troupes pour entamer une grande offensive, tarde à s’y résoudre. Il semble préférer ce qui a été sa stratégie depuis le  début :  mener une guerre d’attrition pour anéantir peu à peu l’armée ukrainienne en éliminant  le maximum de ses soldats. Déjà 200 000 sont morts pour  20 000 Russes , disent ces derniers -  mais  aussi des sources israéliennes ou américaines.

Souvenons-nous qu’au  début de  la guerre, l’armée ukrainienne n’était pas beaucoup  plus nombreuse. On ne parle plus guère des bataillons de  choc néo-nazis : il sont sans doute été anéantis.

Non seulement l’état-major ukrainien ne se soucie pas d’épargner les vies humaines mais les effectifs venant à manquer, le terrible régime de Kiev fait appel aux femmes, aux adolescents, aux vieillards pour combler les vides. Ces pathétiques recrues de dernière heure, sans expérience, vont à l’abattoir mais le combat continue.

Dans cette guerre perdue d’avance, Zelenski qui a déjà laissé les Russes détruire le plupart des infrastructures,   entraine à la mort la jeunesse  ukrainienne. On devine avec quelles méthodes la réserve ainsi mobilisée   est forcée de monter en ligne.

Peu importe qui est responsable de la guerre : Poutine assurément, au moins pour le dernier acte. Mais   Zelenski ne devrait pas s’obstiner dans un combat qu’il ne gagnera plus et que d’ailleurs il ne pouvait dès le départ espérer gagner.

A sa décharge, les tentatives de compromis qui ont été négociées sous la médiation de la Turquie, d’Israël et d’autres , acceptées par Kiev et Moscou au début du conflit,  n’ont pas abouti parce que les Etats-Unis ne voulaient pas qu’elles aboutissent. Si le but de guerre de Washington a jamais été sérieusement de faire rentrer l’ armée ukrainienne    en Russie pour y déstabiliser le régime, cet espoir  , vain dès l’origine,  est moins que jamais  de mise.  Mais les Américains n’ont pas renoncé à leur objectif second : affaiblir la Russie en l’enlisant dans une guerre sans fin. Au prix même d’un élargissement ultérieur du front.

Les bouches se ont déliées,  et par Angela Merkel, François Hollande  ou Naftali Bennet, nous savons  à présent que la guerre était souhaitée aussi du côté américain depuis longtemps, au moins depuis 2014  où , suite au coup d’Etat provoqué par Washington à Kiev, pudiquement  appelé les évènements de la place  Maidan, date où a commencé l’armement massif de l’Ukraine par les pays de l’OTAN. Les accords de Minsk de 2015 que Paris et Berlin ont sabotés à la demande de Washington n’étaient qu’un rideau de fumée   pour  camoufler cet  armement.

Pauvre Ukraine ! Que dire de plus devant cette histoire  lamentable dont on ne sait  combien de jeunes vies elle emportera encore .

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

[1] Aucune ressemblance avec Juin 1940 qui marquait le début d’une guerre mondiale.

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:02

LA POLOGNE ET SES DEMONS

 

Comment ne pas s’effrayer d’entendre que certains Polonais rêvent que la Pologne ait la première armée d’Europe de l’Ouest ?

La moins réticente à s’engager en Ukraine, la plus remontée contre les Russes, ce qui n’est pas peu dire, c’est elle qui récolte le plus  d’armes américaines. Aussi certains, à Varsovie,  se prennent-ils à rêver d’une double revanche, sur la Russie mais aussi l’Allemane régulièrement mise en cause à Varsovie  pour sa tiédeur à envoyer des armes à l’Ukraine et aujourd’hui affaiblie.

Entre la Russie et l’Allemagne, la position de la Pologne n’a jamais été, il faut bien le dire, facile.

On a d’autant plus de mal à comprendre que la Pologne soit aujourd’hui beaucoup plus antirusse qu’antiallemande. Serait-ce l’effet des stratégies d’influence   de Washington, devenues si sophistiquées ?

A preuve la confiance aveugle que font les Polonais aux Etats-Unis qui les ont pourtant lâchés en 1939, en 1945 (Yalta), 1956, 1968, 1981  et qui les lâcheraient sans nul doute s’il y avait risque de guerre mondiale , au cas où la Russie s’en prendrait à eux .

L’Allemagne et la Russie, parfois avec l’Autriche, se sont partagé  la Pologne à plusieurs reprises à travers l’histoire. La première fois à l’initiative de deux Allemands : Frédéric II et Catherine II. La dernière en 1939.

Qui fut l’occupant le plus cruel ? C’est difficile à dire : le communisme stalinien s’en prenait tout le monde. Le massacre de Katyn toucha 24 000 officiers mais plus d’un million d’autres civils non-juifs furent aussi exécutés. Le régime d’Hitler visa d’abord les élites polonaises, y compris les prêtres catholiques. Le but était de faire de  la Pologne un peuple de sous-hommes sans instruction propres à devenir les serfs des Aryens. Avec ls juifs, qui étaient eux aussi polonais, il faut ajouter environ 3 millions de victimes (soit la moitié de celles de la Shoah).

Les Allemands firent souvent exécuter leurs basses œuvres par les Ukrainiens de Bandera. Le soutien aveugle que la Pologne apporte à l’Ukraine est d’autant  plus étonnant que le massacre le plus concentré dans le temps , sous  la Seconde guerre mondiale,  fut  celui où périrent, en juillet 1943, plusieurs dizaines de milliers de  Polonais de Volhynie sous les coups des Ukrainiens bandéristes inféodés à Hitler. 

La sagesse eut été pour la Pologne de ménager la Russie qui sera toujours pour elle un puissant voisin d’autant qu’au départ Poutine n’avait aucune revendication sur la Pologne. En s’engageant à fond du côté de l’OTAN dans une guerre perdue d’avance, les Polonais ont joué un jeu dangereux.

Mais la dernière chose qu’il faut demander aux Polonais, c’est une politique étrangère prudente. Qui se souvent du traité de défense entre l’Allemagne la Pologne de 1934 ?  Sait-on qu’aux accords de Munich (1938), la Pologne obtint une petite province tchécoslovaque ?  Un an avant de passer elle-même à la casserole ! La seule période où la politique polonaise a été raisonnable fut celle où s’exerça la tutelle discrète mais efficace du pape Jean Paul II.

L’aide de la France avait  sauvé la Pologne des Bolcheviks en 1921. On critique à juste titre la passivité française, qui, après avoir déclaré la guerre en 1939 pour défendre le Pologne ne fit rien. Mais a-ton jamais vu un pays perdre sa liberté pour en sauver un autre comme nous l’avons fait ? Et où étaient alors les Etats-Unis si révérés aujourd’hui à Varsovie ?

Le vrai risque pour la Pologne vient aujourd’hui des Etats-Unis. S’ils ne gagnent pas la guerre d’Ukraine, ils n’en auront pas mois affaibli, selon un plan très explicite rendu public un peu partout, la Russie , l’objectif initial étant de l’enliser dans une ou plusieurs guerres où elle épuiserait ses forces . Ils s’étaient mis à partir de 2014 à exciter et armer les Ukrainiens pour qu’ils leur servent, dans cette mauvaise affaire de mercenaires (proxys) . L’Ukraine y a perdu ses principales infrastructures, près de 200 000 hommes et peut-être sa liberté. Les armes américaines sont financées par des prêts et non données. Il lui faudra des dizaines d’années pour se relever.

Qui dit que les « néo-conservateurs » qui ont concocté toute l’affaire à Washington, dès que  la guerre d’Ukraine se terminera, par une victoire russe bien sûr, ne poursuivront pas leur opération de harcèlement et d’attrition de la Russie  en prenant pour base, après  l’Ukraine, la Pologne ?

Une provocation (les Américains savent monter des opérations sous faux drapeau : Vietnam, Irak, Libye, Syrie et peut-être d’autres – comme les Allemands l’avaient fait à la frontière polonaise en 1939 ) et la vanité polonaise aidant , voilà que ce pays partirait  pour l’abîme. Tout ce qui a fait sa prospérité depuis 1990 serait détruit.  Les  Américans ne s’engageraient pas directement , les pays d’Europe occidentale dont les armées sont exsangues non plus.

La Pologne ferait bien de revenir de son hystérie pro-ukrainienne qui a plus  nui que tout à sa sécurité.

 

Roland HUREAUX

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:00

UN COMITE DE REDACTION DE RESURRECTION VERS 1972

à paraitre dans la Revue Resurrection 

Les initiés savent qu’un des coups de génie de Maxime Charles fut de confier en 1967 la revue Résurrection qu’il avait amenée dans ses bagages de la Sorbonne au Sacré-Cœur à des étudiants avancés lesquels  constituèrent alors le mouvement Résurrection.

Il pensa à juste titre que ces étudiants d’élite, pour une large part normaliens et agrégés , de philosophie et d’histoire notamment,  n’avaient plus l’âge de suivre des cours, que c’était en les plongeant dans le bain de la direction d’une revue qu’ils apprendraient la théologie. Il donnait certes des cours de théologie à Montmartre, comme il en avait donné à la Sorbonne, mais c’était pour le niveau au dessous.

Le premier comité de rédaction de l’année scolaire avait lieu lors de la session de la Lucerne en Normandie et le premier numéro était composé largement à partir des exposés faits à cette occasion. Il se tenait, si le temps le permettait, en plein air, sur la pelouse de l’abbaye en ruines, généralement en présence du Père  Bouyer . Les sessions de la Lucerne mériteraient à elles seules une large évocation mais elles ne sont pas au centre de notre sujet.  La session de septembre 1971 fut mon premier contact avec le mouvement.

Les comités suivants n’étaient pas strictement formalisés ; ils n’étaient pas distincts des réunions de l’état-major du mouvement Résurrection dans l’antichambre du recteur de la basilique de Montmartre. La revue y tenait cependant la plus grande place .

Le recteur était présent mais pas toujours.

Les premiers rôles étaient tenus par ceux qui ont fait plus tard parler d’eux à différents titres, dont trois devenus depuis membres de l’Institut et d’autres qui ont fait de belles carrières universitaires.   On citera d’abord Jean Duchesne, Jean-Luc Marion, Rémi Brague, Marie-Hélène Congourdeau, Michel Costantini .

Il y avait des séminaristes, comme Michel Gitton, féru d’ égyptologie, Jacques Benoist ou    Jean-Robert Armogathe. Plus tard,  vinrent Philippe Barbarin et Jean-Pierre Batut tous deux devenus évêques . Plusieurs d’entre eux, venaient aux réunions de Montmartre en rasant les murs ; c’était le temps où , au séminaire de Paris,  la découverte d’un chapelet dans une chambre pouvait vous valoir  l’ exclusion .  Le futur chanoine  Armogathe qui , maoïste à 19 ans, haranguait les dockers de Marseille pour les détacher du PC , ne se laissait certes pas impressionner mais il eut la prudence de faire son séminaire à Rome. Plus exposé , Michel Gitton écrivait sous  le pseudonyme de Gabriel Nanterre. Pourtant Mgr Charles qui acceptait la liturgie en français, à condition qu’elle soit belle et le deuxième Concile du Vatican, tout en étant soucieux de rigueur doctrinale,  se distinguait très clairement des « intégristes ».  D’autant qu’à la différence d’autres , il ne considérait pas qu’on savait tout en connaissant saint Thomas d’Aquin.

Il avait aussi pour principe que la théologie ne pouvait que s’égarer  si elle était séparée  de la prière. Les réunions que j’évoque étaient précédées ou suivies  d’un temps  d’adoration eucharistique et de  l’office du jour ( en français, clôturé par le  Salve regina en latin) animé par la belle voix de Marie-Hélène Congourdeau.

 Parmi les signataires d’articles de cette époque,   on relève aussi  Gilles Danroc, devenu dominicain à Toulouse, Bertrand Gamelin , bénédictin à Solesmes, Martine Bottino, entrée aussi en religion à Marseille ,  la discrète sévrienne Françoise Vinel ou Martine Blum éminente sinologue issue du judaïsme. Et encore son futur époux , Pierre Marie Hasse.

On demandait des préfaces à Balthasar, Daniélou, Bouyer,  Le Guillou ou à l’orthodoxe Marcel Clément. Parfois Mgr Charles prenait la plume lui-même pour de courtes introductions .

Quoique le recteur de la Basilique ait présidé le plus souvent ces réunions, il n’était nullement directif. Il se contentait de quelques mises au point théologiques, plus pour éclairer que pour censurer, et apportait, à son habitude, son humour  ( qui a curieusement échappé à ses biographes ! ) et son lot d’anecdotes qui réjouissaient les présents ; plus historien que philosophe , il rappelait à l’occasion l’héritage de Bérulle et de l’école française de spiritualité, figures  d’un siècle classique qui avait sa préférence.

Ce n’était pas là un cercle fermé. Venait qui voulait – ou qui se sentait intellectuellement au niveau, condition  qui en inhibait beaucoup. Un mot de trop et on vous « collait » un article à faire.  Occasion d’étudier le sujet à fond.  Ceux qui n’y arrivaient pas pouvaient être aidés par de plus anciens ou , plus rarement, jetaient l’éponge sans encourir une quelconque exclusion. 

Jean Duchesne, agrégé d’anglais, le plus ancien du groupe où il avait entrainé Jean-Luc Marion,  dirigeait Montmartre orientations,  à l’usage du public ordinaire de la Basilique où Mgr Charles écrivait plus souvent.

Dans ce jeu de rôles qu’était un peu le comité de rédaction, Jean se voulait la voix de la base et effectuait, tout comme le recteur, les rappels à l’ordre en vue d’articles clairs.  Étaient particulièrement visés Jean-Luc Marion, Michel Costantini et Thierry Bert, qui tendaient à tirer  la théologie, le premier vers la phénoménologie,  le second vers la linguistique structurale et le troisième vers le lacanisme .  Rémi Brague, épris de philosophie classique,  était plus clair.  Ces exhortations ne furent pas toujours suivies d’effet. Il faut bien dire que certains des articles de cette époque demeurent abscons. Les autres étaient    généralement plus scolaires.

Les femmes, Marie-Hélène Congourdeau,   et Corinne Marion , outre leur culture théologique ou littéraire, se voulaient la voix spécifique de leur  sexe dans un groupe composé en majorité de jeunes hommes.

Je n’ai pas le souvenir que ces comités aient donné lieu des affrontements sérieux, tant les uns et les autres partageaient la culture commune.  Les opinions politiques très différentes des uns et des autres, n’étaient pas évoquées. L’érudition, la bonne humeur , entretenue en  particulier par Mgr Charles qui, contrairement à sa légende,  était un boute en train efficace, sous-tendus , dans le non-dit,  du souci permanent de paraître intelligent, font que ces années n’ont laissé que de bons souvenirs aux participants et firent de Résurrection une exceptionnellement école de pensée, théologique ou pas,  et d’écriture . Un réseau d’amis aussi , qui avait se rites :  par exemple le goût largement partagé des albums de Tintin qui donnaient lieu à des concours d’érudition tintinologiques.

Quand les principaux de ceux que nous avons cités partirent fonder la branche française de la revue Communio, lancée en 1976 à l’échelle internationale par les dénommés Balthasar,  Ratzinger  et Wojtila , cette étape se termina. Mais la revue ne s’arrêta pas. Un petit groupe dont j’étais s’attacha, autour du Père  Michel Gitton,  à la perpétuer.

 

Roland HUREAUX  

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:58

 

MEME LES SCANDINAVES PERDENT LE NORD

 

Peut-être parce que nous sommes désorientés, le langage actuel se réfère beaucoup aux   points cardinaux : on dit que certains sont « à l’Ouest », une expression qui s’applique particulièrement à l’hybris guerrière qui s’est emparée des pays occidentaux, spécialement anglosaxons.

On parle aussi de « perdre le Nord ».

Des pays au-dessus de tout soupçon

Pendant plusieurs générations, on a tenu les Scandinaves pour les sages de l’Europe : la Suède particulièrement, par son statut de neutralité qui lui a permis d’échapper   aux deux guerres mondiales. La Norvège et le Danemark étaient   aussi absentes du premier conflit mondial et se sont trouvées bien malgré elles agressées au cours du second. La Finlande, prise entre l’Est et l’Ouest avait ensuite adopté sagement un statut de neutralité.

On ajoutera que ces pays n’ont jamais participé aux aventures coloniales, ce qui les fondait à aider sans qu’on les soupçonne d’arrières pensées néocoloniales les nouveaux pays indépendants d’Afrique. Une aide, il est vrai, plus généreuse que judicieuse car pour aider à bon escient il faut connaitre ceux qu’on aide, ce qui ce n’était guère le cas des nordiques.

Pacifistes, neutres, réputés pour leur rigueur protestante, ces pays étaient un vivier de choix pour les hauts fonctionnaires   internationaux de prestige ; on se souvient de Dag Hammarskjöld dont l’idéalisme alla jusqu’à à engager les troupes de l’ONU dans la guerre du Katanga (1961), ce qui lui coûta la vie, de Hans Blix et d’autres .

C’est l’Académie royale de Suède qui décerne le prix Nobel de la paix, récompense d’une longue neutralité. Mais pour combien de temps ?  Les dernières nominations sont de plus en plus politisées. Le prix 2021 a été attribué au patron de presse russe Dimitri Mouratov[1] qui à la tête de son groupe qui tire à 1,5 d’exemplaires résiste bravement à Poutine.  La prochaine fois, le comité Nobel trouvera sans doute un patron de presse français de cette importance résistant à Macron et à la pensée dominante occidentale !

Assez curieusement, ce statut de neutralité avait perduré tout au long de l’époque soviétique alors même que ce régime était animé d’une idéologie conquérante. Le communisme, il est vrai, malgré ses horreurs bénéficiait de quelque indulgence de la part des sociaux-démocrates scandinaves. Le premier ministre suédois, Olof Palme, a été assassiné en 1986 :  parce qu’il penchait trop à l’Est ?

Et voilà que ces Scandinaves si sages se préparent à abandonner cette neutralité   qui leur avait valu tant d’années de paix et une réelle autorité internationale, pour demander leur adhésion à l’OTAN. Adhésion encouragée par les Etats-Unis et presque tous les pays européens, la France de Macron, toujours un cran plus excité que les autres, en tête.

 

Pour quelle raison ?

 

Tout cela est d’autant plus fou que la Russie ne menaçait aucun de ces pays. A la différence de l’ex-URSS, elle ne cherche pas à diffuser une idéologie universelle mais à assurer sa sécurité sur ses abords, ce qui veut dire que ses voisins doivent se garder d’entrer dans une alliance hostile à la Russie. Nous n’admettrions pas davantage que la Chine s’allie avec la Belgique pour y installer des fusées pointées sur Paris.  Le point de départ de la guerre d’Ukraine (plus important que le Donbass ou la Crimée) a été la volonté forcenée des Etats-Unis, depuis la défaite  de Trump, de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN, tout le reste étant négociable. Et voilà que, loin de comprendre les préoccupations russes, pour aggraver encore la situation, la Finlande, voisine, elle aussi, de la Russie, qui précisément n’était pas dans l’OTAN, veut y entrer. Les gouvernements gestionnaires de type social-démocrate qui se succèdent dans ces pays ne produisent pas forcément des génies de la géopolitique.

Peu inquiets par la présence à leurs portes de l’ancienne URSS qui ne cachait pas sa volonté de conquérir le monde pour le convertir au communisme, ces Scandinaves sont inquiets d’une Russie qui revient aux valeurs traditionnelles et ne cherche à exporter aucune idéologie. Etonnant !

Ils espèrent quoi ?  Que les marines américains viendront les défendre en cas d’empiètement russe ? On sait bien qu’ils ne le feront pas. Devenir une cible alors que jusque là, ces pays étaient « hors jeu » ? Quel progrès ?

La Finlande n’a que 5 millions d’habitants mais une longue frontière commune avec la Russie, à un endroit stratégique. Adhérer à l’OTAN dans le contexte actuel ne la protège pas au contraire : elle prend rang dans la liste des ennemis de la Russie. Poutine a averti que cela représentait un changement important dans les relations entre les deux pays, jusque là apaisées.

Quant à la Suède, malgré la protection que lui offrait sa neutralité, ça faisait des années qu’elle rêvait (à tout le moins ses élites) de redevenir un pays « comme les autres ». Voilà, c’est fait.

 

Comme des vierges lasses de l’être…

Que les nordiques s’y soient laissés entraîner montre la force du   vent de folie qui emporte le monde.

Les Etats-Unis ne sont pas seuls en cause.  L’extrémisme est le propre de toutes les coalitions. Si un pays indépendant , comme la Turquie ou la Chine, peut avoir une diplomatie complexe, des positions nuancées, s’ouvrir au dialogue, une coalition ne se soude qu’en désignant un ennemi commun, en tombant ans un manichéisme sommaire. Une posture qui ne se prête pas aux compromis et qui ne se termine que par une victoire    ou une défaite totales.

Il était bon qu’il reste des pays neutres en Europe comme il y en avait eu dans tous les conflits du XXe siècle.  En radicalisant l’opposition entre l’Ouest et l’Est de l’Europe, la Finlande et la Suède, mettent toute l’Europe dans un logique de guerre. Il fallait bien qu’après des décennies de pacifisme, elles se rattrapent comme ces filles trop longtemps vierges à qui leur état finit par peser.    

Effaçant les derniers espaces de neutralité qui existaient en Europe, l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN sont des actes de guerre.

 

Roland HUREAUX

 

[1] Il se trouve que nous avons eu la chance de le rencontrer à Moscou où il tient pignon sur rue.

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:55

L’IRLANDE EXISTE-T-ELLE ENCORE ?

 

Sur les stades de rugby, oui. Mais pour le reste ?

Un professeur irlandais d’une école chrétienne, Enoch Burke, a été récemment interdit d’enseignement et parce qu’il refusait  , par principe, de reconnaître la « transition de genre » d’un élève en l’appelant de son nouveau prénom.  N’acceptant pas de quitter l’école, comme il lui a été enjoint, il a été emprisonné sur l’ordre d’un tribunal. Il partage la cellule d’un gangster connu.

Voilà où en est l’Irlande, la vieille Irlande, celtique, traditionnelle et catholique.

La volonté de ce pays de rentrer dans le rang   le conduit à   soumettre prochainement à référendum une révision de la constitution laquelle disait, de manière il est vrai un peu datée,  que le devoir principal le la femme était de tenir son foyer.  Qu’importe ,  les femmes irlandaises travaillent à l’extérieur dans leur majorité et ça ne changera donc rien , mais l’Irlande veut résolument tourner le dos à son passé.

Quoi que nous pensions des questions sociétales en cause , nous aimions l’Irlande quand elle résistait à l’entrainement général , en particulier sur l’avortement.  Mais le 25 mai 2018, le pays, soumis à une pression internationale considérable a voté à 66 % l’amendement constitutionnel qui abroge son interdiction .  

Peu importe le fond, nous aimions, nous Français, cette Irlande résistante. Nous y voyions l’héritière, à l’ombre d’une l’Eglise catholique encore solide,  celle qu’avait fondée saint Patrick au Ve siècle , de siècles de résistance à l’emprise anglaise, une emprise qui s’était même traduite sous Cromwell par une tentative de génocide, puis au XIXe et au début du XXe siècle par les combats politiques et militaires   qui ont conduit à l’indépendance  en 1922, et à l’instauration de la    république en 1949.

Louis XIV avait tenté d’aider les catholiques anglais en révolte .  Il fut défait à la bataille de la Boyne , le 11 juillet 1690. Beaucoup d’insurgés trouvèrent refuge en France.  Qui le sait ? Cette défaite des catholiques fut célébrée à Rome par un Te Deum car le  pape faisait partie de la coalition antifrançaise. Politique d’abord.  D’une certaine manière , les batailles sociétales des années récentes prolongeaient cette résistance. Après tout, c’est du monde protestant anglo-saxon que sont partis les bouleversements des mœurs des dernières décennies et sous l’effet de sa propagande qu’ils se sont répandus.

Beaucoup d’Irlandais imaginent que le combat contre l’Eglise  prolonge le combat ancestral contre les Anglais. Ils se trompent . Les Québécois ont fait la même erreur.

Les Polonais auxquels on compare souvent les Irlandais ont eu une approche différente  ; ils ont été, il est vrai, vaccinés contre les différentes formes de  « progressisme »   par 45 ans de communisme.

Des Anglo-Saxons comme les autres

Les Irlandais peuvent être satisfaits : ils sont à présent des Anglo-Saxons comme les autres, fondus dans la grisaille libérale libertaire commune.

Leur pays est-il l’ élève modèle de l’Europe ( à l’opposé de la turbulente Angleterre)  ou le 51e Etat des Etats-Unis ?  Qu’importe, cela revient au même.

Un  Irlandais réputé catholique, mort en 2018, Peter Sutherland, a été un des hommes les plus puissants de la planète : commissaire européen, secrétaire général adjoint des Nations-Unies, président de l’OMC, président de Goldman Sachs, de la Royal Dutch  Shell, membre du Bilderberg et de la  Trilatérale et pour finir conseiller du pape François en matière de migrations. Apôtre des migrations sans restrictions ,  de l‘ouverture totale des frontières, en vue de la destruction des identités nationales   pour faire  place à l’Etat mondial. Voilà  un Irlandais d’aujourd’hui.

Beaucoup de Français qui ont admiré l’Irlande de toujours ont   cessé de s’intéresser à elle. Elle est de moins en moins catholique, elle n’est plus   l’immense pépinière d’écrivains qu’elle fut depuis Swift, de Wilde à Joyce, de Shaw à Yeats . Quelque part, cette fécondité était liée à  la résistance.  Beaucoup de ces écrivains avaient beau prendre leurs distances par rapport au catholicisme, nombreux étaient ceux qui comme Joyce avaient étudié chez les jésuites. Tous se voulaient farouchement irlandais.

« Si le sel perd sa saveur , il ne sert plus à rien ». (Mt 5, 16). On ne peut pas être woke et être quelque chose.

Qui nous rendra l’Irlande que tant de Français ont aimée  ?

 

Roland HUREAUX  

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:16

FAUT-IL VRAIMENT ENVIER LES ANGLAIS  ?

 

A la suite du décès de la reine Elisabeth II, la passation de pouvoir sans bavure à son fils Charles III , le protocole strict qui l’ a accompagnée et le faste des obsèques de la reine ont fait des   envieux en France.

On entendit de tous côtés vanter l’excellence des   institutions britanniques.  Certains vont jusqu’à regretter que les Français aient coupé la tête au roi, oubliant que les Anglais l’avaient fait avant nous.

Bref,  tout irait mieux chez eux à cause de leur attachement aux traditions.

Les mésaventures de la nouvelle première ministre Liz Truss obligée de démissionner au bout de six semaines vient à point pour rappeler que , par delà les fastes royaux , les institutions britanniques et le Royaume-Uni lui-même sont plus fragiles qu’on ne croit.

On comprend certes qu’avec une présidence aussi désastreuse que l’actuelle, la France lorgne vers la mangeoire du voisin. Mais on ne saurait oublier dans quel profond déclin est tombé aussi notre voisin d’outre Manche , sans que d’ailleurs la défunte reine y soit pour quelque chose.  

Paris n’a certes rien à envier à l’alignement sans nuances de Londres sur la politique belliciste de Washington. Les Anglais ont cependant l’excuse d’une longue tradition de complicité anglo-saxonne que nous n’avons pas. Où est le temps où la France et le Royaume-Uni pouvaient ensemble entreprendre une expédition militaire au Proche-Orient, nous pensons à la guerre de Suez (1956),  contre la volonté des Américains.  Elle ne fut pas un succès , mais au moins l’Europe n’était-elle pas alors réduite au rang de carpette ?

Sur le plan des institutions, dans ce merveilleux système , le vrai pouvoir est entre les mains du premier ministre. L’appauvrissement du vivier politique britannique a fait que le seul choix possible lors de la récente crise ait été celui de Liz Truss, une femme qui a immédiatement déclaré  « elle était prête à engager une guerre nucléaire , même si elle devait entrainer la disparition de l’humanité ». Elle a succédé à Boris Johnson qui avait été déjà poussé vers la sortie les parlementaires conservateurs pour des raisons si futiles que nous en soupçonnons d’autres qui, manifestement, dans cette grande démocratie, n’ont pas été expliquées au public.

L’économie britannique va mal. Mais le gouvernement ne peut pas, comme le notre , faire marcher la planche à billets à l’abri de la Banque centrale européenne, un artifice provisoire qui nous prépare des réveils amers .  Quand dans son inconséquence, Liz Truss a annoncé d’énormes cadeaux   fiscaux aux hauts revenus sans en prévoir le  financement , les marchés ne l’ont pas prise au sérieux , la livre a reculé et elle a dû partir.

Il sera bien difficile de lui trouver un successeur à la hauteur des problèmes. On dit même que Boris Johnson , dilettante mais brillant , pourrait revenir.

Ce pays a bien d’autres problèmes dont les Français ne sont pas conscients. Qui sait que Londres et la plupart des grande villes britanniques ont des maires issus de l’immigration pakistanaise ?  Visiblement le grand remplacement a pris de l’avance outre-Manche.

Pour le reste , la déliquescence sociale et morale du pays y semble encore plus avancée. Une grève de factures d’ électricité , que les Français n’ont pas encore osée, est en cours.

Il y a encore chez nous des familles qui refusent le déclin et qui le manifestent de différentes manières : choix de carrières de service comme les carrières militaires,  de préférence au business, attachement à   la tradition catholique , familles nombreuses. Malgré le caractère élitiste de la société anglaise, il n’est pas sûr que ce noyau d’où pourrait partir un possible renouveau y existe encore.

Il est des dévots pour se féliciter que dans ce pays , la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’existe pas. Mais le discrédit de l’Eglise d’Angleterre, que l’esprit du temps a contrainte d’ordonner des femmes et des homosexuels affichés   est grave : nous sommes loin de ce que fut jadis   l’esprit de la High Church. Dans cet Angleterre très chrétienne, les cliniques d’avortement font de la publicité dans les journaux ! Nous avons un peu plus de décence.

La liberté de la presse dont l’Angleterre était si fière s’est rétrécie chez eux comme chez nous par la poussée de la pensée unique,     exacerbée par la guerre d’Ukraine. La BBC n’est plus , selon beaucoup d’Anglais, qu’une machine de propagande woke.

Charles III aura fort à faire . Il est , dit-on, un fanatique de la lutte contre le réchauffement climatique.  La lutte pour enrayer le déclin britannique est une autre paire de manches.

 

Roland HUREAUX

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:13

FRANCOIS A MARSEILLE : « PIERRE, NOUS AIMES-TU ? » 

 

Paru dans Liberté politique 

 

Le discours de François sur l’immigration passe mal auprès de nombreux Français, catholiques ou non, de droite et même de gauche (Kouchner, Attali).

Il n’était déjà pas très sympathique qu’il préfère dire qu’il venait à Marseille et pas en France. Les fidèles de Marseille ont dû lui forcer la main pour qu’il accepte d’y célébrer une messe.

Comment comprendre ses reproches répétés aux pays européens, et singulièrement la France pour ne pas être assez ouverts et généreux pour les immigrants, alors que l’Europe est, de loin, le continent le plus accueillant du monde et, au sein de l’Europe, la France ?   A vrai dire aucun pays hors d’Europe n’accueille qui que ce soit. On l’a vu à la manière féroce dont les pays du Maghreb renvoient les immigrants de couleur. Mais François ne le leur dira pas.

Au vu de propos si injustes, comment certains de ses « fils » n’auraient-ils pas le sentiment de ne pas être aimés par leur père ?

 

Identité et christianisme

 

Sa théorie de l’accueil inconditionnel fait injure à la souffrance que ressentent beaucoup de Français face au fait migratoire.  Non pas par égoïsme matériel ou « indifférence », comme il feint de le croire,  mais par souci de sécurité et surtout crainte de perdre leur identité. Identité :  François n’a-t-il pas dit une fois qu’il y avait de l’idolâtrie à s’en  soucier trop ? Doctrine intéressante mais qu’on jamais entendue en vingt siècles de christianisme. Ignore-t-il que l’Europe s’est construite à partir d’identités   nationales   étroitement liées à la christianisation des différentes nations :   la France avec le baptême de Clovis, la Hongrie avec celui de saint Etienne, la Pologne avec saint Stanislas, l’Ukraine avec saint Vladimir ? Ces   hommes ont participé à la construction d’une Europe plurielle.  Les différents peuples qui se la sont partagée ont permis, après un l’Empire romain prédateur et lointain, la constitution d’unités plus petites, sans doute belliqueuses mais plus près des populations. On peut prendre ses distances avec le sentiment identitaire, mais au moins mérite-t-il un minimum de respect.

François dit que la    Méditerranée doit redevenir un espace de paix. Elle l’était sous l’Empire romain ; elle a cessé de l’être au VIIe siècle quand la conquête arable l’a coupée en deux. Par-delà les politesses diplomatiques, rien ne dit que cela changera.

 

Le fait migratoire

 

Ignorance aussi du fait migratoire lui-même. Comme beaucoup de nos compatriotes, François feint de croire qu’il exprime le débordement d’une Afrique surpeuplée miséreuse: non, il y a encore beaucoup de place   en Afrique ; l’attirance qu’exerce l’Europe est moins celle de sa richesse intrinsèque que celle des systèmes sociaux qui apparaissent aux Africains comme un Eldorado : ils semblent promettre aux émigrés de vivre sans travailler bien mieux que ceux leurs frères qui son restés  cultiver les champs   au Sud du Sahara. Est-ce là la justice ? Ces avantages sont d’ailleurs préemptés par les passeurs qui se remboursent dessus. Ce n’est pas non plus la guerre qui chasse la plupart de ces réfugiés : les pays vraiment en guerre : Soudan, Sud-Soudan, Somalie ne nous envoient personne.

Ils partent parce que des filières organisées tentent de les attirer chez nous. Elles leur font payer cher le voyage : un billet d’avion Dakar Paris coûte environ  300 € ; les passeurs leur  demandent 5000 €; la majorité des migrants perdront leur vie ou seront vendus comme esclaves.  Il n’en arriverait qu’environ 40 %. Les premiers responsables de ces drames sont les passeurs : le trafic d’êtres humains    rapporterait presque autant que celui de la drogue ; c’est pourquoi les organisations humanitaires qui aident les passages en Europe, souvent en cheville avec les passeurs, ont un rôle très discutable puisqu’ elles encouragent des départs qui pour beaucoup se terminent dans la tragédie. Qui croit qu’un Soros qui finance beaucoup de ces ONG le fasse par amour de l’humanité ?  Une personnalité de la « globalsphère » , décédé en 2018, l’Irlandais Peter Sutherland,  catholique, commissaire européen, directeur de l’OMC, secrétaire général adjoint des Nations unies, président de Goldman Sachs International et de British Petroleum , ayant des responsabilités  dans la Trilatérale et  le Bilderberg,  avait déclaré  à la chambre des pairs en 2012 que « L’Union européenne doit faire de son mieux pour détruire l’homogénéité interne des nations européennes » , l’afflux d’ immigrés devant contribuer à cette dissolution des entités  nationales  pour mieux construire des entités supranationales ;  François a fait de cet homme venu des « marges » son conseiller pour les migrations.

 

Pourquoi tant de noyades ?

 

Le même accuse avec véhémence les Européens de tolérer les noyades en Méditerranée ; il a raison mais c’est par leur lâcheté et leur humanitarisme mal placé qu’ils sont coupables. Il leur suffirait    d’obtenir du gouvernement libyen actuel, fantoche mais officiel, un droit de contrôler ses ports pour bloquer les départs, et peu à peu les décourager en amont  puis  d’éliminer les méfias de passeurs.   C’est très faisable, mais à Bruxelles qui participe largement   à l’idéologie du remplacement   et du métissage, personne ne le souhaite. On y préfère les noyades.

François a cependant raison de dire que ces passages ne sont pas une invasion au sens premier du terme : ce ne sont pas des guerriers qui viennent prendre le contrôle du pays où ils accostent comme les Germains du Ve siècle et les Arabes du VIIe. Mais comment empêcher les Européens   traumatisés, de le voir ainsi. Et à moyen terme, cela ne revient-il pas au même ?

 

Qui sont les vrais pauvres ?

 

La dénonciation par le pape de l’égoïsme des Européens recouvre une autre maldonne. Ce ne sont généralement pas les riches Européens qui ne veulent pas de migrants. Comme l’a justement rappelé Charlotte d’Ornellas, ce sont les petits. Les riches auront une main d’œuvre à bas prix, domestique ou professionnelle.  Tout en vivant dans des quartiers préservés, ils pourront, s’ils sont dans les médias, déverser leur mépris sans mesure pour le peuple « raciste », « identitaire » , enclin au « populisme ». Et encore mieux avec l’aval du pape. Les pauvres, tenus de cohabiter au quotidien avec les immigrés, concurrencés dans l’emploi, ceux que Christophe Guilluy appelle la « France périphérique », souvent moins bien lotis que les migrants installés, c’est d’abord eux que François humilie par ses algarades. Les évêques de France, le nonce, ne le lui-ils pas dit ?  

 

Ethique de conviction et éthique de responsabilité

 

Presque tout a été dit sur la distinction entre l’éthique de conviction    et l’éthique de responsabilité. La première s’applique aux relations interpersonnelles, la seconde aux décisions politiques. François, contrairement à ses prédécesseurs et même en rupture avec certaines   de ses déclarations passées, semble aujourd’hui confondre les deux .En les culpabilisant, il ne fait que faire souffrir un peu ses fils d’Europe

Il est vrai que François, c’est à mettre à son crédit, n’a pas calé sur les sujets sensibles comme l’avortement ou  l’euthanasie, mais pas en présence de Macron, le champion des « avancées sociétales » qui, avec son manque de tact habituel, s’était invité à Marseille. Ses positions sur l’immigration et l’écologie sont-elles pour François des gages donnés aux maîtres du monde pour qu’ils acceptent ses positions sociétales ?  On aimerait le croire. Mais le prix est bien lourd, notamment pour le crédit de l’Eglise.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:09

L’INFLATION JUSQU’OU ?  

Publié dans Monde et Vie 

L’inflation a deux significations.

La première, la plus connue : la hausse des prix des biens, des services et, éventuellement, des salaires. Hausse nominale, c’est à dire exprimée dans la monnaie courante qui est  en même temps une baisse du pouvoir d’achat si les revenus ne suivent pas.

La deuxième est aussi importante : l’enflement, toujours nominal, de la masse monétaire d’un pays, d’un groupe de pays ou du monde. Il est difficile d’en définir le périmètre : on distingue M1, M2, M3, selon le degré de disponibilité des actifs. Certains actifs telles les créances à court terme sont généralement considérés comme une part de la masse monétaire : bien que je l’aie prêtée, j’en ai la disposition presque immédiate. Si je l’ai placée à la banque, je la tiens à disposition aussi mais la banque peut l’utiliser en même temps en la prêtant à quelqu ‘un d’autre.

L’économie classique a toujours considéré que la dilatation de la masse monétaire entrainait la hausse des prix. Depuis environ vingt ans, les deux variables semblaient déconnectées. L’économie mondiale euphorique, notamment la Bourse, semblait vivre de création monétaire sans que les prix montent plus que les 2-3 % de routine.  Depuis quelques mois la loi économique nous a rattrapés et, au plan mondial, les prix montent de plus en plus, l’inflation  revient au premier   plan.

 

Money is credit

 

Comment se crée la monnaie ?  Là encor, selon la théorie la plus classique,  elle est la contrepartie des crédits à court terme que se consentent entre eux les agents économiques y compris les banques, les Etats, les entreprises et naturellement les particuliers. Le total consolidé de ces prêts   constitue la masse monétaire.

Qui mettre en cause dans l’inflation ? Le laxisme des banques, dit-on souvent, spécialement de la Banque fédérale américaine et de la Banque centrale européenne ? Oui et non : ce n’est pas là le début de la chaine causale. Personne n’emprunte s’il n’y est pas plus ou moins contraint (sauf pour investir mais les prêts à moyen et long terme n’entrent pas dans la masse monétaire).

Pour qu’il y ait demande de crédit, quelle qu’elle soit, il faut qu’il y ait quelque part un déséquilibre : des finances publiques, des États (défit de la balance de paiements), des entreprises, des particuliers. Le refus du crédit entraine une faillite.

 

Les facteurs de l’inflation

 

Quelles sont les principales causes de ces déséquilibres ?   A l’international, nous en voyons deux :

D’abord le déficit du budget et de la balance commerciale américains qui sont énormes  et qui ne cessent de grossir :   700 milliards de dollars, comme par hasard le montant du budget militaire américain, soit 50 % des budgets militaires du monde.

Les autres pays, jusqu’à une date récente, étaient obligés de rééquilibrer leurs balances pour rembourser les emprunts contractés en temps de déficit. Sur le court terme, un pays normal était soit déficitaire, soit excédentaire, mais sur le long terme il devrait équilibrer ses comptes.  Les Etats-Unis, eux, étaient dispensés de rembourser, le monnaie qu’ils mettaient en circulation dans le monde s’accumulait ou circulait dans les différents pays sans leur revenir. Et ça continue.

L’autre déséquilibre est créé par l’euro. Paradoxe pour un mécanisme prévu au départ pour assurer le stabilité des prix en Europe, il contribue aujourd’hui à l’ inflation, ce que Hayek appelait « la loi des effets contraires aux buts poursuivis ». Comment ?

Dans une Europe idéale, les Etats européens étant homogènes, les comptes des pays entre eux s’équilibreraient, sous réserve des variations passagères. L’Europe réelle n’est pas homogène.   L’évolution naturelle des prix et des coûts n’a donc pas tardé  à diverger  après la création de l’euro . Cette évolution différentielle des coûts entraine automatiquement des déséquilibres, dont on voit assez vite qu’ils sont sans remède en zone euro. Les pays structurellement excédentaires le sont de plus en plus, les pays structurellement déficitaires aussi.

Avant l’euro le rééquilibrage était assuré par des changements de parités monétaires, réévaluation, ou dévaluation.  Le pays qui dévalue   achète moins car il s’est appauvri mais vend plus parce que ses prix ont baissé, jusqu’au retour à l’équilibre. La dévaluation est difficile  mais nécessaire pour que les déséquilibres se résorbent périodiquement. Elle est aussi difficile pour celui qui réévalue : il s‘enrichit mais perd en compétitivité.

L’Europe a fonctionné avec ces mécanismes, point si douloureux qu’on a dit, jusque début de l’euro en 2000. Depuis,  la réévaluation et la dévaluation sont interdites. Les déficits et excédents qui se creusent à l’intérieur de la zone euro (laquelle jusqu’à une date récente était équilibrée à l’extérieur), se traduisent par des dettes et des créances qui ne cessent de grossir. Ces dettes et ces créances composent la masse monétaire.  D’autant que la Banque centrale européenne, pour éviter qu’aucune entité (Etat ou pays, voire grandes entreprises ou banques) ne fasse faillite, achète les créances en les transformant en euros qu’elle produit elle-même. C’est de la création monétaire ni plus ni moins. Sans cela l’euro se serait depuis longtemps effondré.

D’autres pays ont  leur part de responsabilité dans ces déséquilibres : la Chine longtemps excédentaire aurait dû réévaluer le yuan  pour rééquilibrer ses comptes. A quoi elle répondra sans doute que personne ne le lui avait demandé - et ce fut  en effet une grave erreur de ne pas poser cette condition quand ce pays fut admis l’OMC en 1999.  

On peut aussi mettre en cause beaucoup d’autres facteurs : le déséquilibre   des budgets par le covid, la hausse des matières premières,  mais le fait de base, c’est l’inflation de la masse monétaire au fil des ans.

 

Jusqu’où ?

 

Faut-il s’attendre à ce que la vague d’inflation s’apaise ?  Pour les Etats-Unis, c’est notre affaire, pas la leur  : the dollar is our money and your problem. Le récent sommet des Brics à Johannesburg a montré qu’ils n’étaient pas pressés de mettre les Etats-Unis à terre, ce qu’ils pourraient faire en refusant les dollars, mais ils ont, surtout la Chine, tant de réserves en dollar que ces réserves perdraient d’un coup une partie de leur valeur et ils seraient appauvris d’autant. Nul ne tient mieux un créancier qu’un gros débiteur. Pour la même raison sans doute ils n’envisagent pas de rétablir l’étalon or, or  qu’ils ont en abondance.

Mais les Chinois ne sont pas les seuls à pouvoir déséquilibrer le système monétaire américain. Les dettes internes sont encore plus colossales que les dettes externes. Les spéculateurs peuvent le faire imploser s’ils entendent dire qu’il va imploser et qu’il leur faut prendre les devants. Les marchés financiers conservent leur incertitude.

Côté européen, le sujet est plus délicat. L’accumulation des dettes des Etats, comme la France, celle des déficits extérieurs, ne pourra  pas durer indéfiniment. La déstabilisation de ce système impliquerait la fin de l ’euro que personne aujourd’hui n’envisage. Là aussi l’incertitude grande.

On a toujours distingué deux sortes d’inflation : rampante entre 3 % et 25 % par an, galopante jusqu’à 1000 % par jour et plus. Seule l’Allemagne a connu celle-ci en 1923 et en 1947. La France n’a pas connu d’inflation galopante depuis 1776, seulement rampante. Le plus probable est que les Etats européens empêcheront l’inflation galopante mais ne pourront enrayer une inflation rampante élevée.

La masse monétaire existante  est de plusieurs   centaines de milliers de milliards, peut-être   mille (la définition des contours de la dette ne permet pas d’être plus précis) pour un PIB mondial  d’environ 70 000 milliards de dollars. Une masse de 200 000 milliards serait déjà suffisante selon les ratios habituels.

 

La vitesse de circulation de la monnaie

 

La masse monétaire doit cependant  être corrigée par un autre paramètre, celui de la vitesse de circulation de la monnaie. Imaginons que ces immenses masses d’argent soient entre les mains de vieux riches et malades, sortant peu et n’ayant d’autres frais que quelques courses et les émoluments de leur gouvernante : tout se passe alors comme si cette masse n’existait pas. C’est en partie ce qui arrive  aujourd’hui. La vitesse de circulation de la monnaie reste basse mais elle peut se réactiver, à l‘occasion d’un héritage par exemple. A titre individuel sans doute mais à titre collectif ? On ne sait. Une panique monétaire peut entrainer une fuite devant la monnaie et l’inflation galopante. Dans ce cas, les avoirs bancaires seraient bloqués.

Il est déjà difficile aux Etats, l’Etat français en particulier, de réduire leur déficit, il est quasi impossible qu’ils reconstituent un excédent à même de rembourser leurs dettes. Les dettes continueront longtemps à être remboursées par d’autres dettes. Jusqu’à quand ?

Il est donc  douteux que la vague d’inflation que nous connaissons s’apaise. Aboutira-telle à un cataclysme ? Qui peut le dire ?

 

Roland HUREAUX

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:08

PAR PITIE POUR LE PEUPLE, LES EVEQUES DOIVENT CESSER DE REMUER LA BOUE 

La publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels qui auraient été commis dans l’Eglise au cours des dernières décennies est un acte contre la charité.

Ceux qui l’ont décidée semblent ne pas se rendre compte de l’état de population française en cet automne 2021, en partie du fait de l’épidémie : absence de perspectives économiques et politiques, montée des suicides, des dépressions, des avortements, recours accru aux neuroleptiques, explosion des consultations en psychologie et psychiatrie, menace de crise internationale.

Plongés ans une crise morale sans précédent, les Français attendaient de leurs pasteurs deux choses : des points de repères forts, une parole d’espérance réaliste, pas de « bonnes paroles », pas seulement pour l’au-delà mais pour ce temps.

Au lieu de cela, ils auront reçu « en pleine gueule » un tombereau d’insanités. La plupart des Français ne se sentent pas personnellement concernés par ces affaires. Nous parlons des Français car le vrai troupeau, aujourd’hui, ce sont eux, pas les seuls abonnés de La Croix.

Beaucoup pensent , non sans raisons, que le rapport a exagéré . La seule chose sûre   est que 243 victimes d’abus ont été entendues. 2819 auraient écrit une lettre.  Ça parait un gros chiffre en notre temps où personne n’écrit plus : une campagne de lettres ça s’organise et certains lobbies savent le faire.   Quelle légitimité a l’INSERM pour faire de sondages en la matière ? Passer sur ces bases à 320 000 victimes (dont 219 000 de clercs, soit 3000 clercs en cause pour 110 000 ayant exercé sur la période) se rapportant pour 54 % à des affaires vieilles de plus d’un demi-siècle nous parait de la  haute voltige.

La méthode de l’extrapolation rétrospective n’est pas scientifique. Dire : il y a eu tant d’abus dans la période récente pour laquelle nous avons encore des témoins ;    il y avait dix fois plus de prêtres dans les années cinquante et donc dix fois plus d’abus est une manipulation.  Elle ne tient pas compte de l’historicité du phénomène dont le pape Benoît XVI, comme d’autres, pense qu’il est lié à l’explosion libertaire des années soixante-dix (et non au Concile). Elle ne correspond pas aux souvenirs que certains ont gardé de cette époque. Dans les temps d’anticléricalisme très virulent (années 1880-1914), la question n’est pas évoquée. Elle l‘aurait été sans nul doute s’il y avait eu lieu.

Que M. Sauvé dont tout le monde disait du bien dans la vie civile ait cautionné ce rapport ne suffit pas.  La loi morale interdit de ne pas avouer les fautes que l’on a commisses. Mais en avouer que l’on n’a pas commises, surtout pour des pasteurs dont « la lumière doit briller aux yeux des hommes » (Mt 5,7), n’est non plus pas innocent.  

Le souci d’une purification toujours à recommencer, au prix d’aveux scabreux,  peut être même tenue pour une forme narcissique de recherche de la pureté de type pharisien. Les victimes, qui certes méritent une grande compassion, sont-elles unanimes à le demander ?

Les évêques français semblent ignorer les mécanismes de communication subliminale : même si aucun d’entre eux n’a commis les fautes invoquées (nous n’en doutons pas), une opinion mal éclairée va associer désormais évêque/pédomanie, un mécanisme dont fut victime à Lyon le pauvre cardinal Barbarin et que cherchent sans nul doute à nourrir les ennemis de l’Eglise. 

Quoique le rapport l’exagère, le mal a existé, c’est une chose entendue. Les coupables, s’ils sont encore en vie, et s’ils ont toujours dans l’Eglise,  sont renvoyés à leur conscience et à la justice.

Plutôt que de multiplier les résipiscences importunes, ceux qui, en connaissance de cause,  n’ont pas cherché à les neutraliser devraient à notre sens, réviser leur doctrine   sur deux sujets :

  • L’esprit de corps, épiscopal, clérical ou ecclésial, n’est pas le dernier mot de la charité.  Il n’interdit pas par exemple qu’un prêtre dangereux, par ses mœurs ou par sa doctrine, soit expulsé de l’Eglise.
  • Encore moins, la crainte du scandale est-elle l’expression de la prudence ou de la sagesse. Nous ne parlons pas seulement de scandale qui   éclabousserait l’institution, mais tout simplement de celui qui ferait des remous. Le remous n’est pas un mal en soi. Et empêcher des remous peut l’être. J’ai entendu un homme d’Eglise critiqué parce qu’il était « clivant » et donc source de problèmes : mais Notre Seigneur Jésus Christ ne l’était-il pas, lui aussi, clivant ?

Le bruit fait autour du rapport Sauvé, qui   a suscité découragement et colère - non contre les faits supposés mais leur exagération et leur publicité.  Il est notoire que beaucoup de pratiquants n’ont nullement envie de payer son coût exorbitant (3 millions d‘euros).

Le premier acte pastoral que l’on attend des évêques est de tourner la page.

 

André VIDAL

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 21:06

 

LA DIPLOMATIE DE BENOIT XVI

 

Exerçant sa haute charge entre deux papes à la grande visibilité politique, Jean-Paul II et François, Benoît XVI n’a pas cherché à briller par ses prises de position dans le champ diplomatique.

C’était déjà beaucoup qu’il ait été le plus grand théologien de tous les pontifes qui se sont succédés depuis Pierre (en concurrence avec le seul Grégoire le Grand), et un homme profondément spirituel.

Est-il exagéré de dire qu’il a voulu être d’abord le chef de l’Eglise avant d’être celui d’une puissance temporelle, ce que le Saint-Siège, malgré la faiblesse de ses moyens, parmi lesquels le statut d’Etat indépendant, est aussi ?

Cela ne signifie aucune rupture par rapport à son prédécesseur et ami Jean Paul II dont il fut, comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, un très proche collaborateur de 1981 à 2005, soit 24 ans. En un temps, il est vrai sensiblement plus court (2005-2013), il visita 25 pays, ce qui n’est pas si mal – contre 127 pour Jean-Paul II. Aucun de ses voyages n’eut l’effet subversif de certaines visites de Jean-Paul II qui précipitèrent des changement politiques importants en Pologne, au Chili, aux Philippines.

 

L’Europe au centre

 

L’impression reste, à tort ou à raison, qu’il se concentra un peu plus que Jean Paul II sur l’Europe.

Le plus important est peut-être qu’il ait été allemand.  Son élection fut accueillie de tous bords avec enthousiasme par une Allemagne pour qui elle représentait, après les crimes que l’on sait, une forme de réhabilitation. Bien entendu, on fouilla dans son, passé pour savoir s’il n’y avait pas eu chez cet homme, né en 1927, quelque compromission avec les nazis. En vain. Le journal Libération consacra une laborieuse enquête pour savoir s’il avait été nazi, finissant par conclure que non : avec moins de parti pris, le journal aurait pu trouver la réponse plus vite !  Poser la question, c’était déjà semer le doute.

Les JMJ de Cologne suivirent de peu son élection. Sur un terrain qui lui était connu, il montra une capacité de parler aux foules qui supportait la comparaison avec celle de son prédécesseur. Il présida aussi ceux de Sydney et de Madrid.

Allemand, il appartenait à la fine fleur des intellectuels de ce pays, membre de sa prestigieuse Université. Que ce théologien  que l’on disait conservateur ait été capable d’un dialogue public de haut niveau avec le philosophe de référence de sa génération, l’athée Jürgen Habermas, contribua fort à la crédibilité de l’intelligence chrétienne. Rien qui allait moins bien à cet homme doux que le qualificatif de panzer cardinal dont l’affublèrent les chrétiens prétendus progressistes

A côté de l’Allemagne, notons un certain faible pour la cuture française qu’il sut si admirablement célébrer aux Bernardins. Membre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques, il connaissait intimement notre culture, particulièrement les grands laïcs catholiques du XXe siècle :  Péguy, Bernanos, Maritain.

Plus que son cosmopolite prédécesseur, celui que Bernard Lecomte appelle le « dernier pape européen» a semblé  marquer une préférence, mais nullement une exclusivité, pour l’Europe. 16 de ses 25 visites pastorales, (sans compter les innombrables visites en Italie), eurent pour destination notre continent. Il fut sans doute un peu plus favorable à la construction européenne, dont il mesurait cependant les faiblesses notamment sur le plan éthique, que Jean Paul II qui ne manquait pas une occasion de rappeler   que si le Saint-Siège était favorable à toutes les formes de coopération en Europe, il ne lui appartenait pas de dire quel en était le cadre institutionnel le plus adapté. Rien de comparable chez le Polonais et l’Allemand à l’appui sans équivoque que le pape argentin François, lauréat du prix Charlemagne, devait apporter à l’Europe institutionnelle.

Dans plusieurs discours remarquables, en France aux Bernardins, en Allemagne à Ratisbonne et à Berlin, à Londres à l’occasion de la béatification de John Newman en 2010, bel hommage rendu à la fois à l’intelligence et à l’Angleterre, il ne manqua pas d’expliciter sa conception de l’Europe qui était d’abord pour lui une cuture, et une culture chrétienne.  Il laissa même échapper une fois, célébrant la venue de saint Paul à Thessalonique, que l’Europe était un continent privilégié dans le plan de Dieu, le monde grec qui la préfigurait venant dans l’évangélisation immédiatement après le monde juif.  Tout à fait conscient et désolé du déclin spirituel et moral de ce continent, il ne manquait pas de rappeler que si l’Europe était infidèle aux valeurs chrétiennes et à la loi naturelle, notamment par rapport à l’avortement, elle perdrait ce qu’elle tenait pour ses valeurs propres : primauté du droit, liberté et démocratie. C’est peut-être déjà fait.

 

Une volonté de réconciliation sur tous les continents

 

Sur tous les terrains, il voulut être un   homme de réconciliation, se souvenant de son prédécesseur Benoît XV qui avait tenté une médiation pour abréger les souffrances de la Première guerre mondiale.  

Il maintint, quoi qu’en en réduisant l’importance, la rencontre interreligieuse de Sienne où certains voient à tort une marque de relativisme.
A l’intérieur de l’Eglise, le motu proprio Summorum Pontificum (2007), aujourd’hui fâcheusement remis en cause, assura la coexistence pacifique des différents rites, particulièrement en France.

Même état d’esprit d’ouverture sur des dossiers difficiles comme celui de la Chine où il écrivit le 27 mai 2007 une lettre aux catholiques chinois, leur demandant de se rapprocher de l’Eglise officielle.

Il tenta aussi des ouvertures en direction de l’orthodoxie. Dès son élection, il remplaça au siège de délégué apostolique auprès de catholiques de Russie un Polonais par un Italien.   C’est, parait-il, à la demande des orthodoxes qu’il renonça à son titre de patriarche d’Occident. Sans connaitre tous les dessous de l’affaire, il nous semble que, sur le plan œcuménique, en gardant ce titre, le pape pouvait se présenter, dans certaines circonstances, comme un patriarche parmi les autres. En l’abrogeant, ne se place-t-il pas au-dessus des autres, une position qui est loin de lui être reconnue par les Orientaux ?   

Le monde juif aurait pu accueillir mal la nomination d’un Allemand. Ses travaux érudits étaient cependant assez connus du milieu rabbinique pour qu’on sache qu’il avait une connaissance très fine et un immense respect du judaïsme.  Il se rendit à Auschwitz et, comme Jean-Paul II, à la Synagogue de Rome ; il ne fut pas non plus avare de gestes appréciés lors de son voyage en Terre Sainte.

Il reste que sur ces questions délicates, Chine, orthodoxie, relations avec le judaïsme, Benoit XVI fit peu bouger les lignes, sauf à la marge.  Il est vrai que son esprit rigoureux   n’était pas prêt à certaines concessions sur les principes dont son successeur ne s’embarrassa pas, notamment vis-à-vis de la Chine.

Bien qu’animé d’un esprit d’ouverture, le pape suscita quelques scandales pas forcément au détriment de l ’Eglise.

Dans son discours de Ratisbonne du 12 septembre 2006, exaltant la coexistence pacifique des religions et rappelant qu’on ne convertit pas par la force, il évoqua ce qu’un empereur byzantin, Manuel II Paléologue dit   dans un dialogue avec un savant musulman, laissant penser que le christianisme était plus tolérant que l’islam. Justifiée ou pas, cette citation provoqua un tollé dans le monde musulman que, très vite, Benoit XVI s’attacha à apaiser, notamment en allant prier le 1er décembre 2006 avec des dignitaires musulmans, lors d’un voyage à Istamboul, à la Mosquée bleue, ce qui lui fut   reproché cette fois dans le milieu catholique. Il reçut aussi le roi d’Arabie Fayçal au Vatican, tenu par beaucoup de musulmans pour leur chef, visite sans précédent.

Le second scandale précéda sa visite au Bénin et en Angola (novembre 2011), à la rencontre des épiscopats africains, la seule visite qu’il ait faite à ce continent.   Il fut rapporté par la presse qu’à l’aller, il aurait dit dans l’avion que le préservatif n’était pas la solution miracle contre le sida, qu’il fallait aussi une approche plus éducative. Tollé médiatique en Occident, même dans l’Eglise, contre ce pape réactionnaire, criminel puisqu’il allait favoriser l’expansion de la maladie. Ce tollé eut l’effet inverse de celui qui était attendu : instinctivement les Africains sympathisèrent avec le pape auquel s’en prenait tout ce qu’ils honnissaient dans la gauche progressiste occidentale.   Alors que rien ne    prédestinait au départ un homme si réservé à trouver un langage commun avec l’exubérante Afrique, son voyage fut un grand succès.

Il faut dire que les Africains détestent que les Occidentaux se mêlent de leurs problèmes sexuels ou démographiques. Les campagnes répétées pour le préservatif ou, plus récemment, pour les mariages homosexuels ont suscité une haine que nous n’imaginons pas dans les populations africaines. Ce tollé médiatique suffit à faire acclamer Benoît XVI comme « leur pape » par les Africains. Il n’est pas sûr que, malgré ses ambitions « populistes », son successeur soit si bien perçu sur ce continent.

On ne saurait tenir ce trop bref résumé de ce que fut l’activité internationale de Benoit XVI sans évoquer sa démission le 23 février 2013. Elle eut lieu juste avant les JMJ de Rio de Janeiro qu’il ne se sentait pas la force physique de mener à bien.  Est-il vrai que le Vatican venait d’être exclu du réseau interbancaire Swift ?  En quoi cet homme  plutôt favorable à la vision occidentale aurait-il déplu à la gouvernance mondiale ? Nous laissons chacun à ses spéculations sur ce sujet délicat.  

Son décès récent a en tous les cas montré la profondeur du rayonnement spirituel et intellectuel de ce pape si discret et si dénigré de son vivant pour sa rigueur doctrinale jugée par certains excessive.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

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