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Roland HUREAUX

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26 octobre 2023 4 26 /10 /octobre /2023 13:57

« ŒIL POUR ŒIL, DENT POUR DENT » : UN MOINDRE MAL

 

Après les événements terrifiants qui se sont produits en Israël le 7 octobre à l’initiative du Hamas, il était normal que l’Etat d’Israël cherche à exercer des représailles.

Ce dont on pouvait rêver est qu’Israël se contente d’appliquer le vieux précepte   biblique « Œil pour œil, dent pour dent » (Exode 21,23, Lévitique 24, 19-32).

Beaucoup de nos contemporains le tiennent pour l’expression de    la barbarie des temps anciens. A tort.  Il était certes naturel que, dans les guerres sans fin que se livraient à l’aube de l’histoire les tribus gauloises, les cités grecques, les Hébreux et leurs voisins, tout coup soit rendu, sauf à afficher une faiblesse qui pouvait menacer la survie de la tribu, impératif catégorique pour elle.   

Mais, il faut bien le dire, la tendance naturelle après une agression est de rendre deux yeux pour un œil ou trente-deux dents pour une dent, et même bien pire.

C’est dire que la maxime biblique, prise à la lettre, représentait déjà un progrès de la civilisation.  

Ne pas infliger à l’ennemi un préjudice plus grand que celui qu’il vous a causé   est un signal de modération : nous nous battons mais nous sommes fondamentalement égaux, que le meilleur gagne !  C’est cet état d’esprit    qui s’exprime entre Grecs et Troyens dans le récit de l’Iliade. A aucun moment Homère qui est grec, ni ses personnages ne tiennent les Troyens pour des animaux[1].  Ce ménagement peut seul rouvrir la porte du dialogue.  

Or il faut bien le dire : il y a peu de cas dans les conflits du Proche-Orient où le principe biblique, quoique connu de tous, ait été suivi. Et rêver qu’il en soit ainsi cette fois relève du vœu pieux. D’ailleurs, il est déjà dépassé :    Le 13 octobre, l’ONU annonçait   1400 morts du côté israélien et 1900 du côté palestinien. Pas de nouveau chiffrage depuis hors celui, invérifiable mais pas invraisemblable, de 5000 morts côté palestinien selon le Hamas (21/10).  Si l’offensive israélienne se poursuit, on s’attend à bien pire.

 

Relire la Bible

 

Ceux qui envisagent une évacuation de tout le territoire de Gaza ont en vue le grand Israël (Eretz Israël), faisant leur le programme assigné à Moïse et Josué : « Tout lieu que foulera la plante de vos pieds, je vous le donne comme je l’ai déclaré à Moïse. Depuis le désert et le Liban jusqu’au grand fleuve, l’Euphrate et jusqu’à la grande mer, vers le soleil couchant, tel sera votre territoire. Personne, tout le temps de ta vie ne pourra te résister » (Josué 1, 3- 5). La poursuite de la colonisation s’inscrit dans cette logique. Elle avait inspiré l’assassinat du    grand Itzhak Rabin (1995), fatal au processus de paix qui avait conduit aux accords d’Oslo (1995).  

Les mêmes radicaux semblent ignorer cet autre passage, tiré du Livre des Juges : « La colère de Dieu s’enflamma alors contre Israël et il dit "Puisque ce peuple a transgressé l’alliance que j’avais prescrite à ses pères et qu’il n’a pas écouté ma voix, désormais je ne chasserai plus devant lui aucune des nations que Josué a laissé subsister quand il est mort, afin de mettre par elles Israël à l’épreuve, pour voir s’il suivra ou non les chemins de Yahvé comme les ont suivis ses pères.  C’est pourquoi Yahvé a laissé subsister ces nations, il ne s’est point hâté de les chasser et ne les a pas livrées aux mains de Josué » (Juges, 2 20-23).

En d’autres termes, selon la Bible elle-même, le peuple juif devra toujours cohabiter avec d’autres peuples.

Le but de Netanyahou, officiellement, est seulement de détruire le Hamas et rien de plus. Mais comment y arriver sans infliger d’immenses dommages aux populations civiles ? Les chefs du mouvement islamiste sont déjà réfugiés dans d’autres pays, probablement au Qatar. Quant aux « soldats », aux exécutants, comment les distinguer de la population civile, dès lors qu’ils ne revêtent pas l’uniforme ?  Les raids aériens ne les distinguent pas.   

 

Légitimes hésitations

 

Le gouvernement israélien semble hésiter à lancer une offensive terrestre. Les soldats de Tsahal pourraient mieux choisir leurs cibles mais ils deviendraient eux-mêmes des cibles.

Même si le gouvernement israélien actuel veut aller jusqu’au bout, il est freiné par plusieurs considérations.

D’abord l’existence de 222 otages juifs, pas tous israéliens, retenus à Gaza et menacés de mort.

Ensuite le fait que Benjamin Netanyahou est très contesté par les Israéliens. Bien peu lui font encore confiance. Jamais les juifs d’Israël ne se sont sentis aussi peu en sécurité.  Que le renseignement israélien, réputé le plus efficace du monde, n’ait rien vu venir, ou que l’armée n’ait pas réagi pendant plusieurs heures ouvre la porte à bien des soupçons. Sans doute la population israélienne est-elle , depuis l’offensive terroriste du Hamas, plus remontée que jamais contre les Palestiniens mais tous ne sont pas prêts à suivre le premier ministre où qu’il aille.

Les Israéliens peuvent craindre l’opinion mondiale : si prompte à les soutenir à la suite de l’action terroriste du 7 octobre, elle peut se retourner aussi vite contre eux si les bombardements de Gaza se prolongent. L’Occident et Israël, déjà détestés dans le « Sud global » le seront un peu plus.

Les Etats-Unis soutiennent sans réserve Israël, ayant amené deux porte-avions au large, mais le président Biden appelle à la modération : « Ne vous laissez pas entrainer par votre rage », dit-il. Comme presque tous les Occidentaux et le secrétaire général des Nations-Unies.

Les chefs d’Etat de la région, comme l’a constaté Poutine en tournée, ne souhaitent pas d’escalade.  Mais les foules arabes ou musulmanes sont surchauffées. Face à des bombardements prolongés, il sera difficile aux responsables musulmans, à commencer par ceux du Hezbollah, de ne pas réagir. Les peuples pourraient pousser leurs dirigeants à la guerre. Nos banlieues ne sont pas non plus à l‘abri de nouveaux embrasements. C’est dire que la situation est pleine de risques.

                                                 

Roland HUREAUX

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[1] Expression utilisée par le général Yoav Galant, ministre de la Défense israélien.

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:21

LIBERAL, LIBERALISME

 

Publié dans Le nouveau conservateur 

Dire qu’un homme est libéral a rarement été tenu pour une injure. Cela veut généralement dire qu’il est généreux. Au Moyen âge, les arts libéraux étaient les plus prisés. Les sept arts libéraux étaient  le trivium  , grammaire  , dialectique ,  rhétorique et le quadrivium,  arithmétique , musique , géométrie , astronomie. Ils prétendaient représenter l’universalité du savoir abstrait par rapport aux arts artisanaux, d’où le mot université.

Comment se fait-il alors que pour beaucoup de ceux qui s’autodésignent comme « souverainistes » tiennent les libéraux pour des ennemis et le libéralisme pour une tare ?  C’est ainsi que ceux qui voulaient disqualifier Éric Zemmour dans son propre camp, le qualifiaient de libéral ou ultra-libéral, sans vraie raison d’ailleurs.

Cette opposition s’inscrit dans un clivage idéologique bien précis apparu depuis environ 1950 : dès que la construction européenne a commencé, les libéraux lui étaient favorable. Il était à la mode de se dire « libéral et européen ». Ceux qui étaient eurocritiques tenaient au contraire au maintien d’un Etat régulateur, colbertiste, disait-on, et des frontières douanières entre ces états. Dans la confusion habituelle des esprits, vouloir préserver un Etat fort qui ne plierait pas devant les directives européennes et voudrait impulser l’économie, laisse encore aujourd’hui   soupçonner qu’on est peu favorable aux libertés individuelles, partisan de « la loi et de l’ordre ».

Cette confusion s’est renforcée vers 2000 quand tentèrent de se rejoindre les « républicains des deux rives », de droite et de gauche, chevènementistes ou séguinistes, communiant les uns et les autres dans le culte d’un Etat fort. Ni les uns ni les autres ne remettaient   en cause des prélèvements obligatoires représentant 60 % du PIB. D’une façon générale un Etat hypertrophié, souvent paralysé,  était confondu avec l’efficacité d’un Etat stratège qui n’a pas besoin d’être lourd.

L’image du souverainiste ronchon, attaché à l’Etat et réservé sur l’économie de marché a été évidemment répandue par les prétendus libéraux attachés à donner une image antipathique des adversaires du processus européen.

C’est ignorer ce qu’a montré le philosophe Pierre Manent : l’émergence de la démocratie libérale est inséparable de celle des Etats-nations. Ceux-ci émergent à la fin du Moyen-Age de la broussaille   féodale, d’abord sous la forme de la monarchie absolue, puis de celle de la démocratie élective, spécialement en France et en Angleterre. En Angleterre, les deux phénomènes sont même concomitants.  Il est clair que dans un Etat qui ne serait pas assez homogène sur le plan religieux, racial ou culturel, les clivages électoraux seraient des clivages ethniques, comme il arrive en Afrique . Il faut une certaine homogénéité nationale pour que les clivages nationaux prévalent, pour qu’un alsacien de gauche préfère voter pour un gascon de gauche que pour un alsacien de droite.

Le second argument commence juste à être perceptible et il s’impose déformais très fort : comme l’avait bien vu Jean-Jacques Rousseau, il faut un Etat de petite ou moyenne dimension pour que les libertés y soient préservées. Plus sa circonférence s‘agrandit, plus les libertés y régressent au bénéfice d’un système autoritaire, voire totalitaire. D’où la contradiction de ceux qui se disent « européen et libéral » car on ne peut être l’un et l’autre. Si on penche pour un Etat européen de taille continentale, cet Etat ne pourra être qu’autoritaire. A fortiori un Etat mondial, qui ressemblera plus au 1984 d’Orwell qu’à autre chose. Les évolutions récentes, en matière de restriction des libertés se voient à la censure des Gafam, de l’Union européenne et des Etats, au contrôle de la presse par des magnats partageant la même idéologie :  sous la IIIe République, la presse était diverse et libre, aujourd’hui elle est, sur tous les sujets majeurs, parfaitement monolithique.

Le clivage véritable de notre temps n’est plus celui des nationaux contre les libéraux, il est celui des défenseurs des libertés, tant celles des individus que celles des nations contre  des mondialistes qui rêvent d’un étouffement de toutes les libertés individuelles et collectives et qui se prétendent, de manière fallacieuse,  libéraux. 

Le mouvement espagnol Vox qui passe pour hostile à l’Europe supranationale, revendiquait récemment de défendre les libertés nationale, régionale et individuelle. Qu’attendent nos « souverainistes » pour dire des choses aussi intelligentes ?

La défense des libertés individuelles et de celles des nations sont aujourd’hui inséparables.

                                              

Roland HUREAUX

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:17

 

 

MOURIR DANS LA DIGNITE

 

http://libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Mourir-dans-la-dignite2

 

  La question, de l’euthanasie revient à l’ordre du jour.

Comme il arrive souvent, les défenseurs des bonnes causes ne trouvent pas toujours les bons arguments.

 

Tu ne tueras pas ?

 

  Il est sans doute plus que jamais nécessaire de rappeler que la vie humaine est sacrée, que, sous aucun prétexte, on ne saurait y mettre un terme ou aider un malade à y mettre un terme volontairement. «Tu ne tueras pas » est tenu pour un absolu de l’héritage judéo-chrétien. Sous le serment d’Hippocrate,  les  futurs médecins disent à peu près la même chose.

  Mais si c'était là le seul argument des adversaires de l'euthanasie, comment se cacher les objections auxquelles il se heurte : toute l’histoire de l’Occident n’a-t-elle pas consisté, quoiqu’on dise,  à organiser des exceptions à ce principe qui en principe n’en souffre pas ?  La légitime défense,  le droit de la guerre qui en procède, la peine de mort, incontestée pendant des siècles, sont de ces exceptions. Sans doute les condamnés à mort n'étaient-ils pas innocents, mais ils n'étaient pas non plus volontaires !

 

Des limites difficiles à fixer

 

C'est pourquoi il convient de compléter cet argument par d'autres :  même si le droit a toujours admis des exceptions au précepte « Tu ne tueras pas », au moins faut-il que ces exceptions soient bornées par une limite claire.  Il est douteux que la légalisation de l’euthanasie permette de marquer une telle limite. Si le droit d’accélérer la fin de moribonds qui le demandent ( ou  paraissent le demander) était admis, comment éviter les abus dans une société où les progrès de la médecine aidant , le nombre de grands vieillards en état de dépendance ne cesse de s’accroître. La crise du COVID a déjà ouvert la porte à de tes abus sous la forme hypocrite de « sédation profonde ». Il n’est pas toujours facile de savoir ce que veulent ces personnes (dont beaucoup sont privées de la capacité juridique par la mise sous tutelle) mais la tentation est de les tenir pour encombrantes. Comment dès lors éviter que, une fois l’habitude prise d’abréger leurs jours à leur demande,  on n’en arrive vite à le faire avec un semblant de consentement ou pas de consentement du tout . Surtout si notre société s’appauvrissait au point de ne plus supporter le poids des dépenses sociales les plus lourdes. C’est ce qui arriva en Union soviétique à la fin du communisme où le taux de mortalité s’éleva très vite au milieu de la dégradation générale des systèmes de santé. L’expérience de pays comme la Belgique ou les Pays-Bas qui ont légalisé l’euthanasie n’est pas pour nous rassurer sur le risque de telles dérives. Parmi les défenseurs de la proposition de loi en cours de discussion, qui voudrait être admis dans une maison de retraite belge ?

Si la ligne rouge venait ainsi à être fréquemment transgressée, on n’ose imaginer ce que serait l’état d’esprit des malades hospitalisés, toujours aux aguets de crainte d’être « euthanasiés ». Le souci peu éclairé d’adoucir les derniers jours des grands malades plongerait au contraire ceux-ci dans une angoisse dramatique. Cette inversion des résultats est le destin, désormais bien connu,  de tous les partis pris idéologiques.

 

Lutter contre la mort est au cœur de la condition humaine

 

Mais nous pensons qu’il faut prendre aussi la question sous un autre angle. Même si la fin de vie se traduit par de grandes souffrances, toute la noblesse de la condition humaine historique n’est-elle pas dans ce combat sans espoir contre la mort ? Cela est vrai au niveau de l’espèce laquelle a traversé dans des conditions de précarité incroyable des centaines de milliers d’année, luttant avec acharnement contre la menace de l’extinction.   S’il est vrai que le commandement « Choisis la vie » (Dt 31,19) par lequel se termine le Pentateuque est, aux dires de Pierre Chaunu, le plus important de la Bible, il faut croire qu’il fut ardemment mis en œuvre tout au long de l’histoire humaine pour que celle-ci malgré les multiples menaces qui pesaient sur les hommes se prolonge jusqu’à nous.

Le confort exceptionnel dont jouissent nos contemporains (au moins la majorité d’entre eux dans les pays développés), bien qu’il ne soit que le fruit de ces luttes multiséculaires,   amortit la perception que la vie est une lutte acharnée contre la mort, que celle-ci prenne le visage de la guerre, de la famine ou de la maladie. A ces menaces de toujours, il faut sans doute ajouter celle du    désespoir, de la perte de sens individuelle ou collective. .

Il s’agit d’une une lutte sans espoir. Car à la fin, au moins en ce bas monde, c’est la mort qui gagne. Comme dit Heidegger, l’homme est dès le départ un « être pour la mort ». Même sains de corps et d’esprit,  nous sommes tous des morts en sursis, au même titre que ceux qui sont frappés d’une maladie mortelle à évolution lente. Cela n’a jamais été une raison pour ne pas combattre.

Le combat contre la mort porte sa part de souffrances : le travail,  l’ accouchement, la   lutte contre la maladie, parfois la guerre. Pourquoi ce combat ne se prolongerait-il pas dans un ultime affrontement contre la mort ? L’agonie, étymologiquement, ne signifie-t-elle pas le combat ? Combattre jusqu’au bout, n’est-ce pas en définitive cela,  « mourir dans la dignité » ?

Vouloir faire l’économie de cet ultime combat  (nous ne remettons évidemment pas en cause la légitimité et la nécessité des soins palliatifs), n’est ce pas risquer de briser le ressort par lequel notre espèce a traversé les siècles, en tous les cas mettre la mettre dans un engrenage allant à contre-sens ?

Cette perte de ressort n’est-ce pas ce dont souffrirent des civilisations déclinantes, comme l’Empire romain ou d’autres où, au moins dans les hautes classes,  le recours au suicide se banalisa ? Heureusement pour l’espèce, d’autres civilisations prirent le relais.

On dira que cette vision héroïque de l’existence humaine ne saurait s’appliquer à tous,  et aussi qu’il existe des souffrances si grandes que, devant elles, de tels propos ne tiennent pas. Notre société a certes beaucoup fait pour limiter les souffrances. Elle supporte d’autant moins celles qui restent.  La compassion pour ceux qui souffrent encore, notamment certains grands malades, est plus forte que dans les sociétés plus aguerries d’autrefois.

Nous ne supportons pas davantage la souffrance des animaux à l’égard desquels la pratique de l’euthanasie est généralisée.

Cette compassion « animale » que nous éprouvons envers nos frères inférieurs peut-elle être étendue à des moribonds qui demanderaient qu’on abrège leurs souffrances? Non,  l’homme n’est pas un   chat ou un chien. Plus important que la compassion, il y a le respect, non point seulement le respect de la vie mais le respect de cette éminente dignité qui est le propre de l’homme, le droit pour chacun, même les petits et les sans grade, de mener jusqu’au bout le combat qui fait la grandeur de leur destinée.  Éventuellement contre lui-même, contre les demandes que le désespoir ou des souffrances trop aiguës pourraient le conduire à formuler.

Si la morale chrétienne - la morale tout court - n’étaient que ce que disait Nietzsche, une pitié animale, une compassion primaire, une sorte de sensiblerie   , rien ne devrait s’opposer à l’euthanasie. Mais la morale est justement plus que cela : la reconnaissance de l’éminente noblesse de tout homme - de toute femme -, quelle que soit sa condition.  Ce n’est pas seulement la vie qui doit être respectée, c’est la personne vivante.

 

Le risque de l’acharnement thérapeutique

 

Reste à trancher la question de l’euthanasie dite passive, ou plutôt de l’acharnement thérapeutique. Bien que la distinction entre euthanasie active (donner la mort par un acte positif) et passive (laisser advenir la mort par la cessation de certains soins devenus déraisonnables) soit à peu près claire, les partisans de l’euthanasie active cherchent à mêler les deux problèmes.

 Les progrès de la médecine, s’ils ont permis le développement des soins palliatifs qui, dans la plupart des cas, permettent d’atténuer les souffrances des grands malades, ont aussi donné les moyens de prolonger   la vie par des soins sophistiqués et lourds, lors même qu’il n’y a plus d’espoir de guérison ou de retour à la conscience. Cela pose un problème nouveau. Le zèle médical aidant, la tentation de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « acharnement thérapeutique » est grande. N’est-ce pas d’ailleurs le même esprit technicien qui inspire l’euthanasie active et l’acharnement thérapeutique ? L’homme moderne, fort de sa technique,  veut être maître absolu de la vie et de la mort.

Si, parait-il, une large majorité de nos compatriotes sont favorables à l’euthanasie, c’est surtout par crainte de l’acharnement thérapeutique.

Indépendamment de son coût qui ne saurait entrer en considération, l’acharnement thérapeutique est aujourd’hui un vrai problème de société. Nous connaissons des personnes qui se sont suicidées non point par crainte de la maladie et de la mort, mais de l’acharnement thérapeutique. Un brave homme de nos provinces nous dit une fois: « Heureusement, l’ambulance est arrivée trop tard : ma mère a pu mourir dans sa maison ». Cet homme, n’en doutons pas,  aimait beaucoup sa mère. La maison dont il parlait, ses ancêtres y avaient vécu et y étaient morts, de génération en génération, depuis trois siècles. A une époque où , en France, 80 % des gens meurent à l’hôpital, généralement dans les services dits de réanimation, ne faudrait-il pas reconnaître aux grands vieillards le droit de mourir chez eux , quitte à les y mieux soigner ? En Italie, pays de développement comparable, 80 % des décès ont lieu au contraire au domicile.  Le matin de sa mort, le pape Jean Paul II refusa une ultime hospitalisation   pour rendre son dernier soupir au Vatican: n’y a-t-il pas là un exemple à méditer ?

Cela ne veut pas dire que les soins intensifs soient illégitimes. D’autant que, ainsi que le rappelle le beau film de Pedro Almodovar Parle avec elle (2002),   le destin du comateux le plus lourd peut encore s’inscrire dans une socialité. En outre, des retours à la conscience quasi-miraculeux ont été observés. 

Mais si la césure entre euthanasie active et passive est à peu près claire, il faut bien admettre que la frontière entre soins intensifs légitimes et acharnement thérapeutique ne l’est pas toujours. Nous entrons là dans le domaine prudentiel. Les moralistes comme les médecins qui voudraient trouver une règle parfaitement logique auront du mal: en toutes choses,  la logique conduit aux excès. La vertu de prudence est, en la matière, plus que jamais nécessaire. 

La loi Léonetti légalisant la sédation lourde a paru un moment résoudre le problème . Elle a cependant montré à l’usage ses dangers . Tant l’affaire Vincent Lambert où on a pu mettre à mort un patient par inanition, dans le respect littéral de cette loi,  que le Covid où la sédation lourde de personnes âgées a servi de prétexte à leur élimination massive,  ont  montré les risques de cette loi. Il reste qu’elle vaut mieux que l’euthanasie pure et dure que le présent gouvernement voudrait faire adopter.    

 

Roland HUREAUX

 

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:16

IDEES JUSTES ET IDEES FAUSSES SUR L’IMMIGRATION

 

L’Afrique est-elle surpeuplée ?

 

Non. Elle a aujourd’hui 1,3 milliards d’habitants soit 18 % de la population mondiale (pour mémoire : elle en avait 100 millions en 1900).

Son taux de fécondité est élevé :  4,5 enfants par femme ; un peu plus au Sud du Sahara. Mais cette fécondité est en baisse : elle était de 7 enfants par femme vers 1960 et devrait descendre à 2,1 enfants par femme, soit la croissance zéro d’ici 2080.

Elle représentera alors environ 3 milliards d’hommes et de femmes, soit 30 % de population mondiale.

Mais l’Afrique hors Sahara, reste un continent peu peuplé : 46 habitants au km2, pour 106 en France métropolitaine.  Un pays comme la République centrafricaine n’a que 6 millions d’habitants quoiqu’ il soit presque entièrement fertile et un peu plus grand que la France.  Il y a encore de nombreux  espaces vides en Afrique. Il est vrai que  la population tend à s’y concentrer dans des mégapoles difficiles à gérer.

 

L’Afrique déverse-t-elle son trop-plein sur l’Europe ?

 

Il ne faut pas raisonner en termes de vases communicants. Le pays d’Afrique le plus peuplé est le Nigéria, il le sera bientôt autant que l’Europe. Pourtant il n’y a guère de Nigérians en France. Guère plus d’Egyptiens qui habitent un pays manifestement surpeuplé.

Plus décisives sont les filières qui relient les anciennes colonies à leurs anciennes métropoles.  Il est rare qu’un Africain aille s’installer dans un pays où il n’aurait ni parents ni amis et dont il ne parlerait pas la langue.

 

Pourquoi l’Europe a-t-elle perdu le contrôle de ces flux ?

 

Parce qu’elle ne veut pas les contrôler. Si la France et les autres pays, voulaient arrêter l’immigration, ils le pourraient, mais ils ne le veulent pas. L’Union européenne, comme l’ONU, le Forum de Davos, l’OCDE, les grands clubs internationaux (Club de Bilderberg, Trilatérale et tant d’autres), ajoutons-y certains gouvernements comme celui de la France ou celui des Etats-Unis version démocrate, tous pensent que l’immigration est un bien. Un bien parce qu’elle permettra de dissoudre les identités, les nations et les cultures pour aboutir à un seul Etat mondialisé et métissé. Un bien aussi parce qu’elle  quelle fait baisser  les salaires des ouvriers peu qualifiés. Peter Sutherland, irlandais, ex-commissaire européen et président de Goldman Sachs, catholique et mondialiste[1], l’a dit ouvertement. En bref, comment voulez vous contrôler l’immigration si tous ceux qui dirigent le monde occidental pensent qu’elle est une bonne chose ?

Prenez les deux millions de réfugiés entrés en Allemagne en 2015-2016 venant de Syrie ou d’autres pays du Proche-Orient ; c’était une affaire combinée entre Erdogan et Mme Merkel.  Au lieu de payer un billet d’avion 150 €, ils devaient verser 5000 € à la mafia turque. Quand l’Union européenne  a donné 6 milliards d’euros à Erdogan, le flux s’est arrêté le lendemain. En faisant une sélection par l’argent, on a privilégié les réfugiés d’un certain niveau pour faire marcher l’industrie allemande.

 

L’immigration ne serait-elle  pas mieux contrôlée à l’échelon européen ?

 

Sûrement pas. Pour la raison que je viens de vous dire : les instances européennes sont imprégnées jusqu’à la moelle d’une culture favorable à l’immigration. Ensuite, parce qu’il est difficile de coordonner les polices de 27 pays. Surtout la libre circulation intérieure décrétée avec le Traité d’Amsterdam,  en supprimant les frontières, affaiblit la capacité de contrôler. Dès la signature de ce traité (1996), les chiffres l’immigration, plus ou moins maîtrisés jusque-là, s’envolèrent.

 

La France n’a-t-elle pas été toujours un pays d’immigration ?

 

Non. Ni la France ni l’Europe. Entre la fin des invasions normandes (vers 950) et le début des migrations modernes (1860), soit pendant près de 1000 ans, il n’y a pas d’immigration en France.

Le flux migratoire décolle à partir de la fin du XIXe siècle en provenance de pays proches : Italie, Espagne, Portugal, Pologne. Ce n’est que depuis les années 1960 que l’immigration est devenue principalement musulmane et africaine   Elle n’a cessé de croitre jusqu’au XXIe siècle où elle est ce qu’on sait aujourd'hui.  

 

Ne peut-on parler de nouvelles invasions barbares ?

 

Je ne crois pas. D’abord parce que les effectifs de ces invasions de la fin de l’Antiquité semblent avoir été limités. Les nouvelles populations se sont dissoutes assez vite par les mariages mixtes, tout en prenant les commandes à la place des Romains.

Quoique très primitifs au départ, les Germains entraient dans la société gallo-romaine par le haut, en conquérants. Les migrants actuels entrent par le bas ; même si on peut juger qu’ils sont très   avantagés par rapport aux autochtones et surtout par rapport à leurs frères restés au pays, ils sont, pour la plupart, au bas de l’échelle sociale. Quand les passeurs viennent les chercher, ils ne savent pas     exactement où ils vont. Savent-ils même où est la France ?  On les emmène en Libye où une partie est réduite en esclavage et vendue dans la péninsule arabique. Beaucoup meurent.  Mais même s’ils n’arrivent pas avec une mentalité d’envahisseurs, ils représentent, du fait de leur nombre, un bouleversement bien plus grand que les invasions du Ve siècle. La société française se trouve déséquilibrée par ces entrées et surtout  par le différentiel de natalité entre les immigrants et les autochtones (qu’on appelle aussi Français de souche).  Autant que l’immigration elle-même, ce différentiel qui semble s’être aggravé avec le covid, remplit d’angoisse les Français. Réponse du gouvernement :  mettre l’avortement auquel les immigrées ont peu recours dans la Constitution !

 

Que dire des autres sources de l’immigration : Balkaniques, Roms, Tchétchènes, Asiatiques ?

 

Elles sont de peu de conséquence. Les viviers s’épuisent et la dénatalité qui frappe les Européens de l’Ouest (sauf les immigrés africains) les frappe aussi.  Les Ukrainiens qui sont venus massivement ont une culture très poche de la nôtre, mais ce sont de vrais réfugiés : ils attendent la paix pour repartir.

 

Faut-il parler de l’Afrique comme un tout ?  N’y a-t-il pas des différences ?

 

Oh que si !  L’Afrique « blanche », celle du Nord est presque entièrement musulmane. Pas l’Afrique « noire ».  On l’ignore, mais la première religion de l’Afrique dite subsaharienne, est le christianisme. Nous ne nous en rendons pas compte en France car les principaux pays de départ de notre immigration , Mali, Sénégal, Guinée sont en majorité musulmans et l’étaient avant même la colonisation. En revanche l’Afrique australe et orientale, les deux Congo sont dominés par les chrétiens : pensez qu’il n’y pratiquement pas de musulmans   à Madagascar ou en Afrique du Sud. Ce n’est pas une raison pour les faire venir car il serait irresponsable, voire criminel, de priver ces pays de leurs élites ou de laisser croire à leurs jeunes qu’ils n’ont d’avenir que dans le départ.

 

Roland HUREAUX

 

[1] Aujourd’hui décédé, il fut , en matière de migrations, un conseiller écouté du pape François qu’avait séduite cet homme « des marges ».

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:14

FINISSONS-EN AVEC LE « PROGRESSISME »

Le progrès est pour la plupart de nos contemporains un mot positif.  

La civilisation gréco-latine ne le connaissait pas : au pire, elle tenait l’histoire pour une chute : âge d’or, âge de bronze, âge de fer. Au mieux, elle pensait que les hommes évoluaient dans un monde éternel et dans une société stable dont il ne fallait rien attendre sinon qu’elle permette aux hommes de  se perpétuer dans l’être. 

La civilisation européenne, influencée par la Bible,  s’inscrit  par contre dans une montée plus ou  moins continue  de l’humanité : l’attente du Messie, l’arrivée du Messie, l’attente du retour du Messie  et de la parousie  ( fin glorieuse des temps) .

Les sciences positives sont venues conforter cette vision d’une société montante : Big bang, évolution des espèces culminant dans l’homme,  évolution des civilisations, culminant dans la civilisation européenne. Seul le 2e principe de la thermodynamique découvert par Carnot en 1825, conçoit le monde comme perdant progressivement ordre et énergie vers un état final définitivement stationnaire à zéro Kelvin[1].  

 

Marche en avant

 

Les idéologies revendiquent toutes, elles aussi, de s’inscrire dans un progrès, dans un temps fléché, connaissant parfois des accélérations révolutionnaires. Même les écologistes adeptes de la « décroissance » portent l’utopie d’une économie décarbonée qu’ils tiennent pour un « progrès ».

L’idéologie offre la perspective d’une marche en avant marquée, croit-on, en sus du progrès matériel, par un progrès moral débouchant sur le bonheur terrestre.

Cela va de soi pour le marxisme et le mondialisme post-libéral et libertaire que nous connaissons.  Le socialisme national voulait  aussi améliorer l’espèce humaine pour la  mener au stade du Surhomme. L’idée de progrès est intrinsèque à toute idéologie. La simplification des concepts et une visée messianique sont les deux composantes  de l’idéologie d’où dérivent ses  développements les plus  aberrants   :  universalisme, puisque ce qui vaut  pour  les uns vaut  aussi pour les autres , intolérance puisque l‘enjeu étant le salut temporel de l’humanité ne tolère aucune opposition, abrogation de la morale puisqu’ une si haute fin justifie tous les moyens , de la nature puisqu’elle doit être dépassée,   de la  culture puisque l’avènement de l’idéologie marque une nouvelle aube de l’humanité. Tout cela débouche sur l’abrogation de toutes les constantes anthropologiques : la propriété, la famille, les libertés,  les nations, y compris européennes puisque la prétendue  « construction européenne » ambitionne de  dépasser  des siècles d’obscurantisme marqués par les divisions  nationales.

Au-delà du « progressisme » doctrinal, l’ambiance idéologisée comme celle d’aujourd’hui  crée un effet de mode : il y a ce qui est moderne, ce qui est « avancé » contre le passéiste, le ringard. L’idéologue, si on ne dénonce pas ses mensonges, a toujours l’air, plus que ses adversaires, d’être dans le vent. Il porte toujours une modernité illusoire à laquelle beaucoup se laissent prendre.

 

Au lieu du progrès, des catastrophes

 

Nous savons, sans entrer dans le détail, que  les idéologies qui ont sévi au cours des deux derniers siècles ont conduit, au lieu d’un pas en avant de l’humanité , à des catastrophes.  Communisme et  socialisme national bien sûr mais ne voyons-nous pas que les idéologies d’aujourd’hui  , tant  le mondialisme libertaire  que l’européisme supranational sont à un tel point  de décrépitude et  de fragilité  que leur effondrement est désormais dans l’ordre du possible ?

Ceci posé, il faut éviter deux erreurs :

La première serait de confondre progrès et progressisme – comme on confond liberté et libéralisme. Le progrès matériel  existe : dans tous les pays et d’abord ceux qu’on appelle justement les pays avancés, on mange mieux, on vit mieux, on se divertit  plus, on lit plus, la vie est plus longue  qu’il y a deux ou trois siècles ( à certains  reculs près, d’ailleurs récents,  comme ceux qui résultent l’abandon de l’héritage de Jules Ferry par l’école publique française, idéologie libertaire oblige ). Les techniques apportent des centres d’intérêt nouveaux comme le cinéma, la télévision et à présent tout ce qui procède du numérique, sans lequel la liberté d’expression serait définitivement détruite.

A la base de cela, se trouve le seul progrès incontestable, celui des sciences et des techniques.

En dehors de ce progrès-là, rien n’est certain. Les idéologues qui pensent qu’il y a en parallèle une élévation du niveau moral de l’humanité risquent de déchanter. Ce qu’on invoque à l’appui de ce dire : la suppression ( d’ailleurs incomplète ) de  l’esclavage, une justice pénale plus douce,  la Sécurité sociale, des droits de l’homme  de plus en plus étendus, d’abord  au bénéfice des minorités, qui sait si tout cela,  qui caractérise un Occident repu  durera ?  Si cet Occident   ne s’en trouvera  pas  affaibli au point de s’effondrer pour laisser la place à de nouvelles barbaries   ?  Ces prétendus progrès sont de l’ordre du sur-moi, mais sont-ils en phase avec les instincts réels des hommes d’aujourd’hui comme d’hier ? Moins que d’un vrai progrès, ne sont-ils pas une illusion  de l’idéologie prétendue progressiste dominante ?

Le progressisme, c’est le nom qui se sont donné presque toutes les idéologies.  Or ce nom est toujours fallacieux. La collectivisation soviétique fut elle progressiste ?  La déliquescence du lien conjugal et familial en Occident est-il progressiste ?  L’effondrement de la natalité qui en résulte est-il  progressiste ? Nous qui combattons  l’idéologie ne devons jamais avaliser  les  mots de l’adversaire et donc  dire  non à toute idée de temps orienté . Eviter de dire par exemple   « nous les conservateurs, vous les  progressistes ».  Le pseudo-progressisme est un mensonge. Il faut le dénoncer d’emblée. Ne jamais débattre avec quelqu’un qui revendique cette appellation, sans la récuser avec énergie.

L’idéologie est la singerie de la science ; elle est aussi celle du vrai progrès.

Lors d’un débat sur la monnaie, un euro-critique était confronté avec  Xavier Niel. Milliardaire et propriétaire du Monde,  fort de sa carrure et de l’assurance que donne l’argent, ce dernier attaqua d’emblée, disant  sans aucun argument de fond :  «  être contre l’euro, c’est  être réactionnaire ». L’autre ne sut que dire.  Alors qu’il y avait tant à dire : quel progrès qu’un système qui bloque l’économie, qui multiplie les déséquilbres ?  Qui croit sérieusement que ce système tiendra encore dans vingt ans ? 

Réactionnaire, le contraire de progressiste, un mot qui n’a de sens que si on croit au progrès autre que scientifique et technique.  Un mot qui n’a pas de sens si on n’y croit pas.  Cessons de nous laisser prendre au piège des mots.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

[1] Cette théorie si longtemps récusée par les scientifiques  et par Nietzche conduit à penser qu’il y a une fin de l’univers et donc un commencement, ce que devait confirmer sous un autre angle le constat du Big bang (1927).

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:12

 

EQUIVOQUES REPUBLICAINES

Publié dans Le Nouveau conservateur 

 

Ouvrons le Gaffiot : comment se dit l’Etat en latin ?  Res publica, la chose publique.

Nul débat sur la notion de république[1] à l’époque antique :  il est bien connu que la république romaine se transforma peu à peu en empire autocratique mais les institutions républicaines demeurèrent.  Il y avait toujours des consuls, des tribuns, un Sénat. Les rois étaient une catégorie au-dessous, au relent oriental, un mot réservé aux tributaires, sous protectorat, comme le roi Hérode, ou alors aux rebelles.

Si les chefs de tribu germains qui envahirent l’Empire au Ve siècle se qualifièrent  de rois, c’était par modestie, pour ne pas se  mettre au même rang que   l’empereur (de Rome, puis de Byzance) ; aucun d’eux n’osa se déclarer empereur   avant  Charlemagne.

Tout au long du Moyen-Age où il a des rois dans toute l’Europe, aucun camp républicain ne s’oppose à eux. Les républiques qui émergent : à Venise, à Florence, à Gênes,  à Sienne,  sont des républiques catholiques profondément imprégnées de traditions ,  où nul ne pense à faire table rase d’un long passé.   

 

De la  res publica à la République

 

On ne saurait oublier que le grand inspirateur de la monarchie absolue, Jean Bodin exposa sa théorie dans un ouvrage intitulé De res publica. (1576). Il y traite  de l’Etat et affirme que pour lui, la   meilleure forme en est la monarchie absolue.

Avec la fondation de la Première république en 1792, le nouveau régime s’oppose en revanche nettement au régime monarchique.  Toutefois les Conventionnels du parti de la Montagne, instigateurs de la Terreur, ne se qualifient que rarement de républicains ; ils se disent plutôt patriotes ; leurs ennemis les traitent de jacobins, un mot abusif car leurs ennemis, les Girondins étaient issus  aussi au Club des Jacobins.  Cette ambigüité devait faciliter dix ans après, la transformation par Napoléon Bonaparte de la Première République en Premier Empire sans changement des institutions.

Les frontières continuent   d’être floues jusqu’en 1848. La monarchie de Juillet, dirigée en théorie par un roi n’avait-elle pas bien des  caractères d’une république : prépondérance bourgeoise,  drapeau tricolore, anticléricalisme ?  C’est pourquoi la IIe République (1848) , en réaction, put   sans difficultés amalgamer les catholiques.

 

L’amendement Wallon

 

Les opposants au Second Empire furent les premiers à revendiquer fort le nom de républicains mais cela n’empêcha pas le vote, le 30 janvier 1875, par une assemblée à majorité monarchiste,    de l’amendement Wallon qualifiant le régime instauré en 1870 de république. Henri Wallon était un catholique plutôt conservateur mais il était aussi un grand universitaire, professeur d’histoire à la Sorbonne et membre de l’Institut. Moins attaché à la république qu’à l’exactitude du vocabulaire, il soutint que le régime instauré en 1870 n’étant ni monarchique, ni impérial, il était forcément une république.

En ce temps, les   mots avaient un sens précis, ils n’étaient  pas encore surchargés d’idéologie.

Cela ne devait pas durer.

 

La République anticléricale

 

A partir de 1878 et tout au long de la IIIe République, républicain veut dire partisan du régime, le contraire de monarchiste, mais le  mot fut très vite chargé d’une connotation anticléricale. Il devint   difficile dans la nouvelle France – et jusqu’à une date récente, d’être reconnu comme  républicain et d’aller à la messe. Charles de de Gaulle en fit l’expérience.

Ce régime que l’on dit libéral mit en fiches non seulement les officiers mais aussi les maires et les 550 000 conseillers municipaux. Il y avait trois couleurs : réactionnaire, républicain et rallié. Mon arrière-grand-père (qui ne l’a jamais su), notable paysan du Sud-Ouest et adjoint au maire,  était vers 1905  étiqueté « rallié ». Je ne pense pas qu’il ait jamais été monarchiste. Ce qualificatif   voulait dire qu’il allait à la messe mais n’était pas un danger pour la République.

Le ralliement des catholiques au régime prôné par Léon XIII, en 1890, ne changea rien à la polarité républicains-catholiques. Contrairement à ce qui a été dit, il ne s’agissait pas d’une tactique ou une d’approbation du régime mais l’application pure et simple de l’antique doctrine de saint Paul : « tout pouvoir vient de Dieu ».

La démocratie chrétienne qui apparait dans les années trente   eut beau s’incarner  après la guerre dans  Mouvement républicain populaire ,  elle demeurait suspecte. Ses adversaires ne tenaient ce mouvement pour républicain que du bout des lèvres.  

 

Rousseau contre Montesquieu

 

Nul ne contestait en revanche que le parti communiste soit un parti républicain. Pour certains, il l’était même plus que les autres. Un vieux dilemme, important dans l’imaginaire politique français, vint à la surface avec les travaux constitutionnels de 1945-1946 , celui des héritiers supposés de Rousseau pour lesquels la volonté du peuple exprimée par ses représentants est souveraine, même si elle varie  ou écrase la minorité et celui des héritiers de Montesquieu  qui revendiquent  la nécessité de freins à l’errance possible des assemblées élues, celui de  conseils de sages non élus et gardiens du droit ,  analogues à la Cour suprême américaine. La position rousseauiste fut plus tard résumée par un socialiste de gauche, André Laignel : « ce que nous faisons est juridiquement légal puisque nous sommes politiquement majoritaires ».   En 1946, les communistes se firent les porte-drapeaux les plus ardents de la version rousseauiste : pour eux, le modèle républicain par excellence, c’était la Convention, la grande figure républicaine, Robespierre. Sans que cette position ait un rapport direct avec le marxisme, en dehors de la Terreur, les communistes  se voulurent ainsi  les « ultras » de la République. Ils soutinrent un projet de constitution où le Sénat était aboli et qui donnait tous les pouvoirs à la Chambre des députés, projet repoussé par référendum.  

Le régime de Vichy avait ratifié le caractère   idéologique de la République en qualifiant Pétain de chef de l’Etat, et non de président de la République, reprenant  ainsi  à son compte la charge idéologique que lui avait donnée la gauche.

Ce clivage explique que seuls sont habilités depuis lors à se dire républicains les partis issus de la Résistance ; ceux qui, comme le Front national, sont tenus , à tort ou à raison, pour des nostalgiques de Vichy, se trouvent    exclus de l’« arc républicain ».  A la légitimité politique de la République, la Résistance a ajouté une légitimité nationale qui fait revenir à la surface le temps où les Conventionnels se qualifiaient de « patriotes ».  Ceux qui ne sont pas républicains sont suspects d’être des collabos.

 

« Républicains » et « démocrates »  face à l’Europe

 

Dans les années quatre-vingt, à l’époque des grands combats européens autour des référendums (1992, 2005) ou de la candidature de J.-P. Chevènement à  la présidence (2002), la gauche euro-critique (ou « souverainiste ») se qualifia de « républicaine », donnant au mot    républicain    un nouveau sens. Elle fut rejointe par une partie de la droite, même celle qui se réclamait de la monarchie. Tout en étant une prise de parti claire contre la dérive supranationale d’une partie de la classe politique, cette expression revenait au sens premier  du mot : les républicains sont ceux qui sont attachés à la res publica ( sous-entendu nationale) et refusent de se perdre dans  les chimères de projets que Hayek appelait constructivistes ( construire l’Europe, construire le socialisme, construire un Etat mondial), le premier devoir d’un gouvernement   étant , selon la doctrine scholastique aussi bien que la  laïque, de s’occuper  des siens. Certains n’hésitèrent pas à se qualifier même de nationaux-républicains, avec les réactions que l’on devine.

Leurs  adversaires, partisans de l’Europe supranationale, se targuèrent, eux, d’être des démocrates, par imitation des clivages américains, bien que le débat européen n’ait pas grand-chose à voir avec celui des Etats-Unis. On se demande d’ailleurs quelle vertu démocratique les intéressés trouvaient dans l’édifice   bureaucratique de Bruxelles.

Il est vrai que la construction européenne s’inscrit dans une accumulation de normes extra-législatives qui comprennent non seulement les directives de Bruxelles mais aussi la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de justice européenne, du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, désormais alignés sur la jurisprudence internationale ainsi que des multiples engagements pris par la France ici ou là touchant à sa politique intérieure. Clairement Montesquieu l’a emporté sur Rousseau. Mais ce n’est pas au bénéfice de la démocratie, ni de la République au sens où elle a été longtemps entendue en France.  

 

Macron et la fin de la République

 

De manière plus ou moins explicite, Macron se présenta au second tour des élections de 2017 et 2022 contre Marine Le Pen, frappée d’ostracisme, comme le champion des « valeurs républicaines ». On peut se demander ce qu’il  reste  de ces valeurs  après sept ans de   macronisme. L’élection de 2017 mit déjà à mal des pans entier de cet héritage : ainsi l’affaire Fillon vit une intervention massive de la justice dans le processus électoral, précisément ce qu’avaient voulu éviter les constituants de 1789 : « Méfiez-vous, les juges ont tué l’ancien régime, ils tueront aussi la république » dit une fois François Mitterrand. La judiciarisation d’une grande partie du bloc législatif, les atteintes constantes aux libertés, l’uniformité d’une presse de plus en plus  alignée sur le gouvernement, la corruption, la soumission à des normes internationales qui ne sont jamais passées devant quelque électeur que ce soit, signifient-ils   autre chose que la fin de la république au sens où les « républicains »,  quelque sens que l’on donne à ce mot, l’avaient toujours entendue ?

Mais la grande cause à promouvoir (ou à combattre) aujourd’hui est-elle encore  celle de    la République. N’est-elle pas d’abord   de défendre ces valeurs encore plus élémentaires que sont, la justice, les droits de la personne, la démocratie et surtout la liberté, à commencer par celle d’expression, toutes   mises aujourd’hui gravement en danger par la chape de plomb mondialiste qui s’appesantit  chaque jour un peu plus.

 

Roland HUREAUX

 

 

[1] Chez Aristote, le grand débat est plutôt entre le gouvernement d’un seul, roi ou pas,  l’oligarchie et la démocratie.

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:08

MAIS QU’EST DONC ALLE FAIRE MACRON EN AFRIQUE ?

 

Chaque fois que Macron va en Afrique, on attend quelque catastrophe.  Et elle arrive.

Hélas, il y va souvent.

La semaine dernière il est allé en Angola, au Congo Kinshasa, au Congo Brazzaville,  au Gabon, le tout en cinq jours, ce qui est déjà insultant pour ces pays. Il a vu le président centrafricain au Gabon…

On croit savoir pourquoi il est allé au Congo Kinshasa : les Congolais  avaient peu apprécié les relations incestueuses que Macron avait  instaurées au début de sa présidence avec Paul Kagame, le dictateur du Rwanda, responsable de 4 millions de morts sur le territoire du Congo  depuis 1997 et du pillage de ses ressources du Kivu.  Macron est allé jusqu’à tendre la joue gauche au nom dela France quand Kagame l’accusait, sans le moindre fondement comme l’a montré une décision de justice récente, l’armée française de crimes contre l’humanité dans l’opération Turquoise (juin-septembre 1993 ), opération pacifique parrainée par l’ONU.

Longtemps les Congolais n’ont rien dit ne serait-ce que   parce que leur président Laurent Kabila, installé par Kagame était sous la  tutelle  de ce dernier. Avec le nouveau président Felix Tshisekedi, les Congolais commencent à se réveiller. Et dans ce pays où la France était plutôt bien vue, ils n’étaient pas contents de ces accointances. Alors que Kagame se remet à envahir le Congo du Nord-Est, ce sentiment s’exaspère. Macron s’est d’abord fixé le but de le calmer.

C’est mal parti : une nouvelle fois, il leur a fait la leçon avec morgue : « Depuis 1994, vous n'avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire ni sécuritaire ni administrative de votre pays. C'est une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l'extérieur ».

Ce disant, il oublie les innombrables interventions étrangères dans le Congo Kinshasa, dont  celles de Kagame, qu’il  a tant choyé.

Il y a quelque temps, il avait sans doute été chargé par Washington de remettre dans le rang les Africains qui n’avaient pas voulu condamner les Russes à l’ONU. Il n’a rien trouvé de mieux que de les traiter collectivement de « lâches ». Comme si sous tous les continents le courage était d’être pro-occidental.

Et c’est toujours comme cela que se passent ses voyages :  au début de son mandat, reprenant les poncifs de café de commerce, il avait appelé au Burkina Faso les Africains à réduire leur natalité : ingérence indiscrète et ignorance que la natalité était déjà en baisse  en Afrique.

L’ignorance, les mauvaises manières et surtout la personnalité narcissique et méprisante de l’intéressé sont violemment rejetés.

Les repentances à répétition (encore récemment au Cameroun) n’améliorent pas les choses. Sous ces latitudes, on sait qu’un homme, un vrai, ne passe pas son temps à s’humilier.

Les Africains dénoncent le néo-colonialisme mais en réalité, ce qu’ils détestent chez nous, ce sont les évolutions libertaires de type woke, spécialement la théorie du genre et tout ce qui en découle : nous les dégoûtons et ils nous méprisent ; ils pensent que sommes des  décadents.

Outre ces faits de base, les griefs sont aujourd’hui variables d’un pays à l’autre. Notre présence militaire a été jugée trop lourde au Mali et pas assez en Centrafrique. Nous n’avions aucun problème avec Kinshasa avant notre absurde collusion avec Kigali.

Les autres pouvoirs occidentaux ne sont pas en reste, surtout ceux, Etats-Unis, Union européenne,  qui ont voulu sous ces latitudes jouer les missionnaires  LGBT.

Le voyage au Congo-Brazza était de routine. On ne pouvait pas faire une visite au   Congo ex-belge sans aller au Congo ex-français. Le présidant Denis Sassou Nguesso venu au pouvoir pour la première fois en 1979, avait au début flirté avec le communisme mais est devenu ensuite notre meilleur appui dans la région. Aussi a-t-il été agacé que son interlocuteur déclare en finir avec  la Françafrique » , poncif  gauchisant devenu une antienne pour lui. Même évolution pour le Bénin. Des puissances comme la Russie et la Chine lassent vite sous les tropiques et les pays qui se sont laissés séduire se tourneront un jour  à nouveau vers nous.

Macron visite aussi le Gabon. Belle récompense pour un pays, ex-fleuron de la Centrafrique, qui vient de rejoindre le Commonwealth. Si le représentant de la France avait eu quelque dignité, il l’aurait battu froid.

Pas de maladresse si galée

Pour que la France soit à nouveau admise en Afrique, il faut qu’elle offre vite un nouveau visage. Et pour que, en attendant, nos relations ne s’aggravent pas, par pitié que celui dont nous parlons n’y remette plus les pieds.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:06

POURQUOI LES GENS NE S’Y RECONNAISSENT PAS

 

Aux Etats-Unis

 

Hier (années 50-70)

 

Les Etats-Unis défendaient la liberté face au communisme                   

L’URSS de Staline était responsable de millions de morts

Les Etats-Unis étaient le pays de la liberté d’expression

La presse y était pluraliste

Les Etats-Unis passaient pour le pays de l’Etat de droit

Avant 1939, les EU n’avaient pas d’industrie de défense , seulement des industries de consommation  

Les EU faisaient la guerre en défensive (Corée, Vietnam, Afghanistan I) 

Hollywood promouvait la moralité

Les milliardaires étaient généralement   de droite

 

Aujourd ‘hui

Les Etats-Unis sont sous le contrôle de l’idéologie  woke  , dérivée de l’égalitarisme marxiste, y compris  niveau au plus haut niveau.

La Russie n’est plus communiste

La liberté d’expression  disparait : censure des Gafam, uniformité de la presse ,   médias  pro-woke ; contrôle de la pensée dans les Universités ; les  autres libertés aussi  sont remises en cause : Guantanamo etc.   

Les EU sont toujours en position offensive ( Afghanistan II , Irak, Libye etc. )

La grande presse est monocolore woke                

La justice , l’éducation et une  partie de l’administration sont sous l’emprise du woke, idéologie d’extrême gauche

Les Etats-Unis représentent 40% des dépenses militaires mondiales ; ils n’ont pratiquement plus d’autre industrie

Hollywood est sous le contrôle de l’idéologie woke qui comporte LGBT, transgenres etc.

Les milliardaires (Gates, Soros, Buffet, Zuckerberg, Bezos)  sont tous de gauche, sauf Elon Musk  ( cf. élection de 2019)

 

 

En France :

 

Hier (années 50-70) :

 

L’Eglise était à droite

La classe ouvrière votait communiste

Les milliardaires étaient généralement de droite

La presse écrite était presque entièrement hostile au général de Gaulle

 

 

L’Eglise est de gauche,  au moins sur les enjeux fondamentaux : immigration, Europe supranationale 

La classe ouvrière vote pour le Front national

Les grands milliardaires sont presque tous de gauche ( Arnaud, Niel, Drahi  ) ou soutiennent la presse de gauche .

La presse écrite est entièrement pour Macron

 

On peut ajouter que la gauche européenne était en Amérique latine hostile à la CIA et aux régimes qu’elle avait  mis en place ; aujourd’hui elle y soutient les régimes favorables aux Etats-Unis  et combat ceux qui lui sont hostiles.

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:05

ZELENSKI N’EST PAS VERCINGETORIX

Dans notre pays où on ne déteste pas la vaine gloire, de manière étonnante, le chef gaulois Vercingétorix a toujours été révéré.

Les Français l’ont toujours crédité de s’être rendu à Jules César pour épargner la vie de ses hommes , mourant de faim dans l’Alésia assiégée .  Y parvint-il ? L’histoire ne le dit pas. Les Romains étaient impitoyables pour les vaincus.

Lui , en tous cas paya le prix. Après cinq ans de détention, il subit l’humiliation de figurer    dans le cortège triomphal de César à Rome.  Il fut ensuite étranglé.

Cette histoire est trop vieille pour que ceux qui célèbrent ainsi la mémoire du jeune chef gaulois se soient trompés.  Elle signifie que le chef n’a pas pour finalité ultime sa propre gloire, encore moins sa vie, mais d’abord  la protection et si possible la préservation de son peuple[1].

 

Pas d’espoir pour Zelenski

 

Tel n’est manifestement pas le souci de Vladimir Zelenski, le chef des Ukrainiens. Il a eu peut-être le mérite d’incarner, à coup de communication, son métier, la résistance du peuple ukrainien, au moins de la partie qui ne veut pas devenir russe.

Aujourd’hui, il poursuit une lutte sans espoir. Si lui et ses parrains de l’OTAN proclament encore qu’ils vaincront la Russie, personne n’y croit. La seule question est de savoir à quelle sauce le régime de Kiev sera mangé.

Poutine qui a massé aux frontières de l’Ukraine assez de troupes pour entamer une grande offensive, tarde à s’y résoudre. Il semble préférer ce qui a été sa stratégie depuis le  début :  mener une guerre d’attrition pour anéantir peu à peu l’armée ukrainienne en éliminant  le maximum de ses soldats. Déjà 200 000 sont morts pour  20 000 Russes , disent ces derniers -  mais  aussi des sources israéliennes ou américaines.

Souvenons-nous qu’au  début de  la guerre, l’armée ukrainienne n’était pas beaucoup  plus nombreuse. On ne parle plus guère des bataillons de  choc néo-nazis : il sont sans doute été anéantis.

Non seulement l’état-major ukrainien ne se soucie pas d’épargner les vies humaines mais les effectifs venant à manquer, le terrible régime de Kiev fait appel aux femmes, aux adolescents, aux vieillards pour combler les vides. Ces pathétiques recrues de dernière heure, sans expérience, vont à l’abattoir mais le combat continue.

Dans cette guerre perdue d’avance, Zelenski qui a déjà laissé les Russes détruire le plupart des infrastructures,   entraine à la mort la jeunesse  ukrainienne. On devine avec quelles méthodes la réserve ainsi mobilisée   est forcée de monter en ligne.

Peu importe qui est responsable de la guerre : Poutine assurément, au moins pour le dernier acte. Mais   Zelenski ne devrait pas s’obstiner dans un combat qu’il ne gagnera plus et que d’ailleurs il ne pouvait dès le départ espérer gagner.

A sa décharge, les tentatives de compromis qui ont été négociées sous la médiation de la Turquie, d’Israël et d’autres , acceptées par Kiev et Moscou au début du conflit,  n’ont pas abouti parce que les Etats-Unis ne voulaient pas qu’elles aboutissent. Si le but de guerre de Washington a jamais été sérieusement de faire rentrer l’ armée ukrainienne    en Russie pour y déstabiliser le régime, cet espoir  , vain dès l’origine,  est moins que jamais  de mise.  Mais les Américains n’ont pas renoncé à leur objectif second : affaiblir la Russie en l’enlisant dans une guerre sans fin. Au prix même d’un élargissement ultérieur du front.

Les bouches se ont déliées,  et par Angela Merkel, François Hollande  ou Naftali Bennet, nous savons  à présent que la guerre était souhaitée aussi du côté américain depuis longtemps, au moins depuis 2014  où , suite au coup d’Etat provoqué par Washington à Kiev, pudiquement  appelé les évènements de la place  Maidan, date où a commencé l’armement massif de l’Ukraine par les pays de l’OTAN. Les accords de Minsk de 2015 que Paris et Berlin ont sabotés à la demande de Washington n’étaient qu’un rideau de fumée   pour  camoufler cet  armement.

Pauvre Ukraine ! Que dire de plus devant cette histoire  lamentable dont on ne sait  combien de jeunes vies elle emportera encore .

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

[1] Aucune ressemblance avec Juin 1940 qui marquait le début d’une guerre mondiale.

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 22:02

LA POLOGNE ET SES DEMONS

 

Comment ne pas s’effrayer d’entendre que certains Polonais rêvent que la Pologne ait la première armée d’Europe de l’Ouest ?

La moins réticente à s’engager en Ukraine, la plus remontée contre les Russes, ce qui n’est pas peu dire, c’est elle qui récolte le plus  d’armes américaines. Aussi certains, à Varsovie,  se prennent-ils à rêver d’une double revanche, sur la Russie mais aussi l’Allemane régulièrement mise en cause à Varsovie  pour sa tiédeur à envoyer des armes à l’Ukraine et aujourd’hui affaiblie.

Entre la Russie et l’Allemagne, la position de la Pologne n’a jamais été, il faut bien le dire, facile.

On a d’autant plus de mal à comprendre que la Pologne soit aujourd’hui beaucoup plus antirusse qu’antiallemande. Serait-ce l’effet des stratégies d’influence   de Washington, devenues si sophistiquées ?

A preuve la confiance aveugle que font les Polonais aux Etats-Unis qui les ont pourtant lâchés en 1939, en 1945 (Yalta), 1956, 1968, 1981  et qui les lâcheraient sans nul doute s’il y avait risque de guerre mondiale , au cas où la Russie s’en prendrait à eux .

L’Allemagne et la Russie, parfois avec l’Autriche, se sont partagé  la Pologne à plusieurs reprises à travers l’histoire. La première fois à l’initiative de deux Allemands : Frédéric II et Catherine II. La dernière en 1939.

Qui fut l’occupant le plus cruel ? C’est difficile à dire : le communisme stalinien s’en prenait tout le monde. Le massacre de Katyn toucha 24 000 officiers mais plus d’un million d’autres civils non-juifs furent aussi exécutés. Le régime d’Hitler visa d’abord les élites polonaises, y compris les prêtres catholiques. Le but était de faire de  la Pologne un peuple de sous-hommes sans instruction propres à devenir les serfs des Aryens. Avec ls juifs, qui étaient eux aussi polonais, il faut ajouter environ 3 millions de victimes (soit la moitié de celles de la Shoah).

Les Allemands firent souvent exécuter leurs basses œuvres par les Ukrainiens de Bandera. Le soutien aveugle que la Pologne apporte à l’Ukraine est d’autant  plus étonnant que le massacre le plus concentré dans le temps , sous  la Seconde guerre mondiale,  fut  celui où périrent, en juillet 1943, plusieurs dizaines de milliers de  Polonais de Volhynie sous les coups des Ukrainiens bandéristes inféodés à Hitler. 

La sagesse eut été pour la Pologne de ménager la Russie qui sera toujours pour elle un puissant voisin d’autant qu’au départ Poutine n’avait aucune revendication sur la Pologne. En s’engageant à fond du côté de l’OTAN dans une guerre perdue d’avance, les Polonais ont joué un jeu dangereux.

Mais la dernière chose qu’il faut demander aux Polonais, c’est une politique étrangère prudente. Qui se souvent du traité de défense entre l’Allemagne la Pologne de 1934 ?  Sait-on qu’aux accords de Munich (1938), la Pologne obtint une petite province tchécoslovaque ?  Un an avant de passer elle-même à la casserole ! La seule période où la politique polonaise a été raisonnable fut celle où s’exerça la tutelle discrète mais efficace du pape Jean Paul II.

L’aide de la France avait  sauvé la Pologne des Bolcheviks en 1921. On critique à juste titre la passivité française, qui, après avoir déclaré la guerre en 1939 pour défendre le Pologne ne fit rien. Mais a-ton jamais vu un pays perdre sa liberté pour en sauver un autre comme nous l’avons fait ? Et où étaient alors les Etats-Unis si révérés aujourd’hui à Varsovie ?

Le vrai risque pour la Pologne vient aujourd’hui des Etats-Unis. S’ils ne gagnent pas la guerre d’Ukraine, ils n’en auront pas mois affaibli, selon un plan très explicite rendu public un peu partout, la Russie , l’objectif initial étant de l’enliser dans une ou plusieurs guerres où elle épuiserait ses forces . Ils s’étaient mis à partir de 2014 à exciter et armer les Ukrainiens pour qu’ils leur servent, dans cette mauvaise affaire de mercenaires (proxys) . L’Ukraine y a perdu ses principales infrastructures, près de 200 000 hommes et peut-être sa liberté. Les armes américaines sont financées par des prêts et non données. Il lui faudra des dizaines d’années pour se relever.

Qui dit que les « néo-conservateurs » qui ont concocté toute l’affaire à Washington, dès que  la guerre d’Ukraine se terminera, par une victoire russe bien sûr, ne poursuivront pas leur opération de harcèlement et d’attrition de la Russie  en prenant pour base, après  l’Ukraine, la Pologne ?

Une provocation (les Américains savent monter des opérations sous faux drapeau : Vietnam, Irak, Libye, Syrie et peut-être d’autres – comme les Allemands l’avaient fait à la frontière polonaise en 1939 ) et la vanité polonaise aidant , voilà que ce pays partirait  pour l’abîme. Tout ce qui a fait sa prospérité depuis 1990 serait détruit.  Les  Américans ne s’engageraient pas directement , les pays d’Europe occidentale dont les armées sont exsangues non plus.

La Pologne ferait bien de revenir de son hystérie pro-ukrainienne qui a plus  nui que tout à sa sécurité.

 

Roland HUREAUX

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